À quelques jours du retour d’Emmanuel Macron à Marseille, la question de la répartition des compétences entre la Ville et la Métropole est de nouveau sur le devant de la scène. En cause, la gestion des déchets, assurée par la Métropole, et qui pourrait à terme revenir aux communes, comme d’autres compétences de proximité telles que la voirie, dans le cadre d’une profonde réforme institutionnelle. Décryptage.

Dans une lettre adressée au Président de la République, à la suite des événements de ces derniers jours, le maire de Marseille, Benoît Payan, dénonce « des blocages institutionnels absurdes » qui « empêchent Marseille de se relever ». 

Le spectacle d’amoncellement des poubelles dans les rues de Marseille consécutif à la grève des éboueurs et les pluies diluviennes qui se sont abattues lundi 4 octobre, entraînant des tonnes d’ordures dans la Méditerranée, ont cristallisé le débat autour de la gestion des déchets, remettant sur le devant de la scène la question de l’attribution des compétences aux communes.

Ainsi, dans ce courrier, le maire réclame à Emmanuel Macron un retour rapide de ces fameuses compétences de proximité à la Ville : « Propreté, voirie, déchets, transports, rénovation urbaine, logement : les Marseillaises et les Marseillais ne supportent plus l’irresponsabilité générale et l’immobilisme. Personne ne comprend ni n’accepte que ces compétences du quotidien soient exercées par d’autres que ceux que les Marseillaises et les Marseillais se sont choisis », écrit-il, exprimant l’urgence à agir en remettant à plat le fonctionnement de la Métropole et en redéfinissant les missions des conseils des territoires.

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Depuis la visite du Président de la République, début septembre, cette question des « compétences » est devenue un enjeu majeur, car pour espérer obtenir l’aide financière de l’État, notamment ce milliard d’euros promis pour les transports, la Métropole doit opérer une profonde refonte institutionnelle.

Fragilisée par un encours de la dette à plus de 1,9 milliard (au 31 décembre 2020), la Métropole est étouffée par la gestion de compétences de proximité (propreté, voirie, éclairage public…) qui l’empêche de dégager des marges de manœuvre pour financer des projets structurants de dimension métropolitaine.

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Une réforme à l’étude depuis 2017

Le projet de réforme de la Métropole n’est pas nouveau. En 2017 déjà, Emmanuel Macron lançait l’idée de la fusion entre la Métropole et le Département des Bouches-du-Rhône. Projet abandonné depuis, mais dont le travail réalisé, notamment sur la redistribution des compétences, sert de support pour la réforme métropolitaine. En 2019, Pierre Dartout, alors préfet de région, avait remis au Premier ministre son rapport sur le devenir de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence.

Lors de sa réélection à sa tête, à l’été 2020, Martine Vassal (LR) avait clairement exprimé la ligne directrice de cette refondation : « concevoir une métropole de projets, qui nécessite que nous fassions la distinction entre les compétences stratégiques et les compétences de proximité ». 

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Dans cette perspective, la présidente avait annoncé que ces dernières seraient mieux organisées, mieux réparties et assurées par le couple communes-territoires, confiant cette lourde tâche à sa vice-présidente Sophie Joissains, récemment élue maire d’Aix-en-Provence, succédant aux 20 ans de mandats de sa mère, Maryse Joissains.

💡  Les compétences de la Métropole et de ses « territoires »

La Métropole Aix-Marseille Provence a été créée le 1er janvier 2016, pour mettre fin à une forme de fragmentation administrative du territoire. Cette nouvelle entité est issue de la fusion de six intercommunalités (EPCI) transformées en « territoires », dotés chacun de leur propre conseil.

Marseille-Provence (18 communes dont la ville centre Marseille) – CT1 / Pays d’Aix (36 communes) – CT2 /  Pays Salonais (17 communes) – CT3 /  Pays d’Aubagne et de l’Étoile (12 communes) – CT4 / Istres Ouest Provence (6 communes) – CT5 / Pays de Martigues (3 communes) – CT6

La Métropole exerce différentes compétences d’ordre programmatiques et stratégiques, relevant du conseil métropolitain. L’exercice de la totalité des compétences opérationnelles est délégué aux territoires, c’est le cas de la compétence « déchets ».

