Après l’ultimatum lancé à la Métropole par Emmanuel Macron, sa présidente LR, Martine Vassal a réuni une conférence métropolitaine des maires mardi 7 septembre au Pharo. Si la question de la redistribution des compétences semble faire consensus, la diminution des attributions de compensation suscite l’inquiétude. A la clé, le milliard d’euros promis pour les transports.

« C’était constructif, mais nous sommes au début du travail », lance Frédéric Vigouroux, le maire de Miramas, téléphone vissé à l’oreille, avant de sauter dans sa voiture. « Constructif », c’est le leitmotiv pour qualifier la teneur des échanges de la conférence des maires, convoquée par Martine Vassal, mardi 7 septembre.

Cette concertation indispensable sur l’avenir de la Métropole Aix-Marseille Provence s’est tenue dans l’hémicycle du Pharo. C’est ici même, la semaine dernière, devant un parterre d’élus locaux et d’acteurs économiques du territoire, que le Président de la République a posé un ultimatum : « Les projets sont sur la table. Pourquoi ne trouvent-ils pas une réalisation ? Parce qu’à Marseille, c’est trop compliqué. Parce que c’est le seul endroit où on a créé une Métropole qui passe beaucoup trop de temps à redistribuer, qui a gardé la complexité d’avant, avec des coûts de fonctionnement trop importants et qui du coup a, elle aussi, du mal à porter les projets d’intérêt métropolitain. Tout cela doit se régler. Dans la concertation, avec beaucoup de respect pour les maires concernés ».

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Lever les freins de la Métropole pour débloquer le milliard d’euros de l’État

La Métropole est aujourd’hui pied du mur. Fragilisée par un encours de la dette à plus de 1,9 milliard (au 31 décembre 2020), elle est étouffée par la gestion de compétences de proximité (propreté, voirie, éclairage public…) qui l’empêche de dégager des marges de manœuvre pour financer des projets structurants de dimension métropolitaine.

Pour espérer obtenir l’aide financière de l’État, la collectivité locale doit opérer une profonde refonte institutionnelle. « Nous devons financer pour débloquer la situation, à la condition qu’on règle les problèmes d’organisations et de gouvernance. Sinon, je ne mets plus d’essence dans un système qui continue à garder les mêmes freins. C’est non », sommait le chef de l’État lors de sa visite.

En jeu, 1 milliard d’euros sous forme de 250 millions d’euros de subventions et 750 millions d’euros d’avances remboursables pour financer les transports, entre autres. Des crédits pour lancer l’automatisation du métro, la création de quatre lignes de tramway et de cinq lignes de bus à haut niveau de service et accélérer le plan de déplacements métropolitain, évalué à 3 milliards d’euros d’ici à 2030.

Emmanuel Macron s’est même dit « prêt à faire davantage » pour désenclaver les quartiers Nord et permettre de lier le Nord au Sud « à une condition claire : c’est que cet effort majeur de la nation ne se disperse pas en redistribution inutile de compensations diverses, en paiement de fonctionnement indu, mais qu’il garantisse des réalisations concrètes utiles aux déplacements de tous ».

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Répartition des compétences, organisation administrative et redistribution financière

Pour tenter de répondre à ses exigences, hier, trois sujets majeurs ont été abordés : la répartition des compétences dites de proximité, l’organisation administrative, à savoir les conseils de territoire au nombre de six et enfin l’épineuse question de la redistribution des attributions de compensation.

Depuis la création de la Métropole, les maires militent pour une « métropole de projets ». L’une de leurs revendications porte sur le retour de certaines compétences aux communes, la Métropole gardant la main sur les plus stratégiques (mobilité, développement économique, aménagement du territoire, transition écologique…).

« Le Président a dit ce que des élus attendaient depuis longtemps, nous allons faire des propositions collectives pour déterminer quelles compétences les communes veulent récupérer, confie Nicolas Isnard, maire (LR) de Salon-de-Provence. La bonne nouvelle, c’est que des communes que l’on pensait réfractaires à cette idée, je pense à la Ville de Marseille, ont ouvertement dit par la voix de leur maire qu’elles étaient intéressées par la récupération des compétences de proximité, essentielles à la gestion municipale ».

« Il n’est pas acceptable que la Ville de Marseille soit dans une situation de gouvernance bloquée. Comment expliquer que le maire n’ait pas la main sur la propreté, la voirie, l’éclairage », confirme Benoît Payan.

