Benoit Payan, président du groupe socialiste à Marseille, revient sur le récent déplacement de Benoit Hamon à Marseille, qu’il soutient depuis plusieurs mois, et sur ce qui empêche, aujourd’hui, un rapprochement entre le candidat socialiste à la présidentielle et les autres candidats de gauche Jean Luc Mélenchon (France Insoumise) ou Emmanuel Macron (En Marche).
Il se confie également sur la situation de la gauche locale, qui connaît elle aussi des difficultés d’unité à l’approche des élections présidentielles, sur sa vision qui prône d’intégrer l’écologie au socialisme, sur les problèmes de transports et de propreté dans le centre-ville de Marseille et sur la nécessité de régler la question des rejets polluants dits « boues rouges » en Méditerranée par l’usine Alteo de Gardanne.
Made in Marseille – Bonjour Benoît Payan. Pour commencer cet entretien, comment vous sentez-vous quelques jours après le déplacement de Benoît Hamon à Marseille ?
Benoît Payan – Ça a été un bon déplacement. C’est important pour un candidat à l’élection présidentielle de venir à Marseille qui est la deuxième ville de France et qui se trouve dans le deuxième département de France. Cela compte dans une élection présidentielle, sur le résultat et aussi en termes de symbole et de politique. On ne peut pas faire une élection présidentielle sans s’intéresser à la deuxième ville de France.
Il avait choisi une thématique très particulière – il n’est jamais là où on l’attend – puisqu’il avait choisi le thème du vieillissement, du bien vieillir, de cette vie qui se rallonge et de ces personnes qui ont souvent été, jusqu’à présent, les grands oubliés de l’élection présidentielle. Marseille est en plus la ville la plus jeune de France, je trouve que c’est un drôle de clin d’œil de la part de Benoît Hamon de venir parler du vieillissement dans cette ville-là.
Vous souteniez déjà Benoît Hamon pendant la Primaire contrairement à votre confrère Patrick Mennucci qui était derrière Vincent Peillon et qui a mené la visite marseillaise. Cela ne vous dérange pas ?
Non, car vous savez, je n’ai pas de problèmes d’ego. Je sais parfaitement qui je suis et où je me situe. Ça a fait plaisir à Patrick Mennucci de mener cette campagne qui, il ne vous l’aura pas échappé, est candidat à sa succession aux législatives. Moi, j’ai décidé de mettre en conformité mes paroles et mes actes : je me bats contre le cumul des mandats donc je ne suis pas candidat aux législatives. C’est aux personnes qui ont des élections dans pas longtemps de prendre la lumière, ce n’est pas à moi.
« Merci à #Marseille d’avoir fait battre mon coeur aujourd’hui ! » @benoithamon #Hamon2017 #fairebattrelecoeurdelafrance pic.twitter.com/YBTBKNreaA
— Benoît Payan (@BenoitPayan) 7 mars 2017
J’aimerais que l’on parle de ce qui distingue les trois candidats dits de Gauche, que Benoit Hamon essaye de faire converger. À gauche de la gauche, on a Jean-Luc Mélenchon, et à droite de la gauche, on a Emmanuel Macron. On a aussi certains écologistes qui vont vers Mélenchon, d’autres vers vous, et encore d’autres vers Macron. Ne croyez-vous pas qu’il n’y a finalement que deux gauches et pas trois, une gauche entre vous et Mélenchon et une autre entre vous et Macron ?
Ça peut être une vraie vision des choses, mais moi je crois qu’il n’y a qu’une gauche et que dans cette gauche exprime un certain nombre de courants qui va de la radicalité au social réformisme. La gauche n’est arrivée au pouvoir que par de brèves fractures de l’histoire depuis quasiment un siècle de vie démocratique et n’a exercé le pouvoir qu’assez rarement. Et quand elle a gagné les élections, c’est seulement quand elle a réussi à faire la synthèse entre toutes ces gauches et à essayer de se rassembler.
