L’affaire des « boues rouges » fait son entrée dans la campagne présidentielle. Après Benoit Hamon la semaine dernière, c’est à Vincent Peillon, candidat à la primaire de la Gauche, d’annoncer qu’il s’engagerait pour la fermeture de l’usine Alteo de Gardanne, qui pollue les calanques depuis plusieurs décennies.

Ce sujet important pour les Marseillais n’avait pas vraiment été évoqué dans le cadre de la Primaire de la Droite et du Centre. Aujourd’hui, les candidats de gauche s’en emparent, que ce soient ceux de la Primaire citoyenne « La belle alliance populaire » ou ceux qui font cavaliers seuls : Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jado.

Globalement, il y a deux tendances qui se dessinent un peu partout dans le pays. La première soutenue par les Peillon, Hamon, Duflot, etc. prône la fin immédiate des activités de l’usine Alteo pour stopper aussitôt les rejets polluants en mer. Une situation qui amènerait à placer environ 700 personnes au chômage, mais à agir directement pour la santé publique et la préservation de la biodiversité des Calanques à l’échelle locale. La seconde tendance, plus modérée et soutenue par les Valls, Bennahmias, peut être même Mélenchon et Macron, mais aussi par une partie de la Droite et les élus locaux marseillais et notamment ceux du Parti de Gauche, voudrait plutôt que l’usine Alteo continue son activité, tout en maintenant un contrôle très fort des activités et en faisant en sorte de soutenir la recherche scientifique pour arriver un jour à des rejets qui ne polluent plus. Autre argument de force de cette partie de l’opinion : « fermer l’usine à Gardanne reviendrait à faire venir de l’alumine d’ailleurs en Europe et dans le monde, là où les préoccupations environnementales ne sont pas au centre des intérêts publics. Et l’écologie ne doit pas être une question locale mais une réflexion globale à l’échelle mondiale » comme nous l’avait confié Didier Reault (LR), président du parc national des Calanques, il y a quelques mois déjà.

Retrouvez nos reportages et enquêtes sur les Boues Rouges

De Vincent Peillon à Jean-Luc Bennahmias, les positions des candidats de la Primaire de la Gauche

Vincent Peillon a déclaré ce mercredi 18 janvier 2017 « Nous ne devons pas trembler face à l’impératif écologique. Le rejet toxique de “boues rouges” en plein cœur d’un Parc National, celui des Calanques, n’est pas acceptable et ne peut pas faire l’objet de négociations. C’est pourquoi je partage résolument la demande d’interdiction, non seulement de tout rejet de boues rouges, mais aussi des « eaux de procédure » contenant des taux d’arsenic, d’aluminium, de fer, dont la forte toxicité a été démontrée, dans cet espace si précieux. Chacun sait mon attachement profond à la Méditerranée, ce lac intérieur qui relie tant de civilisations entre elles. Je refuse que cette mer devienne non seulement un cimetière pour les réfugiés mais aussi une poubelle à produits toxiques. » A retrouvez en intégralité ici

Benoît Hamon, de son côté, avait rencontré le collectif Nation Océan lors de sa venue à Marseille en octobre dernier et pris position contre le rejet de boues rouges dans la Méditerranée, dont les taux de plusieurs composants dépassent les normes légales, notamment l’arsenic, l’aluminium et le fer. « Néfastes pour la reproduction de certains poissons et crustacées, elles le sont également pour la santé des riverains qui ont consommé des produits contaminés pendant des années. Il est temps de mettre un terme à cette pratique. » Une position réaffirmée à l’occasion de son grand meeting marseillais il y a quelques jours.

