Sanctuariser 20 hectares de terres agricoles à Marseille durant le mandat. C’est la feuille de route d’Aïcha Sif, adjointe en charge de l’agriculture urbaine. Ses leviers d’actions ? Les permis de construire et décisions modificatives du PLUI. Un travail « constructif » est aussi mené avec la Métropole, qui vise de son côté la préservation de 40 hectares de terres dans la ville.
Stopper la bétonisation des terres agricoles et des espaces naturels, augmenter progressivement les surfaces consacrées à l’agriculture urbaine, « pilier d’une économie urbaine en transition ». À Marseille, la majorité municipale cultive cette ligne.
À travers ses fonctions environnementales, économiques, pédagogiques et sociales, l’agriculture urbaine est devenue un outil de lutte contre les effets du changement climatique. Elle présente de nombreux avantages environnementaux pour limiter les inondations, favoriser la biodiversité, prévenir les incendies… Elle s’impose également comme un vecteur d’amélioration du cadre de vie et de préservation de la santé tout en favorisant l’inclusion sociale ou encore l’insertion professionnelle.
Potagers, jardins partagés, fermes urbaines… Si des initiatives ont émergé ces dernières années dans la cité phocéenne, à l’image du Talus, Terre de Mars et bien d’autres « Marseille consomme encore trop peu ses produits locaux », note Aïcha Sif, adjointe à la Ville de Marseille, en charge de l’alimentation durable, l’agriculture urbaine et la préservation des sols. Délégation qu’elle devrait conserver au regard des derniers événements qui ont bousculé la vie politique marseillaise.
Première victoire sur le domaine des Charmerettes
Alors qu’elle était auto-suffisante en 1950, l’autonomie alimentaire dans la deuxième ville de France est aujourd’hui réduite à deux jours. Pour renverser cette tendance, le choix de l’agriculture urbaine suppose de stopper l’artificialisation des terres agricoles, identifiée comme l’une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. « Le foncier agricole continue d’être considéré comme un réservoir de foncier constructible pour les promoteurs. C’est un sport de combat de longue durée pour leur préservation », explique l’élue.
L’objectif de la Ville est d’arriver à « sauver », sous la mandature, 20 hectares de terres agricoles, « actuellement menacées sur la commune par des projets immobiliers, mais aussi des projets routiers, comme le Boulevard Urbain Sud pour ne parler que de lui. Il nous emporte 700 m2 de jardins partagés », prend-elle pour exemple.
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Premier levier d’action pour parvenir à l’objectif fixé : les permis de construire. « Nous nous sommes battus durant 5 mois pour que des terres agricoles ne soient pas emportées dans des projets immobiliers sur le domaine agricole des Charmerettes (9e), au Cabot, où sur 3 hectares se trouve un maraîcher. On a réussi à préempter ses terres et ne pas renouveler le permis de construire », se satisfait Aïcha Sif.
Dans ce dossier complexe, un permis d’aménager avait été accordé par la précédente municipalité. Il prévoyait que la Ville cède une parcelle de foncier pour créer une voie d’accès pour la construction de deux lots. Parallèlement, un permis de construire pour une maison avait été délivré en début d’année, sa concrétisation étant toutefois suspendue au fait que la Ville vende son petit bout de terrain communal.
Chose que l’adjointe Aicha Sif et son homologue à l’urbanisme Mathilde Chaboche ont refusé. « Spirit nous demandait un deuxième permis d’aménagement, mais comme nous n’avions pas l’intention de vendre le foncier pour la création des deux premières constructions immobilières, nous ne l’avons pas attribué, car la voie d’accès n’existe pas », explique Mathilde Chaboche.
L’adjointe ajoute que la Ville souhaite accompagner la fondation suisse Helvetia Massilia, propriétaire de la bastide datant du XVIIIe siècle, dans un « nouveau projet ». Il passera par un « travail d’identification, probablement avec la Métropole, qui prendra en compte la conservation du terrain agricole qui fonctionne, avec une idée à développer aussi autour du patrimoine ».