Toute la difficulté aujourd’hui c’est de réussir cette synthèse et ce rassemblement. C’est très compliqué à fabriquer dans les institutions de la 5e république car cela n’existe que quand un homme est capable d’incarner cette synthèse. Jusqu’à présent, il n’y a eu que deux présidents socialistes qui ont réussi depuis le début de la 5e république, c’est très peu. J’espère que Benoît sera le troisième. C’est à lui aujourd’hui de réussir à fabriquer ce discours qui permettra de synthétiser tout cela, et ce n’est pas facile.
Sur quels arguments pensez-vous que Benoît Hamon pourrait réussir cette synthèse ?
Il a fait le choix, radicalement moderne que j’ai partagé, de changer le discours socialiste. Il considère aujourd’hui qu’on ne vit plus dans le monde tel qu’il était auparavant, qu’on ne peut plus vivre dans ce monde-là avec cette manière ancienne de faire de la politique et qu’on doit comprendre le monde tel qu’il vient. On ne pourra plus opposer environnement et emploi ou considérer que la croissance est indéfinie, que les ressources naturelles sont inépuisables mais, bien au contraire, que le travail change, que les carrières sont hachées et de plus en plus longues.
Considérer que la protection sociale, qui a été une très belle conquête et qui a fabriqué l’identité de la gauche, est dans le marbre et est indépassable est une erreur. C’est pour cela que l’on parle de revenu universel, de perturbateurs endocriniens qui sont essentiels car on voit bien aujourd’hui qu’il y a de plus en plus de maladies liées à nos modes de consommations et nos façons de travailler, et aujourd’hui on doit prendre tout cela en compte. Il faut inventer des protections qui vont avec les futurs changements. Cela ne peut pas être les protections que l’on a inventées au début du siècle et jusqu’aux années 1970. Il faut trouver aujourd’hui un système qui soit capable d’accompagner ces mutations et c’est ce pari-là que Benoît Hamon est en train de faire et de fabriquer.
C’est un pari très risqué car il propose quelque chose de complètement nouveau. J’espère que ce sera un pari gagnant, je n’en sais rien. En tout cas je considère qu’il est très courageux d’avoir cette attitude-là car il est le premier, aujourd’hui, à parler de ce monde qui va venir, de ce monde qui change, en essayant de le comprendre et de faire des propositions qui vont dans ce sens-là.
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Pour vous, Emmanuel Macron ne représente pas forcément un courant de gauche. Mais concernant Jean-Luc Mélenchon, qu’est-ce qui empêche aujourd’hui un rapprochement afin de mener vers cette synthèse de la gauche ?
Il y a des différences fondamentales, sur l’Europe notamment, sur le rapport à nos partenaires internationaux, sur le rapport au travail et à l’entreprise. Est-ce que pour autant ces différences sont indépassables ? Je ne le crois pas. Je pense qu’on doit être en capacité de les dépasser pour arriver à faire un rassemblement autour d’un projet, qui ne soit pas celui qu’a porté le parti pendant une dizaine d’années même si on a fait des choses formidables.
Mais, aujourd’hui, on est plus dans la confrontation des egos que des projets. La 5e république et les élections présidentielles font que les projets deviennent antagonistes et que les personnalités se voient dans l’antagonisme de leur propre projet. Si on n’était pas sur une élection présidentielle, si on n’avait pas de personnalisation à ce point-là de l’élection présidentielle, si Jean-Luc Mélenchon était le chef d’un parti proposant un programme en allant à des législatives qui cadenceraient la vie politique comme ça pourrait se passer dans une 6e république et dans ce que propose lui-même Jean-Luc Mélenchon, forcément sa candidature n’aurait pas de sens.
Quels changements apporteraient la 6e république, voulue par Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, et qui permettraient de faciliter cette synthèse ?
Il n’y aurait pas d’élections présidentielles dans une 6e république. On serait alors forcément sur des élections très politiques car ce seraient des élections générales qui enverraient une majorité au Parlement, quel que soit le Parlement de la 6eme république, composé d’une ou de deux chambres et on verrait dans quelles conditions on fabrique cette chambre. Mais ce serait en tout cas la confrontation d’idées politiques avec un leader de parti qui devient Président du conseil ou Premier ministre, mais il n’y a pas de Président de la République, il n’y a pas cet homme providentiel que l’on cherche à tout prix en France depuis 1958 (année de proclamation de la 5e république, ndlr).
