Effet escargot, vieilles rengaines, Marseille martyre, territoires réconciliés… Entre confiance et défiance, le débat sur le pacte de gouvernance entre les communes et la Métropole Aix-Marseille Provence a fait converger des oppositions, plus qu’une vision. Un préambule au vote du budget prévu à la fin du mois.

Quelle place pour Marseille au sein de la Métropole Aix-Marseille Provence ? Les autres communes pourront-elles peser dans la nouvelle gouvernance ? Fabriquer une équipe de cohésion pour faire gagner le territoire relève d’une mission hautement périlleuse pour la présidente de l’institution, tant les positions divergent au sein de l’hémicycle métropolitain. Si le mercato des vice-présidents ne fait pas l’unanimité, notamment à gauche, Martine Vassal n’a toutefois pas troqué son fameux « jouer collectif ».

Elle le réaffirme même ce vendredi 17 juillet, à l’occasion de la première séance du conseil de la Métropole ; empruntant volontiers cette phrase à l’entraîneur charismatique de handball Claude Onesta : « ce ne sont pas les attitudes individuelles qui comptent, mais le collectif ». Un message adressé à l’ensemble des maires, certes, mais plus spécifiquement aux élus du Printemps Marseillais qui l’accusent de promouvoir une « métropole de l’opposition ».

À cela, la présidente (LR) avance une volonté d’équité entre les territoires, l’innovation en matière de gouvernance, avec notamment l’installation d’un comité des présidents, le tout reposant sur une profonde réforme de la Métropole, dont la lourde tâche a été confiée à Sophie Joissains (UDI), 5e vice-présidente et deuxième adjointe à Aix-en-Provence. « Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons construire ensemble une institution dans laquelle ce qui relève du niveau métropolitain soit défini le plus clairement possible avec un consensus le plus large. La légitimité de la Métropole n’en sera que renforcée ».

Le « pacte de raison » métropolitain

Martine Vassal entend s’appuyer sur une « équipe soudée », à ses côtés (lire par ailleurs), pour donner « un souffle nouveau à cette Métropole et l’ancrer profondément dans le développement et la modernité et j’espère que cette ambition sera partagée majoritairement par cette assemblée ».

Les bases d’une feuille de route, en somme, qu’un grand nombre d’élus entendent emprunter, parfois avec prudence, tandis que d’autres l’estiment semée d’embûches. Et le débat du jour sur le pacte de gouvernance entre les territoires et la Métropole a été pour les élus métropolitains l’occasion d’exprimer leur position.

Au premier rang des « supporters », Georges Cristiani, maire (SE) de Mimet et président de l’Union des maires de Provence, dont les discours et les « premiers actes » de Martine Vassal, « conviennent à nous, la plupart des maires ».

Depuis plusieurs années, les édiles clament les difficultés rencontrées « avec cette création de la Métropole qui a forcé les choses. La centralisation des compétences a étouffé les intérêts de toutes les communes y compris la ville de Marseille », poursuit-il, formulant une demande qui reste inchangée : la création d’une métropole de projets, avec le retour des compétences de proximité aux communes « dans un souci de pacte de raison et d’apaisement ».

Lui a décidé d’accorder sa « confiance », à la présidente, qu’il a d’ailleurs épaulée sous le précédent mandat. « Nous allons essayer de travailler avec vous le mieux possible », afin que les communes ne soient plus « dans l’opposition les unes les autres y compris avec la ville centre ». 

Le mandat de la réconciliation

À ce titre, Michèle Rubirola, maire de Marseille, prône elle aussi un « mandat de la réconciliation » entre Marseille et les autres communes « car nous avons intérêt à travailler ensemble. La métropole ne se fera pas sans Marseille et de son rayonnement dépendra aussi l’attractivité de tout notre territoire ». En accord sur la restitution des prérogatives aux maires, l’écologiste insiste toutefois sur le fait de ne pas confondre « la proximité avec la redistribution ». En ligne de mire, les dotations de compensation, jugées trop importantes (30% à Lyon / 50% à Aix-Marseille Provence), et dont la conséquence est le « marchandage de la survie de la métropole [Aix-Marseille], à Paris ».

