Coco Velten a emménagé à Belsunce, dans le centre-ville de Marseille, avec un bail de trois ans. De l’hébergement d’urgence à l’hébergement de structures sociales, économiques et culturelles, reportage dans cette colocation géante.
Les 4 000 m2 de l’ancienne Direction des Routes étaient inoccupés depuis des années, en plein centre-ville de Marseille, dans le quartier de Belsunce. Un symbole à l’heure où la question du logement dans la deuxième ville de France fait polémique.
Mais le symbole vient de changer d’allure. Près de deux ans de gestation ont donné naissance à Coco Velten. Un lieu unique en son genre, mélangeant l’hébergement social d’urgence, et celui de structures associatives et d’entreprises, ainsi qu’une offre culturelle et de restauration.
Un projet social multifacettes innovant, que le Premier ministre, Édouard Philippe, est venu inaugurer en personne vendredi 12 avril, en présence du Julien Denormandie, ministre du Logement. Quelques heures plus tard, il fallait faire la queue depuis l’extérieur pour accéder au bar de La Cantine de Coco Velten. Une foule de plusieurs centaines de personnes fêtait dans une ambiance de pendaison de crémaillère l’ouverture au public de ce nouveau lieu de vie.
Après avoir inauguré Coco Velten à #Marseille, le Premier Ministre, Edouard Philippe, a pris le chemin de Grans pour parler mobilité pic.twitter.com/fVSBzaKBtF
— made in marseille (@MadeMarseille) 12 avril 2019
« C’est un tremplin, le temps de retrouver un logement. Ça me motive »
Qui de mieux placée que Natacha pour expliquer le sens de ce projet ? Nous la rencontrons au premier étage du bâtiment, dans la salle à manger de la résidence sociale. Elle est en train de poncer du bois dans la salle à manger de la résidence d’hébergement d’urgence de Coco Velten. Car il reste encore quelques finitions pour transformer ces anciens bureaux en véritables logements. « Je me sens privilégiée, j’ai énormément de chance d’être ici », confie-t-elle, presque gênée. Il y a quelques semaines, Natacha était « à la rue ». Aujourd’hui, elle occupe ces logements refaits à neuf, avec un grand salon commun, une salle à manger, une terrasse ensoleillée et espace de jeu pour les enfants.
Si Yes We Camp, spécialiste de l’aménagement d’espaces publics et d’animation culturelle (entre autres, le camping éphémère à l’Estaque en 2013, le projet Foresta) chapeaute le projet Coco Velten, c’est le groupe SOS Solidarité qui gère « la résidence hôtelière à vocation sociale » de 80 places. « Le premier défi, c’est de sortir les gens de la rue le plus vite possible, avant qu’ils ne se coupent complètement de la société », nous explique le responsable du projet d’hébergement social, Érick-Noël Damagnez. Pour cela, lui et ses équipes travaillent « sur l’urgence » et tentent de reloger les sans-abris dans les plus courts délais. « Le second défi, que permet ce lieu rare et innovant, c’est de remettre des personnes dans une dynamique. C’est un environnement propice au lien social, car il y a une mixité incroyable ».
« C’est vrai », confirme Océane Vilbert. Elle représente l’association Plateau Urbain qui complète le trio aux commandes de Coco Velten. C’est elle qui coordonne les 40 structures, associations ou entreprises, qui occupent également cette colocation géante. Elles sont sélectionnées pour leur impact social sur le quartier et les résidents. « Lors de la soirée de lancement, il était impossible de dire qui était un résident social, et qui travaillait pour une structure. Le moteur, c’est cette mixité », poursuit-elle.
Natacha, outils en main, incarne ses propos. Elle est aujourd’hui une « coco » comme tous les autres occupants des lieux. Arrivée depuis moins de deux semaines, la vitalité culturelle, sociale et économique semble rejaillir sur elle. « C’est un vrai tremplin, le temps de retrouver un logement. Ça me motive, je suis toujours occupée à droite à gauche. Là, je viens de m’engager sur un projet de Yes We Camp pour construire un escalier dans le quartier ». Mais ici, les choses ne vont pas à sens unique, et Natacha ne compte pas se cantonner au rôle de simple exécutante : « Ils veulent le faire en béton l’escalier, mais y a pas moyen ! Je vais les convaincre d’utiliser des matériaux plus nobles, naturels. En bois, ce sera mieux. »
Trois ans et puis s’en va ?
Natacha porte aujourd’hui cette promesse que Coco Velten compte concrétiser dans la durée : créer une dynamique impactante pour le quartier, en abritant sous le même toit des acteurs culturels, économiques, sociaux et des sans-abris.
Mais que la promesse soit tenue ou non, le projet a d’ores et déjà une date de péremption. La Préfecture de Région met à disposition le bâtiment pour une durée de trois ans, avant de le vendre à la Ville de Marseille. Pour l’instant, donc, quelle que soit la réussite et l’impact social du projet, tous semblent s’accorder sur sa fermeture en 2022.
« On a signé pour trois ans, on le prend comme tel », répond sobrement Sophia Daoud, coordinatrice générale de Coco Velten pour Yes We Camp. Avant d’argumenter : « C’est également plus facile d’être accepté dans le quartier quand c’est temporaire. Et toutes les démarches administratives sont plus rapides ». Érick-Noël Damagnez, responsable à SOS Solidarité, poursuit : « Beaucoup de dispositifs de ce type s’épuisent avec le temps. Trois ans, ça donne une dynamique, un challenge : on a trois ans pour faire du super boulot ! »