Qu’entendez-vous exactement par « homme providentiel » ?
Tous les cinq ans, on attend celui qui va tout changer, qui va entrer en résonance profonde avec le pays, celui qui va comprendre ses aspirations, qui va se lever, qui va résister au vent mauvais… On a une forme d’admiration, très monarchique d’ailleurs, dans notre rapport au pouvoir et on voit bien qu’on atteint très vite les limites de ces attentes-là. Quelques mois après les élections présidentielles, c’est vrai en 1995, 2002, 2007 et 2012, il y a des aspirations qui sont déçues car celui qu’on espérait comme homme providentiel se heurte au principe de réalité : il n’y a pas d’homme providentiel.
C’est compliqué de dire qu’il n’y en a pas, parce qu’on casse le mythe et parce qu’on ne se comporte pas comme certains attendent des hommes ou des femmes politiques. Or en réalité c’est bien ça. C’est ce que je regrette profondément d’ailleurs dans la démarche d’Emmanuel Macron qui essaye de nous faire croire qu’il est l’homme providentiel. On a besoin de gens qui reparlent de politique en toute simplicité, qui disent : « Moi je ne suis qu’un homme, je n’ai pas la vérité, je propose un chemin ». Et je trouve qu’en cela Benoît est aussi très courageux d’avoir ce comportement-là. C’est très moderne et nouveau de dire cela et c’est aussi très risqué.
Parlons maintenant plus spécifiquement de Marseille et de la gauche locale qui, elle aussi, connaît cette situation de non synthèse. Vous avez déclaré à La Provence que la position de Jean-David Ciot, président de la confédération socialiste des Bouches-du-Rhône, doit être de maintenir l’unité de la gauche et qu’au lieu de cela il sème la confusion. Qu’il a deux solutions : s’en aller ou rester dans le parti mais ne plus avoir de responsabilité. Seriez-vous candidat alors pour devenir premier secrétaire du PS local ?
Non. J’ai dit cela car Jean-David est le premier d’entre nous, il a donc organisé la primaire localement. Or, au lendemain de cette primaire, il a dit qu’il ne soutenait pas Benoît Hamon qui a gagné la primaire. Cela me pose problème. Qui peut croire dans la parole politique si celui-là même qui organise les primaires n’en respecte pas le verdict ? Quand notre chef, celui qui doit nous mener à la bataille, dit qu’il n’ira pas à la bataille parce qu’il n’est pas d’accord avec la ligne de Benoît Hamon, ça me pose un problème.
Il a le droit, en tant qu’homme, député, peut-être même en tant que responsable politique d’avoir des doutes, des appréhensions, des peurs, des angoisses, une forme de retenue comme il peut avoir des certitudes. Mais pas en tant que premier secrétaire. Le premier secrétaire a beaucoup de devoirs, et le premier est de maintenir l’unité de sa famille politique et de la mener au combat. Or Jean-David ne l’a pas fait donc je lui ai dit la chose suivante : soit tu restes premier secrétaire et tu nous mènes au combat, soit tu te retires de ton poste de premier secrétaire. Il faut beaucoup de courage pour se retirer. Aujourd’hui, il n’a toujours pas répondu.
« Tirer à coup de bazooka sur Jean-Claude Gaudin ne fait pas un programme et ne fait pas gagner les élections »
Et vous, en quoi consiste votre rôle de président du groupe socialiste de Marseille ?
C’est un rôle de rassemblement. Vous savez, le Parti Socialiste a énormément souffert des défaites électorales qui le suit depuis des années, c’est pour ça d’ailleurs que je demande souvent aux responsables de prendre leurs responsabilités. Quand on perd les élections, les unes après les autres, on se pose des questions sur ses responsabilités et on essaye de rassembler sa famille politique, on n’essaye pas de la diviser.
