Passé le temps de l’urgence vitale, l’heure est venue de l’accompagnement renforcé des entreprises du territoire pour réussir la relance, préserver les emplois et préparer l’avenir. Tour d’horizon des mesures phares et des projets à l’étude de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence.
Objectif 11 mai et après… Dès les premières heures de la crise, la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille Provence s’est mobilisée pour soutenir les entreprises du territoire. D’abord avec la création de la cellule « Urgence Covid-19 », début mars ; devenue quelques jours plus tard, à la demande de la préfecture des Bouches-du-Rhône le guichet unique des entreprises du département, y compris du pays d’Arles. « Nous avons pris toute notre part à l’action collective, dans notre rôle de tiers de confiance », souligne Jean-Luc Chauvin, président de la CCIAMP.
À ce jour, 6500 demandes d’entreprises ont été enregistrées par la cellule de crise. Composée de 45 collaborateurs, elle reçoit l’appui de l’Ordre des experts-comptables et du Barreau de Marseille. « 97% des dossiers soumis ont trouvé une solution par notre intermédiaire, grâce aux dispositifs existants », reprend Jean-Luc Chauvin. Et plus de 4000 entreprises ont été contactées par nos équipes ».
La cellule « urgence Covid-19 » devient une cellule de « continuité et de reprise économique »
Réunions de travail et d’informations avec l’ensemble des réseaux d’entrepreneurs (fédérations professionnelles, zones d’activités, associations de commerçants, industriels, syndicat de l’événementiel…), mise en place de fiches pratiques de décryptage réactualisées des annonces gouvernementales, enquêtes de terrain pour faire remonter les problématiques au sommet de l’État, création de la carte « Consomap13 » qui géolocalise les établissements de proximité ouverts dans les Bouches-du-Rhône… La chambre consulaire métropolitaine a piloté un certain nombre d’actions, en collaboration avec ses partenaires.
Dans l’optique du déconfinement prévu le 11 mai, la cellule « urgence Covid-19 » devient une cellule de « continuité et de reprise économique ». « Nous devons maintenant tout mettre en œuvre pour redémarrer rapidement et durablement dans le respect du cadre sanitaire, dans le respect des salariés et des clients, car les gestes barrières feront partie de notre quotidien », insiste le président de la CCIAMP. « Il est important que nos entreprises se relèvent, car nos entreprises c’est la vie et c’est aussi la première cellule de sociabilité française ».
Stimuler la consommation locale et droit à l’expérimenter
Pour stimuler la consommation locale, « faire en sorte que les gens d’ici consomment et achètent les produits d’ici, pour sauver nos emplois », une campagne de communication ciblée entreprise et grand public va débuter le 4 mai, sous le #çarepartici. Parallèlement, en collaboration avec les associations de commerçants, une opération de « chèques-cadeaux Treiz’local » va être lancée avec un message clair : « jouer local, c’est vital », déployée à l’échelle de la métropole. « Un appel direct aux habitants du territoire pour consommer local ». À charge aux collectivités et aux commité d’entreprises de se les procurer pour les distribuer à leurs collaborateurs.
Le Métropolitain Business Act, au sein duquel 1500 TPE-PME sont inscrites, dont quelque 150 donneurs d’ordre privé et public, se transforme jusqu’à la fin de l’année 2020 en « MBA solidaire ». La CCIAMP prendra en charge l’adhésion de toutes les entreprises « de façon à ce que toutes les start-up, les TPE-PME, ETI, grands groupes, qui travaillent en BetoBe et qui ont des besoins, de pouvoir travailler ensemble, étendre leurs réseaux et là aussi d’acheter local. Une reprise solide ça passe par une communauté d’entreprises locales et solidaires », poursuit Jean-Luc Chauvin.
Pour anticiper et accompagner la reprise, la CCIAMP propose aussi un droit à l’expérimentation pour faire avancer des projets et accélérer des procédures réglementaires, dans le respect de la loi. Majoritairement les commerçants veulent repousser la date des soldes, ouvrir des drives, organiser des braderies, ou des nocturnes, bénéficier d’amplitudes horaires plus importantes, travailler le dimanche… pour tenter de rattraper les pertes. L’idée est de simplifier toutes les procédures administratives nécessaires.
La création d’une foncière hôtelière à l’étude
Pour les secteurs du tourisme et de l’événementiel très durement impactés. « L’heure est grave. Il faut vraiment que l’on mette en œuvre des moyens pour soutenir ces secteurs, et aller plus loin que les mesures annoncées par l’État. »
La CCIAMP étudie la création d’une foncière hôtelière composée d’acteurs publics et privés, dont des investisseurs de long terme. « Elle pourrait éventuellement momentanément, accompagner les entrepreneurs en difficulté, propriétaires de murs de leur hôtel, de façon à pouvoir supporter le coût du foncier, acheter le foncier, le remettre aux normes, etc.. et ensuite une fois que l’hôtelier a redressé son exploitation lui permettre de le récupérer ».
