Grand espace vert, lieu de détente et de promenade, salle de concerts… La Ville de Marseille devrait lancer une étude urbaine et envisage même un concours d’architecture international pour transformer le parc Chanot en accompagnement de son activité événementielle. La municipalité souhaite l’ouvrir sur la ville, et ne s’interdit pas d’imaginer un prolongement naturel jusqu’à l’hippodrome Borély, pour créer un grand site regroupant de multiples usages, à l’image du parc de la Villette à Paris.
Quelle nouvelle vie pour le parc Chanot ? La Ville de Marseille, propriétaire de cet équipement, y voit un important potentiel et souhaite ainsi revoir son positionnement dans le paysage marseillais, pour l’ouvrir sur la ville, tout en imaginant pourquoi pas une articulation naturelle avec l’hippodrome Borély, via le cheminement le long des berges de l’Huveaune.
« Je ne veux plus que l’on bloque autant de foncier toute l’année pour s’en servir si peu : soit il faut s’en servir davantage sur sa mono-vocation, soit il faut lui inventer d’autres vocations qui permettent à différents usages de coexister », explique Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme.
Sur 17 hectares, le parc Chanot est doté de 7 « Palais » au service de l’événementiel, 3 auditoriums de 200 à 3 200 places, 1 800 places de parking et 100 000 m2 de surfaces intérieures et extérieures. Chanot accueille habituellement – hors crise sanitaire – des salons, conventions, conférences, congrès, foires… comme l’incontournable Foire internationale de Marseille qui s’y déroule chaque année fin septembre.
Un important foncier situé dans un endroit stratégique
Depuis 1985, l’équipement est géré par la Safim, filiale de Veolia. Sa convention d’occupation devait arriver à son terme fin 2019, avant d’être reconduite par la précédente équipe municipale pour un an, dans deux buts : accueillir dans des conditions optimales le Congrès mondial de la nature (UICN) [plusieurs fois repoussé en raison de la pandémie, l’événement aura finalement lieu en septembre 2021, ndlr].
Puis permettre d’allonger le délai de sélection d’un nouvel exploitant, dans le cadre d’un vaste projet de reconfiguration du site, et pour lequel plusieurs groupes avaient candidaté. L’exploitant sortant devait emmener avec lui, la Chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence, le Crédit Agricole et le groupe Fimalac. Sur les rangs également, le consortium groupe Vinci, Banque des Territoires Provence-Alpes-Côte d’Azur et le groupe lyonnais GL Events, l’un des leaders mondiaux du secteur de l’événementiel. Frank McCourt, propriétaire de l’Olympique de Marseille, était également dans le match.
« Ce sera à la prochaine équipe municipale élue en 2020 de s’en occuper », avait d’ailleurs exprimé l’ancien directeur des services de la Ville de Marseille, Jean-Claude Gondard.
En fin d’année, la majorité de Benoît Payan a décidé de mettre un terme à cette procédure, tout en reconduisant pour deux années supplémentaires, au moins, la convention avec la Safim, histoire de se laisser le temps de mûrir un projet.
« Pour le moment, le parc Chanot n’est regardé que comme un simple lieu de foires et d’expositions… de manifestations de cette nature. Moi, je vois ici un important foncier, situé dans un endroit extrêmement stratégique, entre le 8e arrondissement, le stade Vélodrome, la mer à proximité, le parc Borély et derrière un tissu résidentiel qui se développe, reprend Mathilde Chaboche. Ce qui devrait être un lieu d’articulation, de jonction, de plaisir, n’est qu’une enclave sinistre dans laquelle on ne va que pour participer à un salon, un événement, souvent lié à notre activité, et que l’on ne vit pas du tout comme un lieu de vie ».
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Une première étude économique liée au tourisme d’affaires
Pour déterminer quelle serait sa vocation la plus pertinente, la Ville souhaite lancer deux études. La première économique, liée au tourisme d’affaires et de l’événementiel dans la deuxième ville de France. « Nous avons des données par-ci, par-là qu’il faut agréger, mais pas de véritable étude stratégique », déplore Mathilde Chaboche.
Ces dernières années, Marseille s’est imposée comme une destination euro-méditerranéenne de congrès. Les derniers chiffres de la Ville font état de 800 opérations de congrès, séminaires et événements d’entreprises dont 21 congrès de plus de 1000 personnes soient 413 300 journées congressistes en 2017. Et un peu plus en 2018.
Or crise sanitaire, le parc Chanot accueille en moyenne 250 événements par an qui rassemblent 1 million de visiteurs. Selon trois typologies de manifestations : événements d’entreprises de type l’Oréal, en passant par le secteur de l’automobile ou des séminaires d’affaires. Des congrès qui s’étendent sur une durée de 3 à 4 jours (comme celui des pompiers, de la CGT…), puis des festivals ou salons grand public à l’image de Marsactac, la Savim, la Japan Expo, ou la Foire de Marseille.