Mon premier travail est d’essayer de rassembler ma famille politique et plus largement aussi les écologistes et toute la gauche en général, mais également les associations, les collectifs citoyens, toutes celles et ceux qui veulent que ça change à Marseille et leur proposer un vrai changement, pas un changement de façade. Surtout, j’essaye de travailler sur le fond, de travailler les dossiers, d’avoir une opposition un peu différente de celle qui jusqu’à présent existait. Tirer à coup de bazooka sur Jean-Claude Gaudin ne fait pas un programme et ne fait pas gagner les élections.
« Je considère que dans un centre-ville comme la ville de Marseille, en effet la voiture n’a pas de sens et n’a pas sa place »
L’un des sujets qui vous rapproche de Benoît Hamon, c’est le fait qu’il soit aujourd’hui impossible d’être socialiste sans être écologiste. Vous avez pris souvent la parole sur le sujet de l’environnement justement, par exemple récemment lorsqu’une étude a classée Marseille ville la plus embouteillée de France. Vous préconisez notamment, pour baisser la pollution, d’investir massivement dans les transports en commun structurants, de promouvoir les modes doux et l’auto-partage, refondre le plan de stationnement et de circulation. La voiture n’a plus sa place en ville selon vous ?
L’invention de la voiture est quelque chose qui a changé le monde et l’humanité et qui a relié les hommes. Ça a été un objet extraordinaire d’émancipation. En cela je suis un passionné de voiture, de l’industrie automobile, de recherche technologique, de design, etc. On peut en parler des heures, mais ce n’est pas trop à la mode car les gens voient la voiture comme un objet à bannir. Ce n’est pas mon cas.
Par contre, je considère que dans un centre-ville comme la ville de Marseille, en effet la voiture n’a pas de sens et n’a pas sa place. Dans un centre-ville comme le nôtre, à la topographie si particulière, à l’histoire très compliquée, on devrait avoir des transports en commun très performants, des parkings souterrains très peu chers, la possibilité de faire du transport doux et d’interdire les poids lourds au diesel. On devrait pouvoir avoir un hyper centre respirable, qui ait un peu de gueule.
#Marseille cette année encore capitale des embouteillages
Perte de temps, d’attractivité… et catastrophe pr l’environnement et la santé pic.twitter.com/GbbtC5do6H— Benoît Payan (@BenoitPayan) 21 février 2017
« On ne peut être plus socialiste sans être écologiste et je ne le serai plus. Le projet que l’on aura pour Marseille, ce sera un projet de gauche, un projet progressiste et écologiste. »
Quels sont les problèmes aujourd’hui sur la place de la voiture dans le centre-ville ?
Si on veut faire de Marseille une capitale économique, touristique, culturelle, environnementale, on doit s’en donner les moyens. Et aujourd’hui, faire des parkings en souterrains à des prix prohibitifs, faire circuler la voiture comme cela en centre-ville, non ça n’a pas de sens, et c’est un amoureux de la voiture qui vous le dit. Pour autant, faire ce qui a été fait par la municipalité comme augmenter les tarifs du stationnement aérien, ça n’a pas de sens non plus. On peut le faire à partir du moment où on met en place une politique très intelligente de transports dans la ville de Marseille, ce qui n’est pas fait.
On ne peut être plus socialiste sans être écologiste et je ne le serai plus. Le projet que l’on aura pour Marseille, ce sera un projet de gauche, un projet progressiste et écologiste. On ne pourra plus vivre la ville sans l’imaginer dans un progrès et avec des normes environnementales et écologiques très performantes. En tout cas, moi, c’est comme cela que je rêve ma ville.
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En ferez-vous votre priorité pour Marseille si Benoît Hamon est élu président ? Car la droite locale explique que le retard en matière de transports en commun, c’est un manque de soutien de la part du gouvernement.