Un sujet sur lequel les élus ont trouvé un accord, selon Martine Vassal, d’autant « que nous y avions déjà travaillé en 2018 et 2019 », notamment dans le cadre de la fusion Métropole-Département, abandonnée depuis. « On a aussi besoin des territoires », assure-t-elle, à la sortie de la réunion.

Quel avenir pour les territoires ?

En effet, certains maires ont fait part de la nécessité de conserver un échelon intermédiaire pour pouvoir exercer des compétences qui ne sont pas de l’ordre de proximité directe, mais qui ne sont pas d’intérêt métropolitain.

« Sur ce point, nous n’avons pas réussi à faire comprendre à l’État quelle était la singularité de ce territoire », souligne Loïc Gachon, maire PS de Vitrolles. À ce titre, certains avancent l’idée d’un nouveau découpage par bassins de vie. Le maire (PCF) de Martigues, Gaby Charoux, milite pour « d’une solidarité communale » à l’intérieur des territoires. Pour lui, les conditions édictées par Emmanuel Macron sonnent comme un « marché qui peut vite passer le pas du marché de dupes ». Surtout lorsqu’on aborde le nerf de la guerre : les finances.

Inquiétude autour de la répartition des finances

La question d’une meilleure redistribution suscite l’inquiétude chez les édiles. « Les compensations demandées ne sont pas raisonnables, ni la manière dont les choses sont présentées », exprime Lionel De Cala, maire LR d’Allauch. 

À l’heure actuelle, 640 millions d’euros d’attributions de compensation sont reversés aux 92 communes sur les 1,8 milliard d’euros du budget principal de la Métropole. À titre d’exemple, cela représente, 600 000 euros pour Allauch, 16 millions pour Istres ou 20 millions pour Salon-de-Provence. Cette redistribution résulte d’un mécanisme de reversement issu du transfert de charges acté lors de la création douloureuse de l’instance en 2016. « Il faut être serein, et expliquer au Président que ce n’est pas possible. Ces attributions servent justement à compenser des dépenses quotidiennes que nous avons et les baisser nous mettrait tous dans des difficultés insolubles », ajoute Nicolas Isnard.

« Il y a quelque chose de très injuste là-dedans, car il y a des tas de communes qui se retrouveraient en déséquilibre financier si elles ne touchaient plus ces allocations de compensation », plaide à son tour Sophie Joissains, promise à la tête de la ville d’Aix-en-Provence, après la démission de sa mère, Maryse Joissains la semaine dernière. La vice-présidente UDI de la Métropole, chargée de la réforme métropolitaine, comprend d’ailleurs « assez mal le fait de dire, d’un côté on vous fait plaisir avec les compétences, mais de l’autre on vous retire des dotations ».

Une démarche qu’elle juge « éloignée des réalités locales », lançant même un appel au Président de la République à effectuer un nouveau déplacement spécialement pour la Métropole et rencontrer les maires du territoire.

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Un calendrier contraint

À ce stade, les élus métropolitains n’offrent que peu de gages au Président de la République, mais sont unanimes pour faire des propositions et ne « pas tomber dans le piège de la division pour aboutir à une ligne commune », assure Lionel De Cala, qui craint toutefois pour le calendrier contraint.

Les propositions doivent, en effet, entrer dans le cadre de la loi 3DS qui doit arriver devant l’Assemblée nationale à la fin de l’année. « Six semaines pour mener de manière approfondie une réforme institutionnelle d’une si grande ampleur, ça me paraît léger quand même. Ce n’est pas comme ça que l’on bâti une véritable réforme structurante », estime Sophie Joissains.

Selon Benoît Payan, « ce sujet va donner lieu à un débat. Jacqueline Gourault [ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, ndlr] va entamer une série de conférences pour voir comment sont organisées les choses ».

Le chef de l’État sera de retour à Marseille le 15 octobre. Les élus ont jusqu’à cette date pour faire évoluer la gouvernance de la Métropole et l’affirmer comme « opérateur de politique de transports dans un cadre institutionnel révisé. C’est une condition indispensable et c’est une condition préalable », insistait Emmanuel Macron, qui reviendra en février, pour des points d’étape à la fois sur la refonte institutionnelle, mais aussi sur les priorités en termes d’infrastructures de mobilité.

« Le Président de la République nous a challengé, je pense que les élus locaux que nous sommes, allons le relever, assure le maire (LR) d’Aubagne, Gérard Gazay. Nous allons le prendre au mot, nous arriverons à faire des propositions qui permettront de montrer que les élus de cette métropole sont des gens sérieux et travailleurs ». 

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