Ils sont en accord sur le principe : offrir un projet de rupture, « une alternative crédible » à Marseille en 2020. Le front unitaire PC-PS-EELV-LREM, voire LFI, associé aux collectifs citoyens est-il utopique ? Les partis qui appellent à un « large rassemblement » pourront-il s’affranchir de leurs étiquettes ? Acte III de notre série politique.
Incontestablement, Mad Mars a réussi son premier pari. Réunir dans un même lieu les élus et les citoyens. Vendredi 7 juin aux Dock des Suds, près de 500 personnes ont répondu à l’appel du collectif citoyen qui entend porter une « véritable alternance », aux prochaines élections municipales à Marseille. Une soirée sous le signe « 2020, Oui c’est possible ! ». « Cette soirée est porteuse d’espoirs car, contrairement à ce qu’on pourrait croire, les Marseillais s’intéressent à la vie de leur ville, au changement qu’on peut provoquer. Il n’y a pas de déni de citoyens contre les politiques ou de politiques contre les citoyens », nous confie la sociologue Mathilde Chaboche, secrétaire chez Mad Mars. « Le fait qu’ils soient tous dans la même salle, ce soir, c’est très important. Car le but pour nous est de pouvoir recoller toute cette énergie, tout ce monde-là, et toute cette intelligence, pour pouvoir vraiment faire émerger quelque chose ».
Dans l’assistance, des publics de divers horizons et de différents secteurs de Marseille. Agnès ne s’est pas inscrite « mais j’ai quand même été intriguée par cet événement, alors je suis venue au denier moment », nous confie cette jeune maman à l’issue de la réunion, juste avant de reprendre le tram direction le centre-ville. « Je trouve intéressant que dans cette ville les citoyens s’activent pour trouver des solutions. J’ai vu monter cette envie après l’effondrement des immeubles. J’ai été très attristée. J’espère que tout ce qui se passe en ce moment pourra se poursuivre dans le temps. Mais la politique ça reste la politique », souligne la jeune femme, un brin sceptique.
Alexandre, lui, est « à fond ! Ça fait plaisir de voir tout ce monde et même des élus, ça me fait rire, les choses sont en train de changer », sourit-il, enthousiaste. C’est en effet de tous bords politiques – ou presque – que des élus sont venus tâter le terrain, écouter, échanger, curieux de voir si la dynamique citoyenne est réelle. La socialiste Marie-Arlette Carlotti, debout dans le public, est attentive à la présentation des résultats du sondage. « Ce Marseille-là me plaît bien. Solidaire. Je ne sais pas si ça veut dire que c’est la nouvelle gauche, mais de tout ça doit sortir de vrais projets ».
L’heure de la clarification a sonné
Annie Lévy-Mozziconacci (PS) s’associe également pleinement à cette démarche, « car c’est le modèle de mon engagement depuis six ans. Je suis convaincue que cette ville n’a pas laissé la place à ses compétences », explique-t-elle, amusée de revoir des visages qu’elle n’avait plus croisé depuis longtemps. Pour la conseillère municipale du 6-8e, le temps est venu « de rentrer en responsabilité dans cette ville et de ne plus être dans l’opposition ». Pour réussir ce pari, elle reste convaincue que « les citoyens doivent s’associer à des élus compatibles, parce qu’ils ont appris la machinerie politique. Cette expertise et cette expérience doivent se mettre au service de cette dynamique ».
Benoît Payan sent naturellement cet élan citoyen. Lui aussi était au rendez-vous. L’élu socialiste, pour qui préparer l’avenir de Marseille repose davantage sur une « alternative » que sur une « alternance », estime que l’heure de « clarifier les choses » a sonné. « Ce soir, des personnes sont venues d’horizons complètement différents. Ils leur sera difficile de fabriquer quelque chose ensemble car ils ne vivent pas la ville de la même manière, car ils n’ont pas les mêmes options de vie, les mêmes orientations politiques, et des ambitions différentes. Un temps de discussion doit venir de manière nécessaire. Ce temps-là est urgent. »
Pas d’alliance EELV-LREM
Ce n’est qu’une fois cette étape franchie, et à la condition où « l’on sait où l’on va », que le chef de file PS au conseil municipal pourrait s’associer au projet collectif. « Je participerai s’il y a un rassemblement qui porte quelque chose de différent ». Dans cette optique, difficile d’intégrer LREM, qui appelle aussi de son côté à fédérer très largement. « Je n’ai pas entendu l’ombre d’une idée, pas une ambition, pas lu une perspective pour la ville de Marseille, c’est la droite qui se renouvelle », tacle l’élu.
À la tête du collectif Marseille en commun, Sébastien Barles dresse le même constat. « Les écologistes se sont clairement opposés à la politique gouvernementale. Même si à Marseille, nous sommes dans un contexte particulier, et que les enjeux sont différents, je pense qu’il ne peut pas y avoir d’alliance entre LREM et les écologistes malheureusement, en raison de la politique nationale », déclare-t-il, alors que La République en marche fait de l’environnement l’une de ses priorités de campagne municipale.
