Les mouvements de lutte contre le harcèlement de rue se sont imposés ces deux dernières années, sur les réseaux sociaux, portés par la déferlante #Balancetonporc, #Metoo, #PayetaShneck… Une dynamique qui a gagné le territoire.

Il ne s’agit plus seulement de témoigner sur la toile et de sensibiliser, les femmes passent à l’action. Elles s’appellent Daniela, Anais, Pauline ou Marguerite… et dans cette série en quatre volets, elles reviennent sur leur combat pour se ré-approprier l’espace public.

« L’habit ne veut pas dire oui ». Elles sont lycéennes à Martigues. Avec ces quelques mots, quatre jeunes filles ont exprimé ce qu’elles subissent au quotidien, à l’occasion du concours « Non au harcèlement », organisé par le ministère de l’Education nationale. « Est-ce normal qu’on prenne mes fesses en photo parce que je porte un short ? Est-ce normal que certains hommes portent un regard inapproprié sur moi quand je fais les magasins ? », avaient-elles exprimé, devant l’assemblée, sans détour, parce qu’elles ont simplement décidé de se saisir de ce sujet encore trop souvent minimisé.

Et pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2018, une étude de l’Ifop révélait que 8 femmes sur 10 ont déjà été confrontées à au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ou dans les transports en commun. En d’autres termes : le harcèlement de rue est monnaie courante pour une grande majorité de femmes en France.

« Non, nous ne sommes pas disponibles dans l’espace public »

Les stratégies d’évitement s’apparentent alors à des réflexes. Ne pas passer par les rues sombres, ni descendre dans les stations de métro et ne pas utiliser les transports en commun tard le soir, ne porter ni jupe, ni décolleté… Face à la menace, certaines adoptent différentes attitudes malgré elles : tête baissée, sourde oreille, changement de trottoir, sourire crispé… Des comportements loin d’être anodins, puisque 44% des femmes déclarent avoir déjà été suivies au cours de leur vie sur une partie de leur trajet (Source Ifop). Le rapport démontre que la rue est le terrain de prédilection de ce type de harcèlement, suivi de près par les transports en commun.

, Elles veulent mettre le hola au harcèlement de rue, Made in Marseille
Daniela Lévy, porte parole de OLF

Pour inverser cette tendance, des femmes ont décidé de se rebeller et de dénoncer ces comportements. Daniela Lévy est porte parole d’Osez le Féminisme (OLF). L’association se bat, au quotidien pour faire avancer l’égalité femme-homme. La militante évoque une différence au niveau du sentiment de légitimité dans l’espace public. « On va dire à une petite fille  “ne sort pas habillée comme ça”, “fais toi raccompagner”, autant de phrases qu’on ne dit absolument pas à un garçon. Donc ça construit un sentiment d’illégitimité dans l’espace public, car en même temps on va aussi dire qu’une fille ne peut pas se défendre parce que « ce n’est pas beau » ».

Daniela Lévy dénonce une « inversion absolue des responsabilités », car les femmes « ont donc la responsabilité d’éviter l’agression ». Face au harcèlement de rue, la militante précise : « Nous n’avons pas toujours à nous rendre disponibles à l’interaction parce que cela fait partie du rapport de force ». Elle insiste aussi sur le fait que les femmes n’ont pas à culpabiliser de leur réaction, d’autant que ne pas répondre participe aussi à l’émancipation féministe : « non, nous ne sommes pas disponibles dans l’espace public ».  

Marseille : première ville à former la police contre le harcèlement de rue

La France est devenue le premier pays au monde à sanctionner le harcèlement de rue. C’était en août 2018 sous l’impulsion de Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. En avril 2019, 587 amendes étaient enregistrées pour outrages sexistes. « L’idée est que lorsque les policiers et policières observent des phénomènes de harcèlement de rue, ils puissent mettre une amende », expliquait alors la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour accompagner la loi, Marseille a décidé d’aller plus loin. Sous l’impulsion du préfet de police, Olivier de Mazières, la cité phocéenne a été précurseur en proposant de former les policiers à la détection et à la catégorisation des outrages sexistes.

« L’outrage sexiste relève d’une contravention quand l’agression et l’injure relèvent du délit »

Une avancée qui n’est pas sans susciter quelques interrogations : « Au niveau symbolique, ça a un intérêt, car la loi reconnaît le harcèlement sexiste dans l’espace public comme un délit et c’est très important, ça pose un cadre et un sentiment de légitimité », poursuit Daniela Lévy. Cependant, « la question porte sur la possibilité d’application de cette loi, comment faire pour avoir une situation de flagrant délit par exemple… » Elle souligne également le risque de  minimisation des violences, puisque « l’injure sexiste et l’agression sexuelle existent déjà dans les textes, donc il ne faudrait pas qu’une agression sexuelle soit considérée comme un outrage sexiste et qu’une injure sexiste passe pour un outrage… L’outrage sexiste relève d’une contravention quand l’agression et l’injure relèvent du délit. »

En plus de la loi, pour lutter contre l’insécurité des femmes dans les espaces publics, certaines ont décidé de s’offrir des remparts supplémentaires. Leur arme : leur smartphone. A lire demain sur made in Marseille dans notre deuxième volet.

💡 Harcèlement ou séduction, quelle différence ?
Détecter le harcèlement de rue, c’est comprendre la différence qui s’opère avec la séduction. Le harcèlement de rue consiste à interpeller des personnes dans les espaces publics ou semi publics en leur adressant des messages intimidants et dégradants de par leur sexe, genre ou orientation sexuelle. Il se manifeste généralement par des sifflements, des commentaires sexistes, des insultes voir des attouchements.

Une différence essentielle subsiste entre complimenter et commenter, et donc, entre séduire et harceler. La séduction est une interaction qui demande réceptivité et réciprocité. Le harcèlement, lui, se contente de la volonté d’un seul, provoquant peur et inconfort chez la victime. La considération du consentement constitue donc la frontière essentielle entre la séduction et le harcèlement. Lors de ce dernier, l’interaction est forcée, et insultes et remarques sexistes n’ont rien d’humoristiques ou de séduisantes.

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