Deux trains modificatifs du PLUI lancés
Voilà l’un des exemples de la politique foncière que souhaite impulser la Ville de Marseille. Pour la préservation des terres agricoles, elle entend également agir sur le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI). Adopté fin 2019 et en vigueur depuis janvier 2020, ce type de document d’urbanisme dit « vivant » est amené à évoluer au fil du temps. Deux trains modificatifs vont débuter en fin d’année : la première phase va s’achever au mois d’avril 2021. Elle vise à réparer les oublis, apporter des corrections formelles.
La seconde qui devrait se clore fin 2021, permet aux 18 communes du Conseil de territoire Marseille Provence (CT1) de demander des évolutions et/ou modifications de zonages. Ce processus est encadré, car le PLUI doit conserver sa structure générale et ses équilibres d’ensemble. Cela rend impossible, par exemple, la suppression des régimes de protection, mais rend possible en revanche de les renforcer. La Ville entend ainsi déterminer quels sont les fonciers agricoles remarquables à sanctuariser et de quel régime de protection ils bénéficient, pour les renforcer le cas échéant.
Des délibérations portant sur le PLUI devraient être présentées lors du conseil municipal de lundi, après la séance consacrée à l’élection du nouveau maire.
Un travail constructif avec la Métropole
« Préserver veut dire « empêcher » que les terres fertiles et arables, celles qui font pousser notre nourriture en zone urbaine et en zone péri-urbaine ne nous échappent plus. Durant des années, c’était la politique aux promoteurs, dans cette ville. Nous avons la pédagogie qu’il faut aujourd’hui vis-à-vis des promoteurs », insiste Aïcha Sif.
L’adjointe confie également travailler de manière « très constructive » avec la Métropole sur le sujet. « Nous avons réussi à nous coordonner avec l’agriculture avec un grand A du côté de la Métropole et le développement de l’agriculture urbaine avec la Ville. Le vice-président Christian Burle a très bien compris que les deux étaient complémentaires. Nous allons d’ailleurs siéger au sein des comités de pilotage pour décider de gros projets », assure l’adjointe.
Début 2019, la Métropole a présenté un plan pour favoriser l’agriculture urbaine qui promettait en deux ans la « sanctuarisation » de 40 hectares et l’aide à la commercialisation en circuits courts sur Marseille. Le budget : 2,1 millions d’euros. La deuxième phase devrait débuter fin 2021, et s’étendre aux autres villes de la métropole. La création d’un vaste parc agricole sur les piémonts du massif de l’Étoile, sur un périmètre de 250 ha est prévue dans les actions. La collectivité a voté en octobre un rapport en ce sens.
L’enjeu pour Aïcha Sif est de créer une boucle vertueuse afin de développer les circuits courts, et intensifier une production de proximité pour les cantines scolaires. Autre vaste dossier, au menu du mandat de l’élue.
13,5 M€ sont mobilisables en Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le recyclage foncier des friches
L’enjeu d’une gestion économe de l’espace est une priorité nationale depuis l’inscription d’un objectif de « zéro artificialisation nette à terme » dans le plan Biodiversité de 2018.
Avec un fonds friche doté de 300 M€, le Plan de relance donne l’opportunité d’accompagner les territoires sur le recyclage foncier des espaces artificialisés. Une enveloppe de 259 M€ sur deux ans est entièrement territorialisée pour permettre le financement d’opérations de recyclage de friches, et se traduit par la mise en œuvre d’appels à projet à l’échelle régionale.
13,5 M€ sont mobilisables en Provence-Alpes-Côte d’Azur, sur les deux années à venir, et donneront lieu à deux éditions d’appel à projets. Un premier appel à projets régional « Recyclage foncier des friches » est ouvert en Provence-Alpes-Côte d’Azur en décembre 2020, avec des candidatures attendues pour le 1er mars 2021.
Il vise à apporter une subvention d’équilibre à des opérations d’aménagement qui recyclent des espaces artificialisés vacants ou délaissés, et qui sont suffisamment matures pour passer rapidement en phase opérationnelle. Les projets doivent répondre à certains critères d’éligibilité détaillés dans l’appel à projets. Après une instruction des dossiers par la DREAL avec l’appui des DDT(M) et du Cerema, le préfet de région réunira un comité de sélection partenarial début avril 2021, qui procédera au choix des projets lauréats et à la détermination du montant de la subvention attribuée.