L’hydrogène est pressenti comme une solution énergétique « verte » incontournable dans les prochaines années. Transports publics et individuels, production et stockage d’électricité, les innovations se multiplient en Europe et en Provence pour mettre l’hydrogène au cœur de notre quotidien. Explications dans ce troisième épisode de notre dossier du mois consacré à la ville de demain.
« Les objectifs d’émissions de CO2 fixés par l’Europe ne seront pas possibles sans hydrogène », lance Valérie Bouillon-Delporte, présidente de l’association Hydrogen Europe. Elle cite la sortie récente du commissaire européen à l’énergie. L’Union Européenne s’est en effet accordée pour que la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables soit d’au moins 32% de la consommation finale brute en 2030.
Peu présent dans le débat public, l’hydrogène représente pourtant une solution très importante dans la transition énergétique. Il permet de concilier les objectifs de baisse des émissions de CO2, baisse des polluants et de soutenir le développement des énergies renouvelables.
Se déplacer dans un véhicule électrique capable de faire le plein en 2 minutes, chauffer sa maison, stocker l’énergie produite par des panneaux solaires et des éoliennes, l’hydrogène peut répondre au grands défis énergétiques de la ville de demain.
L’hydrogène et la pile à combustible, c’est quoi ?
La pile à combustible est un procédé découvert et utilisé dès la fin du 19ème siècle qui repose sur l’oxydation d’un combustible et la réduction d’un « comburant » produisant de l’énergie électrique, de la chaleur, et… De l’eau. En des termes simples : une pile à combustible alimentée en Hydrogène et en Oxygène, produit de l’énergie et rejette de l’eau.
Le rendement en énergie de cette technologie est très intéressant, et ses émissions polluantes sont quasi-nulles. Ce qui en fait une solution très prisée à l’heure de la transition énergétique. Jusqu’à présent, le prix des énergies fossiles et leur rendement était bien plus compétitif. Mais les innovations dans la pile à combustible et la pression écologique remettent l’hydrogène au premier plan.
Les piles à combustible utilisant l’hydrogène sont silencieuses, modulaires, ne rejettent pas de CO2, ni de particules fines. Grâce à cette solution, l’hydrogène est aujourd’hui considéré comme source d’énergie. Pour le transport par exemple (voitures, camions, bus et bateaux), pour l’électronique avec des micro-piles à combustible, la production d’électricité dans des centrales ou l’univers spatial pour l’alimentation de satellites.
Mais pour la présidente de Hydrogen Europe, Valérie Bouillon-Delporte, « il est aussi une solution de stockage d’énergie, et donc une clé pour le développement des énergies renouvelables tels que le solaire ou l’éolien ». Le soleil et le vent sont en effet des énergies intermittentes. Elles fonctionnent par pics, de manière parfois aléatoire. Le stockage ou le transport de l’électricité produite sont très compliqués. « Si vous transformez le surplus d’énergie verte produite en hydrogène, vous pouvez la stocker, la transporter, la réutiliser dans la mobilité ou la re-transformer en électricité plus tard et ailleurs. C’est pourquoi le développement de l’hydrogène est incontournable pour des régions à fort potentiel en énergies renouvelables, ensoleillées, venteuses, et maritimes, comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur ».
« La technologie est mûre, il manque le déploiement à grande échelle »
Transports, chauffage, industrie, production d’électricité, stockage d’énergie, Valérie Bouillon-Delporte explique que l’hydrogène est aujourd’hui capable de prendre sa place dans la ville de demain : « La technologie est mûre, il manque le déploiement à grande échelle, qui lui est plus compliqué ». Elle prend pour exemple les 8 000 voitures à hydrogène dans le monde actuellement, pour 300 en France. « Les coûts de production sont évidemment plus élevés à petite échelle. Mais à partir de 50 000 véhicules produits, ils concurrencent alors les véhicules traditionnels en termes de prix et de performance. La voiture à hydrogène a tous les avantages d’un véhicule électrique, mais on fait le plein aussi rapidement qu’avec une voiture à essence ».
Et c’est justement l’approvisionnement et le transport de l’hydrogène qui se présente comme un défi pour la ville du futur.
À Aix-en-Provence, Hysilabs transforme l’hydrogène en liquide
En Provence, au Technopôle de l’environnement de l’Arbois (Aix-en-Provence), la société Hysilabs répond à cette problématique majeure de l’hydrogène, et vient pour cela de recevoir le Trophée de l’Innovation Aix-Marseille.