Le gouvernement est arrivé en 2012 et Jean-Claude Gaudin en 1995. Donc, le mieux, c’est de ne pas répondre à ce genre d’assertions qui sont de grosses ficelles politiciennes. Je pense que Jean-Claude Gaudin est pleinement responsable de ce qu’il se passe dans la ville. Mais il devrait s’en réjouir car il est responsable de ce qui ne va pas et de ce qui va, et dans un bilan on prend tout, le bien comme le mal.
L’agenda de la mobilité de la métropole, dévoilé en décembre dernier et qui fixe les projets en termes de transports pour les 20 prochaines années, va-t-il permettre d’aller suffisamment loin pour allier environnement et transports selon vous ?
C’est un très bel agenda, mais vous savez, je me méfie de ces agendas de mobilité. Il suffit de regarder les documents de campagne de Gaudin en 1995 pour s’apercevoir que, souvent, les histoires rendent les enfants joyeux. Donc je crains fort qu’il s’agisse de cela, les promesses n’engageant que ceux qui les reçoivent. Comme j’ai essayé de ne pas recevoir beaucoup de promesses de la part de la droite républicaine et du centre marseillais, je regarde tout cela avec le recul nécessaire. C’est ambitieux, c’est un beau plan de mobilité, de transports, maintenant il faut pouvoir s’en donner les moyens. Je crains que la ville et que le président de la métropole ne s’en donnent pas réellement les moyens. Mais comme je ne veux pas le juger à priori, on attendra 2020 pour voir ce qu’il a fait.
Pour tout savoir sur l’agenda de la mobilité de la métropole
« On ne peut pas être un maximaliste sur cette question et dire qu’on ferme purement et simplement l’usine en faisant fi des centaines de salariés qui travaillent pour Alteo et pour ses partenaires, en emplois directs et indirects, ce serait inconscient. »
Toujours concernant l’environnement et l’écologie, vous avez interpelé Ségolène Royal au sujet des boues rouges, Benoît Hamon en parle régulièrement aussi dans ses débats. C’est un sujet qui vous tient à cœur… Selon vous, quelle serait la solution sur ce sujet ? Fermer l’usine Alteo pour stopper net les rejets ? Investir à fond dans la recherche pour trouver une alternative plus propre ?
C’est très compliqué. On ne peut pas être un maximaliste sur cette question et dire qu’on ferme purement et simplement l’usine en faisant fi des centaines de salariés qui travaillent pour Alteo et pour ses partenaires, en emplois directs et indirects, ce serait inconscient. Pour autant, on ne peut pas non plus accepter le chantage à l’emploi ni le fait que pendant 50 ans, les différents propriétaires ont déversé du plomb, de l’arsenic, de l’aluminium, du cadmium, des rejets sulfuriques à tire-larigot sans que personne ne s’en émeuve ni bouge le petit doigt.
Est-ce qu’il était acceptable pour un responsable politique de ma génération, qui aspire justement à ce qu’on vive mieux, notamment dans cette ville la plus polluée de France, de fermer les yeux ou d’accepter le chantage à l’emploi ? Non. Alteo nous oblige, nous, à finalement ralentir le calendrier d’arrêt des rejets des polluants en Méditerranée et de lisser tout cela jusqu’en 2022-2023 pour ensuite prendre ses affaires, laisser sur le carreau les salariés et recommencer le rejet des boues rouges ailleurs en Méditerranée. Voilà ce que nous prépare cette multinationale. Ça veut dire qu’on aura utilisé la Méditerranée comme une poubelle et au moment où on aura interdit Alteo de rejeter les rejets toxiques, Alteo va partir ?
« Merci à @RoyalSegolene d’avoir tenu sa ligne sur le dossier des #BouesRouges » @benoithamon #Hamon2017 #Marseille
— Benoît Payan (@BenoitPayan) 7 mars 2017
Que faire dans ce cas-là ?