Sur les 779 hôteliers des Bouches-du-Rhône, environ 350 sont propriétaires de leurs murs. Une solution « sur du court et moyen-terme » qui pourrait leur permettre de diminuer leurs charges, retrouver de la trésorerie… « pour soulager leur conscience et éviter des dépôts de bilan ».
Sauver les entreprises locales pour relancer le secteur événementiel
Sur la filière de l’événementiel, l’impératif est de préserver le « tissu d’entrepreneurs locaux », au risque de ne pas pouvoir repartir. Une réflexion est menée pour la création « d’une structure dédiée au soutien des entreprises en difficulté » ; avec là aussi, public-privé et les collectivités, « peut-être avec des opérateurs qui disposent de sites », à l’instar de la Safim, du World Strade Center… « Un outil temporaire qui viendrait soutenir capitalistiquement les entreprises en trésorerie pour leur permettre de passer la crise, ou en trouvant d’autres solutions ».
La CCIAMP pilote aussi le dispositif de fonds d’aides de 50 millions d’euros mis en place par la Métropole Aix-Marseille Provence, le Département des Bouches-du-Rhône et un certain nombre de communes. 106 dossiers ont déjà été déposés, 13 validés. 650 dossiers à l’échelle des Bouches-du-Rhône sont en cours de constitution sur la plateforme numérique dédiée. Ce dispositif, opérationnel pour le soutien à l’emploi, permet aux entreprises de recevoir l’aide sous forme de prêt à taux zéro, avec 18 mois de différé et un remboursement sur 5 ans. Pour une entreprise d’un salarié, l’aide est de 4000 euros, deux salariés 5000 et jusqu’à 20 salariés, 20 000 euros. « Un complément aux dispositifs de l’État ».
Pour permettre le retour dans les entreprises et la réouverture des commerces en toute sécurité, un appel aux dons a été lancé, en partenariat avec l’IHU et les marins-pompiers pour massifier les tests au sein de l’établissement du professeur Raoult.
L’aide aux personnels soignants s’est concrétisée avec la mise en place d’une véritable petite usine de fabrication et de blouses au palais de la Bourse.
Préparer le « rebond économique » au travers de trois secteurs clé
Un œil ici et maintenant pour consolider, aider, et avec un regard tourner vers l’avenir, le temps est aussi à la préparation du « rebond économique ». Il repose d’abord sur les enseignements de cette crise, qui a mis en lumière une dépendance accrue à une chaîne d’approvisionnement lointaine, et dans le même temps tous les potentiels du territoire. « Nous aurons à concentrer nos efforts sur quelques filières prioritaires, là où nous aurons des atouts différenciants à mettre en œuvre ».
Trois secteurs sur lesquels il faudra miser dans l’avenir ont été identifiés : la santé, le numérique et l’économie décarbonée. Aix-Marseille figure parmi les grands pôles d’excellence au monde en matière de recherche. « Il faut que l’on soit en capacité de répondre au gouvernement et aux appels à projets européens. Inventer la molécule c’est bien, mais il faut être capable ici de l’industrialiser. »
Grâce à son réseau de câbles sous-marins, en 2022, le territoire sera au rang des 5 métropoles mondiales en matière de connexion numérique. « Notre territoire à les atouts pour devenir un hub international de la data. Mais ça ne suffit pas de construire des data-center, il faut tirer parti du fait que l’on a ces données pour structurer une filière qui crée de la valeur ajoutée, de l’emploi… »
Avec ses éléments naturels, la disponibilité foncière et le savoir-faire industriel (filière énergétique, cluster, centre de recherche CEA et Amu, Iter…), « Aix-Marseille Provence peut se convertir en un laboratoire à ciel ouvert de cette nouvelle économique décarbonnée qu’il faut inventer ».
Lancement d’un concours international de start-up
Pour passer de l’investigation à la réalisation de projets sur ces trois filières, des outils d’aides à la « décision objectifs sont nécessaires qui mettent en évidence nos forces par rapport à la concurrence française, européenne et mondiale et de faire nos choix selon l’idéologie du retour sur investissements ». À la demande de Provence Promotion et de la Métropole, la CCIAMP réalise une étude pour la mise en place de cet outil spécifique.
D’ici fin juin, un concours international sera lancé sur les 5 continents, pour inviter 1000 start-up à venir s’installer sur le territoire, et ainsi créer un laboratoire d’expérimentation in-vivo pour tester, développer des solutions innovantes et créer des synergies économiques et technologiques.
La CCIAMP travaille aussi sur la création d’un fonds d’investissement « richement doté » qui serait géré par une cellule métropolitaine (public/privé) pour la relocalisation de l’industrie sur les filières de l’énergie de demain, la production du médicament… « Elle serait chargée de prospecter, séduire, convaincre, suivre les dossiers de financement pour les accélérer… pour éviter que l’on perde du temps dans la compétition internationale : une cellule avec une vision à 360° en manière de foncière, de financement, de formations, d’accueil et de discussion, et là, la notion d’expérimentation prend tout son sens ».
Sur toutes ces pistes, Jean-Luc Chauvin lance un appel « solennel » à tous les acteurs de l’économie locale. « On aura besoin de tous ».