Si la loi Maptam de 2016 (relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) impose que la gestion des déchets incombe à la Métropole, par des délibérations votées en 2019 et 2020, ce sont ici les 6 « territoires » qui continuent d’exercer cette compétence qui regroupe la collecte et le traitement des déchets.

Un travail déjà engagé

Au lendemain de la visite d’Emmanuel Macron, début septembre, Martine Vassal a réuni une conférence des maires, le 7 septembre, suivi de différentes réunions de concertation. Celles-ci ont débouché sur une même conclusion : un consensus sur la redistribution des compétences, une inquiétude sur la diminution des attributions de compensation et l’importance de la conservation des territoires.

Même si des propositions devraient être formulées au chef de l’État pour faire évoluer ce cadre, en réaction, des représentants et députés de La République en marche déclaraient dans un communiqué de presse, le 17 septembre, « déplorer les interventions populistes de certains élus qui refusent d’envisager l’intérêt général métropolitain, bloquant le débat sur le délicat fléchage des finances de la Métropole pour les infrastructures de transports ».

La réforme de la Métropole conditionne l’aide de l’Etat. En jeu, 1 milliard d’euros dont 250 millions d’euros de subventions et 750 millions d’euros d’avances remboursables pour financer les transports, entre autres. Des crédits pour lancer l’automatisation du métro, la création de quatre lignes de tramway et de cinq lignes de bus à haut niveau de service et accélérer le plan de déplacements métropolitain, évalué à 3 milliards d’euros d’ici à 2030.

Difficile dialogue

Pour LREM, l’avenir de l’institution passe par un « large rassemblement d’élus, de membres de la société civile et d’acteurs économiques pour que la raison l’emporte face aux derniers « anti-Métropole » arc-boutés sur leurs positions. Le dialogue constructif et républicain doit donner sa chance à une Métropole efficace et au service de nos concitoyens ». 

Dans un communiqué de presse, en date du 6 octobre, en réponse aux déclarations des Benoît Payan, les élus de droite dans l’opposition municipale marseillaise insistent sur le fait qu’une réforme structurelle de cette nature « ne se fait pas avec des coups de force et ne se décrète pas, elle se construit ! »

Pour tenter l’apaisement, le groupe Une Volonté pour Marseille précise qu’il y a « un certain nombre de points » sur lesquels ils peuvent « tomber d’accord comme, par exemple, le renforcement des compétences de proximité aux maires de secteurs ».

Le groupe demande au maire de Marseille de cesser « de prendre en otage le débat que nous devons avoir de manière saine et sereine sur le devenir de la Métropole. Nous ne pouvons imaginer que vous préfériez régler cette question de la réforme métropolitaine au coin d’une table dans les alcôves d’un ministère à Paris ».

Quelle place pour Marseille au sein de la Métropole ?

En ne cédant pas aux exigences du gouvernement, Martine Vassal verrait ainsi sa position renforcée auprès des maires qui l’ont élue à la tête de la Métropole, au risque de mettre Marseille au banc. Toutefois, elle a toujours déclaré vouloir traiter équitablement l’ensemble des communes du territoire.

Il semble loin le « mandat de la réconciliation » souhaité par l’ex-maire écologiste de Marseille Michèle Rubirola (désormais première adjointe), en début de mandat métropolitain. « Nous avons intérêt à travailler ensemble. La métropole ne se fera pas sans Marseille ».

Ce nouveau bras de fer pose clairement la question de la gouvernance métropolitaine, au sein de laquelle ne siège aucun élu de la majorité municipale marseillaise. Aucun élu de la ville centre dans cette métropole, la plus vaste de France : quatre fois le Grand Paris et six fois le Grand Lyon.

En juillet 2020, certains maires s’inquiétaient de voir l’assemblée métropolitaine exposée plus encore que par le passé aux joutes oratoires devant se restreindre au conseil municipal de Marseille. Nul doute qu’aujourd’hui, à l’occasion de la séance de la Métropole, cette crainte ne se confirme. Les bonnes résolutions d’un travail au-delà des clivages politiques jetées à la poubelle.

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