Critique, Michèle Rubirola juge que Martine Vassal défend une « vision tribale » de la Métropole. « L’urgence n’est pas de redonner une personnalité morale au territoire mais, au contraire, mutualiser et déployer des moyens beaucoup plus importants pour s’occuper pleinement des sujets métropolitains : mobilité, propreté, aménagement du territoire, transition écologique… des objectifs essentiels à un développement harmonieux », pour l’élue, qui estime que « les discours récurrents de redistribution ne sont que mensonges sur la réalité de la Métropole. Et votre pacte de gouvernance ne change rien sur le fond et nous met dans une impasse financière terrible ». 

Les bons comptes feront-ils les bons amis ?

Les finances ! Le nerf de la guerre ! Un point fondamental qui cristallise nombre de désaccords. C’est aussi le sens de l’intervention de Jean-Pierre Serrus (LREM), car pour lui « tout nous amène à penser que la métropole de projets sera freinée par les difficultés financières. Pour qu’il y ait projets, il faut des marges de manoeuvre ». Loin des discours d’intention, le maire de la Roque-d’Anthéron s’interroge sur les décisions à prendre « pour que la Métropole continue d’accompagner les politiques municipales », tout en travaillant « sur les projets stratégiques ».

Avant le vote du budget qui doit intervenir à la fin du mois, l’ancien vice-président en charge de la mobilité avance quelques trajectoires budgétaires : « en 2017, la Métropole a investi environ 460 millions et emprunté 150 millions pour boucler le budget. Avant même l’impact du Covid, pour 2020, nous sommes partis pour investir 470 millions et c’est insuffisant pour rattraper le retard notamment sur la mobilité, on devra emprunter de l’ordre de 300 millions ».

Frédéric Guiniéri, lui, veut remettre les compteurs à zéro. L’autoflagellation, très peu pour le maire de Puyloubier, fatigué d’entendre dire « qu’ailleurs, c’est mieux » lâche-t-il, expliquant que derrière l’attribution des compensations, il s’agit « de la redistribution de ce que la loi ne permettait pas de prendre aux communes ». Cette nouvelle mandature sonne pour lui le début d’une nouvelle manière de travailler, où le collectif et « le partage » sont primordiaux, notamment pour « défendre le territoire et aller réclamer ce que l’État nous doit ».

Et Yves Vidal, maire de Grans, de rappeler aux bons souvenirs des élus, les « promesses » du gouvernement Ayrault, et celles du « gouvernement actuel » qui s’est « engagé » sur une modification de la loi NOTRe « pour nous donner les moyens de construire cette Métropole qu’on ne construira pas sur le dos de nos communes », clame-t-il.

Plus incisif, Stéphane Ravier (RN) prévient : « Cette fois, vous n’avez pas droit à l’erreur. Vous êtes soutenue et surveillée par les maires qui ne manqueront pas de mettre en application les promesses que vous avez faites et nous les aiderons en cela. Vous, madame la présidente, comme le Premier ministre, tenez vos engagements ! » Il voit dans ses nouvelles orientations, non plus « une monstropole au bénéfice de Marseille », mais un acheminement « vers des communes plus libres », avec des maires, « maîtres chez eux ».

Pour la sénatrice Samia Ghali, le salut de la Métropole passe par la recherche d’un équilibre « entre les uns et les autres, car chacun paiera l’addition de ce qui ne va pas », souligne-t-elle, replaçant Marseille au centre des débats. « Si Marseille ne va pas bien, vous aurez l’effet escargot », annonce l’adjointe de la majorité municipale marseillaise, aux autres maires. « On est obligé d’être ensemble, qu’on s’aime ou non. On a tous une responsabilité collective pour la Métropole, les communes et la commune centre ».