Aujourd’hui conditionné sous haute pression en forme gazeuse, le stockage et le transport d’hydrogène sont techniques et dangereux. Hysilabs propose une solution pour le stocker sous forme liquide, comme l’explique son président Pierre-Emmanuel Casanova : « Cela permet une utilisation plus proche du grand public, l’hydrogène est moins dangereux et moins technique à transporter. On peut ainsi alimenter facilement les centre-villes ou les stations-services ». Selon lui, l’Hydrosil, le liquide développé par Hysilabs, permet également de transporter sept fois plus d’hydrogène que sous sa forme gazeuse.
Les #Startup Awards 2019 du Forum Energy for Smart Mobility, décernés le 14 mars à Marseille, ont récompensé 4 startups dont l’aixoise @Hysilabs qui innove pour transporter l’hydrogène à l’état liquide🚀 Félicitations🎉 + d’infos dans @GreenUnivers ➜ https://t.co/8EXbFXoYMu pic.twitter.com/QZZ6Pa5hK8
— AixMrsFrenchTech (@AMFrenchTech) 18 mars 2019
La Provence et l’hydrogène
Hysilabs n’est pas le seul à développer des solutions autour de l’hydrogène en Provence. Les initiatives sont balbutiantes, mais elles fleurissent sur tout le territoire.
Dans la zone industrialo-portuaire de Fos « Jupiter 1000 » devrait être opérationnel en 2021. L’unité transformera les surplus d’électricité renouvelable en hydrogène et méthane de synthèse pour l’injecter dans les réseaux de transport de gaz naturel. Toujours à Fos, sur la plateforme PIICTO, le projet « Valhydate » vise à la valorisation de l’hydrogène généré par les industriels du site. Du côté de Manosque, HyGreen veut produire et stocker de l’hydrogène vert à partir de l’énergie solaire.
À Signes le projet CATHy0PE travaille sur le développement et déploiement de camions à hydrogène entre Cavaillon et Nice. Notamment à travers la mise en place d’une infrastructure de recharge à Fos-sur-Mer. Il ambitionne de faire circuler plus de 100 camions à hydrogène en 2022.
Bus à hydrogène sur les lignes de l’ouest de l’étang de Berre, locomotive de fret pour le transport des déchets ménagers vers l’incinérateur de Fos-sur-Mer, déploiement de solutions piles à combustibles dans les entrepôts logistiques… Dans son agenda environnemental, la Métropole Aix-Marseille-Provence met en avant le déploiement de l’hydrogène sur le territoire, même si les projets annoncés sont encore « au stade de réflexion ».
Le transport Maritime vers l’hydrogène ?
Ce n’est plus un secret, le transport maritime, par lequel s’acheminent 90 % des marchandises mondiales, est très polluant. Le port de Marseille tient une responsabilité importante dans la pollution de l’air de la ville aux particules fines, oxydes d’azote, de soufre… Électrification des navires à quai, filtres aux cheminées, remplacement des navires au fioul par des navires au gaz naturel liquéfié (GNL), les mesures se succèdent pour faire baisser les émissions polluantes des navires.
Pourtant, peu d’armateurs se tournent vers l’hydrogène. « C’est la seule solution vraiment décarbonnée envisageable pour le transport maritime », explique Saïd Ahamada, député LREM de la 7ème circonscription des Bouches-du-Rhône, et très actif sur ces questions. Si le GNL était jusqu’à présent vu comme une phase de transition incontournable, des prototypes de navires de grande capacité propulsés à l’hydrogène commencent à voir le jour. « Il n’y a pas encore de solution hydrogène mûre techniquement pour les armateurs, mais on y arrive plus vite qu’on le pensait. D’ici 5 ou 6 ans, des porte-conteneurs propulsés à l’hydrogène pourraient commencer naviguer ».
Découvrez en vidéo l’Energy Observer, navire 100 % autonome propulsé à l’hydrogène et au solaire :
Les dossiers du mois
Une semaine par mois, made in marseille explore une thématique de la ville. Un article par jour pour aborder les différents aspects d’une grande problématique.
Ce mois-ci : la ville de demain
En février : la culture urbaine
En janvier : les quartiers Nord