Un parcours de soin inédit est en train de voir le jour dans les quartiers Nord, grâce à la mise en place de deux sites de dépistage Covid-19. Au-delà des tests, le dispositif vise à assurer un accompagnement social de la population, permettant également d’anticiper le déconfinement.
C’est un « circuit court intégré ». C’est comme ça qu’Annie Lévy-Mozziconnacci a surnommé l’initiative qu’elle pilote dans les quartiers Nord. Depuis un peu plus d’une semaine, la généticienne s’active pour mettre en place un parcours de soin ville-hôpital, à destination des populations défavorisées de la cité phocéenne.
Une action concrète de terrain pour cette élue municipale et métropolitaine. Loin de ses deux casquettes, et même de la campagne des municipales, le médecin a réussi à mobiliser différents acteurs de la santé et des associations pour permettre la mise en place d’un dispositif inédit. Mandatée par le pôle biologie de l’hôpital Nord, où elle exerce, elle a reçu le concours de Médecins sans frontières (MSF), « soutien et acteur de l’urgence sanitaire. Ils ont recruté des médecins, des infirmières… Pour mettre le circuit au point, nous avons travaillé avec la filière hospitalière Covid, de l’hôpital Nord, impliquée dans la boucle de réflexion, notamment le docteur Ménard, infectiologue au sein de l’établissement, et bien sûr les acteurs de terrain ».
Au Château en santé et au Centre régional de Malpassé
Dès aujourd’hui, deux centres de dépistage et d’orientation sont mis en place, en appui des maisons de santé existantes : l’un au « Château en santé » au Parc Kalliste dans le 15e et l’autre au Centre régional de Malpassé dans le 13e. Jusqu’à dimanche, le dispositif est en période de rodage, avant son lancement officiel ce lundi.
Des tentes vont être installées permettant le dépistage de proximité des personnes symptomatiques et les sujets contacts. Une personne symptomatique pourra se présenter dans l’un des deux sites. MSF assure l’accueil ; le tri et les prélèvements s’il juge qu’il y a risque de Covid. L’équipe de Médecins sans frontières assure également leur transport vers l’hôpital Nord où a été monté en urgence un laboratoire Covid.
Pour l’heure, une capacité de 100 prélèvements par jour a été fixée. « Nous avons pris contact avec des laboratoires privés proches de ces deux structures, pour pouvoir répondre à une surcharge, en fonction de leurs possibilités. L’objectif étant d’avoir un vrai parcours soin et rapidement d’avoir un état des lieux de cette population, pour préparer le déconfinement ».
L’innovation réside dans le fait que ce parcours permet de proposer un accompagnement social et médical des personnes covid+ et des sujets contacts : « Au regard des résultats que nous communiquerons, si c’est positif, mais que la personne peut rester à domicile, dans de bonnes conditions, eh bien elle pourra le faire. Dans le cas contraire, c’est là que les acteurs sociaux, les médiateurs de santé seront mobilisés. Ils feront une consultation sociale. La prévention pourra se faire dans la langue du pays, par les associations qui travaillent avec nous et qui pourront, à partir de là accompagner la personne et surtout la famille d’un covid positif », explique Annie Lévy-Mozziconnacci.
Ce dispositif a été présenté à l’Agence régionale de santé (ARS Paca) vendredi dernier, « qui soutient le projet », assure la généticienne. La Fondation de France devrait également être de la partie, notamment en donnant un coup de pouce aux associations qui interviennent dans ce parcours de soins. La start-up aixoise xRapid, qui développe actuellement une application gratuite de dépistage des tests sérologiques, devrait également prêter main forte. (lire ici)
Le dernier maillon de la chaîne : des hébergements de transition
Reste que la réussite totale de ce dispositif repose sur un dernier maillon de la chaîne : la nécessite absolue de mettre à disposition des lieux d’hébergement de transition afin d’y installer des personnes Covid + qui ne peuvent être maintenues dans leur lieu d’habitation. « Quand on est 8 ou 10 dans un T2, ce n’est pas possible. Aujourd’hui, le constat est simple. On a affaire à une population défavorisée, notamment avec une spécificité : c’est la surpopulation de l’habitat. Et quand on a une surpopulation de l’habitat, les consignes de confinement doivent être accompagnées. C’est là où notre parcours est tout à fait innovant et répond à cette nécessité. Si on veut réussir ce circuit, il nous faut quelques logements de transition, au moins une vingtaine ou une trentaine ».
Dans cette perspective, des discussions ont été engagées, avec le groupe Accor, par exemple, « prêt à s’engager si une charte sanitaire est établie pour l’utilisation des locaux hôteliers ». Mais également la société La Varappe qui propose une solution de petit studio modulaire container.
L’appel à l’Etat
Pour élargir l’offre, Annie Lévy-Mozziconacci a, par ailleurs, adressé un courrier à Marie Aubert, préfète, déléguée pour l’égalité des chances des Bouches-du-Rhône : « Nous ne pouvons émettre des consignes de confinement et fermer les yeux sur l’impossibilité de les mettre en pratiques dans certaines situations d’habitats inadéquats notamment à Marseille où nous sommes confrontés à une grande précarité. Ce problème concerne aussi les sorties d’hospitalisation et retour à domicile de patients covid + maintenus inutilement à l’hôpital uniquement pour des raisons d’habitat non-compatible avec un confinement de qualité, écrit-elle. Les besoins urgents nécessiteraient d’ouvrir entre 50 et 100 chambres dans le cadre du parcours de soin « Covid Nord » que nous avons mis en place. », écrit-elle.
Cette démarche vient compléter celle mise en place à l’espace santé de l’AP-HM, à quelques mètres du nouveau pôle d’échange du métro Capitaine Gèze.
Médecins sans frontières disposent de deux autres tentes pour étendre le dispositif. Une réflexion est déjà menée sur sa mise en œuvre dans le 3e arrondissement. Elle nécessiterait d’élargir l’offre de logements de transition. « L’idéal serait un lieu proche des acteurs médicaux impliqués afin d’y maintenir un suivi médical avec les maisons de santé /MSF et les équipes mobiles de soin déjà mobilisées. Nous permettrons ainsi de répondre au souhait d’intégrer ces logements de transition à un parcours de soins ville-hôpital de territoire soutenu par l’ARS Paca », souligne d’ailleurs le médecin dans la lettre à la préfecture.