« Comment permettre à Marseille d’exister pleinement dans l’orientation métropolitaine ? »

Sauf que pour certains élus de la même mouvance politique, les éternels débats sur les problématiques de la deuxième ville de France sont souvent de nature à polluer les échanges au sein de l’hémicycle métropolitain. Une inquiétude exprimée par le maire (PS) de Vitrolles : « Il est à craindre que notre assemblée se retrouve exposée plus encore que par le passé aux joutes oratoires qui devraient se restreindre au conseil municipal de Marseille. Nous n’avons pas à parler d’écoles dans cette assemblée ».

Crainte exacerbée puisqu’aucun élu du Printemps Marseillais ne siège dans l’exécutif métropolitain : « comment comptez-vous, madame la présidente, assurer cette continuité avec une commune qui représente près de la moitié des habitants de notre métropole et assurer cet échange permanent, pour permettre à Marseille d’exister pleinement dans l’orientation métropolitaine ? », interroge Loïc Gachon.

« J’espère que nous ne ferons pas de cet hémicycle un espace de règlements de compte »

Avant la réponse de Martine Vassal, Sophie Camard, maire (LFI) du 1-7e arr. de Marseille réagit dans une « intervention improvisée ». « Nous n’avons pas présenté de candidat, car nous étions prêts à soutenir une présidence qui pourrait venir d’une autre commune que Marseille, car nous ne portons pas un discours de Marseille martyre, Marseille impuissante, Marseille qui va se plaindre. Nous portons un discours de Marseille qui va reprendre ses responsabilités. Nous ne voulons pas faire de cette métropole un niveau de revanche politique, mais de coopération », explique-t-elle, ajoutant qu’en effet le lieu n’est pas adapté au débat sur les écoles, mais propice pour faire avancer la question du logement indigne. « J’espère que nous ne ferons pas de cet hémicycle un espace de règlements de compte ».

Pas de règlements de compte pour Gaby Charroux, mais des propositions. Même si le débat « remet sur le terrain les vieilles rengaines », le maire (PCF) de Martigues est « impatient » de se mettre au travail.

Sa liste de souhaits : un moratoire sur la métropole existante, pour définir d’ici la fin de l’année un projet de mandat de « cette future métropole co-construite et co-élaborée par toutes les parties prenantes, et bien sûr par la ville centre aussi, sans aucune exclusive » ; la définition de l’intérêt métropolitain « avec quelques projets emblématiques immédiatement mis à l’œuvre » ; ou encore l’évaluation d’un budget préservant les ressources des communes « mais qui s’inscrit dans une trajectoire financière pour les 5 ans à venir, solide et valable pour l’ensemble du territoire, avec un plan d’action pour le développement économique et les transports ».

Au-delà des étiquettes politiques

Les commissions apparaissent comme l’échelon privilégié pour permettre aux élus de se mettre au travail. Des espaces « d’échanges et de débats », annonce Martine Vassal, et non plus seulement des cellules d’enregistrement des délibérations. Et de justifier le choix de son exécutif : « je n’ai pas demandé les étiquettes politiques de chacun, je l’ai fait en fonction des compétences, de l’appétence, de l’engagement de chacun… »

Dans cette perspective, elle souhaite délocaliser les débats et « laisser les étiquettes politiques de côté pour construire une vision métropolitaine acceptée par le gouvernement », estimant que la Métropole n’a pas réussi à avancer « parce que nous ne sommes jamais arrivés avec l’ensemble de l’exécutif et les présidents des territoires à avoir une vision commune. Nous ouvrons un nouveau mandat, nous devons repartir sur de bonnes bases, travailler de manière concertée et cohérente. Nous avons un devoir de réussite. Soyons exemplaires et beaucoup plus constructifs ».  

Une gestation de neuf mois débute, avant de rendre sa copie à l’État. Espérons que, cette fois, l’accouchement de la métropole de projets ne se fera pas aux forceps.

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