Cette dernière attire, à elle seule, plus de 300 000 visiteurs chaque année et représente en moyenne 80 à 100 millions d’euros de retombées économiques sur le territoire. Pour le Congrès mondial de la nature, 10 000 participants venus du monde entier sont attendus sur une dizaine de jours. Dans le milieu de tourisme, un congressiste représente une réelle plus value car il dépense en moyenne 300 euros par jour (logement, restauration, transports,…), soit bien plus qu’un touriste traditionnel.
« Qu’est-ce qu’un lieu de tourisme d’affaires en 2022, 2023, en 2030 ? »
Reste qu’au regard de la crise sanitaire, le tourisme professionnel essentiellement lié aux congrès à Marseille, est une économie en mutation. Pour Mathilde Chaboche cette réalité est à prendre en compte dans la future destination du parc Chanot. « Dans un contexte où l’on manque de véritables espaces publics, il faut réfléchir au repositionnement de cet équipement y compris en se posant les questions : qu’est-ce qu’un lieu de tourisme d’affaires en 2022, 2023, en 2030 ? Quels sont les usages ? Qu’est-ce que le numérique nous apprend à l’heure de la crise sanitaire ? ».
De fait, l’adjointe souhaiterait également s’appuyer sur une « véritable étude urbaine pour donner du sens et une utilité » à ce foncier. « On peut imaginer qu’un équipement se mutualise et qu’il puisse avoir plusieurs vies. À Marseille, où l’on a une faible couverture en équipements publics, et compte tenu de ce qu’on doit rattraper, on ne va pas forcément pouvoir construire des mono-équipements », plaide-t-elle.
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« Il faut réfléchir à d’autres temporalités, mixer les usages »
Dans cette optique, l’élue estime que le parc Chanot mérite un concours d’architecture et d’urbanisme international. « Je ne sais pas si on le fera, mais cela permettrait d’avoir des signatures prestigieuses. Et surtout de définir comment donner une urbanité au lieu, comment en faire un parc urbain, que l’on traverse, mais où l’on peut aller aussi pour les foires et les salons. Il faut réfléchir à d’autres temporalités, mixer les usages : on pourrait imaginer que ce soit un lieu de congrès lorsqu’il y a besoin, pourquoi pas un « Marseille Plages » l’été avec des animations pour les enfants ».
Les réflexions devraient aussi porter sur la création de grandes pelouses, de lieux de détentes, de manèges, pour « en faire un véritable parc urbain pour passer d’un quartier à l’autre, pour y faire son jogging… Y compris mieux fonctionner avec le stade ».
Elle évoque l’idée d’aménager l’esplanade située entre le stade Vélodrome et la station de métro Dromel pour y concentrer l’activité autour des matchs plutôt que sur le boulevard Michelet : « On pourrait faire un espace d’accueil pour les supporters les soirs de grands matchs, ça aurait du sens, plus de sécurité et moins d’embouteillages ».
Une salle de concert ?
Imaginer un équipement culturel dédié aux grands festivals avec une salle qui permettrait l’accueil de concerts internationaux de grande jauge, n’est pas non plus exclu de la réflexion. Un point qui avait pourtant fait grincer des dents l’ancienne opposition municipale, Benoît Payan en tête, dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public.
Celle-ci prévoyait d’ailleurs que Chanot devienne un lieu ouvert à la population, avec la création d’une grande esplanade paysagère centrale, le développement de la végétalisation, ou encore l’aménagement d’une grande allée plantée publique, réservée aux piétons et aux transports doux (marche, vélos, trottinettes, rollers…) du rond-point du Prado à l’esplanade du Stade Vélodrome.
Étendre la réflexion jusqu’à l’hippodrome Borély
Mathilde Chaboche veut aller plus loin, avec une étude urbaine « plus ambitieuse », qui pourrait prendre en compte le parc Borély et s’étendre jusqu’à l’hippodrome, dont la concession prendra fin en 2023. « Lorsque l’on sort du parc Chanot, il y a l’Huveaune, avec ce petit bout de trame verte qui va jusqu’à Borély et derrière l’hippodrome, où il y a là aussi un foncier hallucinant sur lequel il nous faut des idées portées par l’extérieur. Il y a donc une logique de grand site à avoir ». À l’image du parc de La Villette, à Paris et de ses multiples fonctions.
Durant la campagne des municipales, les visions s’étaient cristallisées autour l’avenir de l’hippodrome Borély. « Je ne suis pas certaine qu’il sert l’intérêt général du plus grand nombre. Nous verrons dans les discussions à venir s’il est stratégique de laisser l’hippodrome à cet endroit. On est au tout début de la réflexion ».
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