Les votes à l’Assemblée nationale du député Saïd Ahamada, candidat à l’investiture En Marche, sur la loi anti-casseur ou encore asile-immigration viennent renforcer cette position. « C’est un ami, et j’ai du respect pour lui, mais je ne comprends pas comment il a pu voter ça. On ne peut pas cautionner ça ».
« Nous sommes condamnés à réussir »
Aux côtés d’Europe Écologie Les Verts, le collectif s’est ainsi engagé « dans une démarche écologique et citoyenne unitaire pour transformer notre ville » annonce-t-il dans un communiqué de presse en date du 8 juin. Portés par la vague verte des européennes, ils proposent ensemble de bâtir un « projet de rupture », sans se soumettre aux accords d’appareils. « L’idée, c’est de faire une liste écolo-citoyenne la plus large possible, avec toutes les personnes de bonne volonté, mais pas des héritiers du système, et en s’affranchissant des logos. C’est quelque chose qui n’existe pas encore », poursuit le co-fondateur de Marseille en commun, Sébastien Barles.
Ce modèle peut-il seulement exister ? Si plusieurs partis de gauche sont en accord sur le principe de travailler sur un projet collectif, que se passera-t-il à l’heure du choix d’une tête de liste ? Le secrétaire départemental du PCF13, Jérémy Bacchi reste persuadé que « l’intelligence collective prendra le pas sur le reste, car il n’y a pas de plan B. Nous sommes condamnés à réussir », nous confiait-il, il y a quelque temps. « La mission est bien plus grande que la reconstitution de la gauche. Il faut une alternative forte. La question du projet doit être déterminante dans nos actions », insiste-t-il.
C’est d’ailleurs le sens de l’appel lancé le 25 avril dernier. « Il faut déjà se mettre en accord sur 10 ou 15 axes, et c’est possible sans accord d’appareil, avant de discuter d’une tête de liste. Si on est en capacité déjà de se mettre d’accord sur ça, on a la capacité de donner à voir la vraie pluralité du rassemblement dans sa plus grande diversité ». Pour lui, exclure les partis d’une démarche collective citoyenne pourrait créer les conditions d’un non-rassemblement. À l’instar de Benoît Payan, il souhaite une accélération et une clarification, sans pour autant « brusquer les choses. Il faut afficher un accord de principe fin septembre, début octobre », estime-t-il.
Les États généraux de Marseille les 22 et 23
Silencieuse jusqu’ici, La France insoumise a décidé à son tour d’appeler à l’union, avec la construction d’une fédération populaire. Une idée déjà lancée par Jean-Luc Mélenchon, après l’appel du PCF13. « La fédération populaire doit être le creuset politique dans lequel les collectifs, les associations, les syndicats et les militants politiques débattent et construisent avec les Marseillais.es une réponse alternative humaine, écologique et populaire (…). Cette alternative populaire doit se construire avec le plus grand nombre de citoyen.nes, qui mieux que quiconque, savent ce qu’ils veulent pour Marseille ». Dans cette perspective, LFI invite ainsi les citoyens à venir largement participer aux États généraux de Marseille « vivante, populaire et accueillante », les 22 et 23 juin, organisés par les collectifs et les associations à la faculté de Saint-Charles.
#Municipales2020 #Marseille #LFI Voici notre texte adopté hier soir au consensus pour une fédération populaire à Marseille.
➡️Pas l’isolement
➡️Pas l’union de la gauche à la grand-papa
⏩Un débordement citoyen pour être à la hauteur des enjeux dans notre ville 🙂! pic.twitter.com/5Z7gUQQxTm— Sophie Camard (@SophieCamard) 13 juin 2019
Que sortira-t-il de ces multiples appels au rassemblement ? De ces États généraux et réunions citoyennes ? De cette volonté de transformer Marseille ? Si l’espoir de réussir la cohésion politico-citoyenne est bien réelle, à ce stade, la formule pour y parvenir est encore floue. Et parfois à trop appeler à l’union, le risque est de créer la dispersion.
Différents thèmes ont été proposés à l’occasion de ce sondage sur la question « Quels sujets pourraient le plus vous inciter à voter aux municipales ?» C’est sur la sécurité que les résultats sont les plus représentatifs, suivis de domaines fortement liés au développement économique. « La majorité des Marseillais émettent le constat que leur ville est en retard non pas en comparaison de Paris, mais par rapports aux autres grandes villes de province ». En troisième position, les sujets relatifs au cadre de vie : environnement, logement et inégalités entre les quartiers. Après le drame de la rue d’Aubagne, la lutte contre le logement insalubre n’est pas apparue comme une priorité pour les Marseillais, sur la question du retour aux urnes, en revanche, « c’est le premier sujet sur lequel il y a un constat de retard, sur les politiques liées au logement et en particulier au logement insalubre » reprend la sociologue.
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