On doit amener cette entreprise en l’aidant, en la contraignant aussi, à revoir drastiquement ses modes de production. On a enlevé la partie colorée des rejets en mer et donc ce qu’on rejette en mer est aujourd’hui tout à fait transparent. Pour autant, à Mange Garri (situé à Bouc-Bel-Air, ndlr), qui est à quelques kilomètres de l’usine, on rejette tout le colorant à l’air libre, qui n’est d’ailleurs pas du colorant mais un poison. Donc pour que ça ne ressemble plus à des boues rouges et pour fabriquer le fait que l’on ne dise plus « boues rouges », on a déplacé une pollution qui était au fin fond de la mer pour aller l’exposer en plein vent à quelques centaines de mètres des habitations.
La solution technique elle existe, seulement elle coûte de l’argent. Donc soit les actionnaires font le sacrifice, petit, de payer la solution technique, soit on accepte que ces gens-là continuent de rejeter en mer. Qu’est-ce que nous dit Alteo ? Ils ne nous disent pas que c’est difficile pour eux et qu’ils ne vont pas y arriver. Ils disent « si vous nous obligez, on ferme » et on est nous victimes du chantage. Il faut être capable de préserver l’emploi, c’est pour cela qu’il faut discuter avec Alteo, et il ne faut plus accepter les rejets toxiques en Méditerranée et à l’air libre sur le département des Bouches-du-Rhône. Celles et ceux qui le font sont soit inconscients, soit irresponsables, soit les deux.
« La solution technique elle existe, seulement elle coûte de l’argent. Donc soit les actionnaires font le sacrifice, petit, de payer la solution technique, soit on accepte que ces gens-là continuent de rejeter en mer. »
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Pour conclure sur un autre problème important à Marseille, la propreté. Selon vous, qu’est-ce qui cloche vraiment ? Pourquoi on n’arrive pas à s’en sortir ?
La solution de facilité, c’est de s’en prendre aux salariés de la propreté ou au syndicat majoritaire. Moi, vous ne me trouverez jamais sur ce chemin. C’est beaucoup trop simple ou caricatural pour être la vérité. Ce qui manque, honnêtement, c’est qu’on prenne à bras-le-corps le problème. Qu’on soit capable d’embaucher, de rendre le travail beaucoup plus intelligent et plus effectif, qu’on soit capable de motiver les agents de la propreté, de revoir de fond en comble tout le process qui va de la collecte au nettoiement.
On a qu’à faire, comme cela peut se passer ailleurs, du benchamarking et regarder ce qu’il se passe dans des villes qui ressemblent dans leur topographie à Marseille, qui étaient très sales et où on avait beaucoup de mal à nettoyer les rues, qui ont réussi aujourd’hui à être propres. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il y a eu un maire qui est arrivé et qui a réussi à tout changer, qui a motivé ses troupes, qui les a challengées, qui leur a permis d’évoluer, qui les a écoutées, qui a fait des propositions et des essais.
Ce qui n’est pas le cas à Marseille ?
Aujourd’hui, il y a des centaines de mecs qui travaillent dans la propreté à Marseille. Je n’ai pas l’impression qu’on les valorise, qu’on leur pose des questions, qu’on les challenge… On a un problème absolu avec la propreté. C’est un problème sur lequel on doit investir et sur lequel on doit faire des efforts en temps, en personnel et des efforts financiers. C’est un vrai challenge. On ne peut plus considérer aujourd’hui que la ville va continuer comme cela pendant longtemps, elle est tirée vers le bas par cette situation. Il n’y a pas des coupables, les seuls coupables ce sont les politiques.
Certains Marseillais ne sont-ils pas aussi un peu trop irrespectueux ?
C’est trop facile de raconter que les Marseillais sont sales. Vous croyez que l’on naît avec le gène de la saleté à Marseille ? On ne naît pas dans un hôpital ou une clinique marseillaise avec un gène en plus, on n’est pas plus sales que les autres. Quand je vous dis qu’il y a un travail à essayer, c’est aussi sur la pédagogie. Quand on a une ville propre où chacun se sent responsable, on n’a pas envie de la salir. Il n’y a rien d’indépassable. C’est un problème que l’on va résoudre. Je suis persuadé que si un jour on arrive aux affaires, on va résoudre ce problème. Mais il faut y mettre de la volonté et de l’argent.
Par Agathe Perrier