Nouveau protocole encadrant le droit de grève des agents municipaux, prime, mercredi chômé, plan pluriannuel de recrutement ou encore commission d’enquête… La Ville de Marseille tente de mettre en œuvre des solutions pour résoudre les dysfonctionnements récurrents dans les écoles, accentués par la crise sanitaire.
« Entrave au droit de grève », « non au service minimum, oui au service maximum », « tatas en colère, Ras la blouse »… Hier, à quelques minutes de l’ouverture du conseil municipal, c’est la grogne devant l’espace Bargemon.
L’objet du mécontentement ? Le nouveau protocole d’accord consistant à clarifier l’exercice du droit de grève et visant à assurer la continuité de service public dans les crèches et les écoles. Cet accord instaure notamment un délai de prévenance de la grève de 48 heures et prévoit également de demander aux agents grévistes d’exercer leur droit de grève dès leur prise de service.
Cet accord constitue « un mépris à l’égard des conquêtes syndicales ouvrières acquises notamment en 1936 et en 1945 », exprime le Comité local de résistance et de reconquête (CLRR) des acquis (composé de militants FO, CGT, Sud POI, LFI affiliés), demandant le retrait « pur et simple » du rapport présenté en conseil municipal.
« Nous ne remettons pas question le droit de grève. Le droit de grève est constitutionnel, assure Olivia Fortin, adjointe en charge de la modernisation des services de la Ville de Marseille. Le protocole vise à organiser la manière dont la grève s’exerce pour donner plus de visibilité aux parents et aux agents, et la manière dont on va pouvoir rendre le service en cas de grève », poursuit l’élue, insistant sur le fait que le protocole a été discuté avec l’ensemble des organisations syndicales représentatives (celles qui siègent au comité technique).
Un protocole qui ne fait pas l’unanimité
Trois ont signé : FO, CFE-CGC CFTC et UNSA, ce qui représente près de 70% des agents de la ville. « Néanmoins, ce n’est pas parce que la CGT et la FSU n’ont pas signé que nous ne discutons pas avec elles. Elles représentent aussi la voix des agents », reprend Olivia Fortin.
L’adjoint à la Culture, Jean-Marc Coppola, n’est pas étonné du mouvement social : « C’est normal, c’est une expression démocratique de gens considérant qu’il y a un recul de la libre expression sur le droit de grève. Je ne partage pas non plus ce protocole, mais je mesure en même temps les avancées qui accompagnent des agents en souffrance, particulièrement en période de pandémie, qui n’ont, en recours, que le droit de grève. Je pense que cette avancée structurelle avec ce plan social d’accompagnement permettra une réduction des conflits, mais surtout une réponse aux revendications d’un travail moins pénible et d’une qualité de service. Parce que les gamins doivent manger ».
À titre expérimental jusqu’à la fin de l’année scolaire
S’il s’est abstenu lors du vote comme deux autres adjoints PCF, deux élues communistes de la majorité ont voté contre, ainsi que l’élue écologiste Lydia Frendzel. Le protocole sera mis en œuvre à titre expérimental jusqu’à la fin de l’année scolaire pour en observer les résultats. « On a besoin de mesurer les effets pour pouvoir réajuster au fur et à mesure. On se donne la possibilité de le réévaluer avec les organisations syndicales », ajoute Olivia Fortin. Il s’appliquera par une note de service du directeur général des services pour préciser les modalités aux agents. La date de son application effective n’a pas encore été arrêtée.
Pour Samia, qui manifestait lundi matin, la Ville « étouffe les problèmes récurrents qu’il y a dans les écoles : le manque de personnel, les bras, on demande à ce que la pénibilité du travail soit reconnue. Pas de prime ou je ne sais quoi. Nous sommes debout 9 heures par jour, avec un protocole sanitaire dur », clame-t-elle. Cette Atsem qui a voté pour le Printemps marseillais avec « espoir » se dit aujourd’hui « déçue. Ce protocole, s’ils ne veulent pas l’enlever, tous les vendredis, ce sera grève, prévient-elle. Le problème ne sera pas réglé. Parce qu’à l’intérieur, les enfants sont en danger ».
Pourtant, ce protocole constitue pour la Ville un des leviers d’action pour répondre aux dysfonctionnements dans les écoles. La pandémie a mis à jour la fragilité du système. En raison des protocoles sanitaires de l’État jugés « hors-sol », les agents effectuent sept ou huit services par jour dans les cantines, et sont « à bout de souffle ».
A lire aussi
Mesures d’allégement du temps de travail
Pour redonner de la « respiration aux agents », la Ville a également décidé d’adopter d’autres mesures d’allègement du temps de travail actées en toute fin de semaine dernière et présentées en conseil municipal : les agents bénéficieront ainsi de deux semaines complètes de repos à l’occasion des vacances d’hiver, qui débutent le 22 février.
Le mercredi sera chômé pour leur permettre d’avoir une journée de repos complète, et ce, entre la fin des vacances d’hiver et celles de printemps, soit 7 mercredi. Ainsi qu’une gratification, sous forme de prime, qui sera versée au personnel permanent des écoles et des crèches « au prorata du temps effectif travaillé afin de saluer les efforts de celles et ceux qui sont en premières lignes », détaille Olivia Fortin.
Refonte de l’organisation scolaire
Le protocole et ces mesures de court terme font partie d’un travail de fond pour réformer l’organisation de l’école en profondeur. « Nous sommes conscients que la continuité du service public de la restauration des enfants nous la devons aux Marseillais(es) et dans ce domaine l’attente est forte », poursuit l’élue.
La Ville s’engage ainsi dans un plan pluriannuel de recrutement, pour renforcer les équipes, stabiliser les effectifs et assurer un meilleur taux d’encadrement. Mené « en concertation avec les acteurs de l’école », ce chantier a pour objectif de réévaluer les missions des agents, revoir l’organisation de celles-ci, moderniser le système d’information au quotidien…
« Concrètement, il s’agira de revoir l’organisation des services, travailler sur les pratiques managériales, moderniser les outils de gestions, de supervision… Ce que nous avons découverts à notre arrivée est d’un archaïsme sans nom ». Ou encore permettre aux agents de se réorienter et avoir une seconde carrière au sein de la Ville.
Parallèlement, le maire de Marseille, Benoît Payan, a décidé de créer une commission d’enquête « pour faire toute la lumière sur les raisons qui ont conduit à cette impasse ». Commission qui enquêtera également sur la délégation de service public avec la Sodexo, prestataire de la restauration scolaire [à lire ici]. Le rapport ajouté en urgence à l’ordre du jour du conseil municipal a été voté à l’unanimité.