Manuel Valls, également candidat à la Primaire de la Gauche, se dit pour un prolongement surveillé de l’activité d’Alteo dans la perspective de trouver le plus vite possible un moyen de produire sans polluer. Il est impliqué dans une querelle médiatique ces derniers jours au sujet des rejets de l’usine Alteo. Comme le précise Le Monde dans un article intitulé « Boues rouges : la justice ordonne à Valls de s’expliquer », « Le tribunal administratif de Paris a rendu un jugement en leur faveur le 6 janvier : il impose à l’Etat de lui communiquer le compte rendu d’une réunion interministérielle qui s’est tenue le 13 novembre 2015. Ce jour-là, Manuel Valls, à l’époque premier ministre, avait semble-t-il exigé que l’industriel de Gardanne obtienne la dérogation nécessaire pour continuer à déverser en mer ses résidus de bauxite issus de la fabrication d’alumines de spécialité – sous forme liquide, car il lui est interdit depuis le 1er janvier 2016 de se débarrasser des boues rouges solides de cette manière : celles-ci restent désormais à terre. »

Pour Jean-Luc Bennahmias, le président du Front démocrate et coprésident de l’UDE, notamment passé par Marseille, la situation est plus complexe. L’un des ses principaux soutiens en Provence, François-Michel Lambert, député écologiste de la circonscription de Gardanne, était hier soir sur scène à Aix en Provence pour un débat entre soutiens locaux aux candidats de la Primaire citoyenne de la Gauche et s’est prononcé une nouvelle fois pour le maintien de l’activité d’Alteo. « Aujourd’hui il s’agit avant tout de régler cette situation exceptionnelle, en continuant à appliquer le triptyque « Confiance-Exigences-Vigilance ». Confiance pour travailler avec toutes et tous à livre ouvert. Exigences pour garantir l’absence d’impact pour l’environnement et la santé. Vigilance pour s’assurer sans cesse du respect des exigences. »

Dans un article de France Info, le compère de Jean-Luc Bennahmias va encore plus loin en expliquant que cette affaire est avant tout politique. « Aucun organisme d’État n’a alerté sur un risque de santé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (ANSES), mandatée par la ministre pour contrôler la qualité du poisson, nous dit qu’il n’y a pas de risque sur la consommation du poisson. L’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), mandatée sur la radioactivité, nous dit qu’il n’y a pas de risque de radioactivité. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) dit qu’il n’y a pas de risque sur les poussières. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) dit que c’est le site le plus contrôlé de France. Même des associations disent qu’il faut poursuivre les efforts et s’attaquer aux autre pollutions de ce bassin. » 

Par ce positionnement au centre des écologistes, le député François-Michel Lambert et Jean-Luc Bennahmias s’opposent clairement à la ligne menée par Cécile Duplot, Michèle Rivasi et autres François de Rugy, lui aussi candidat à la Primaire de la Gauche. François-Michel Lambert juge « ridicule » de s’attaquer à cette usine et prendre le risque de « mettre 600 personnes au chômage« . « Le résultat, ça serait quoi, d’importer de l’alumine de pays qui n’en ont rien à faire de l’environnement ? C’est la plus vieille usine au monde d’alumine, qui fait un produit de qualité unique. Apple notamment vient se fournir avec cette alumine » précisait-il déjà en 2014 au Figaro.

Pour Arnaud Montebourg, pas de précision sur ce sujet ces dernières semaines.

Macron, Jado, Mélenchon et quelques contradictions ?

Pour Emmanuel Macron qui est en dehors de la Primaire de la Gauche, pas de prise de position pendant la campagne. En revanche, alors qu’il était ministre de l’Economie, à l’occasion d’un déplacement à Marseille le 28 janvier 2016, il avait affirmé que « la fermeture de l’usine n’est pas à l’ordre du jour ». Il avait visité ce jour là, le site d’Alteo à Gardanne.

De son côté, Yannick Jado, candidat Europe Ecologie Les Verts (EELV), se positionne clairement contre les activités d’Alteo « Je souhaite l’arrêt des rejets liquides en mer car leur toxicité est largement sous estimée. Il faut donc retirer l’autorisation préfectorale accordée à Alteo et respecter la convention de Barcelone sur les rejets en mer. Alteo et ses prédécesseurs bénéficient de dérogations scandaleuses sur les taux de produits toxiques depuis trop d’années. Depuis la mise en marche des filtres, les matières retenues sont stockées à l’air libre et représentent également une source d’inquiétude pour les habitants situés à proximité à cause de leur grande volatilité et de leur finesse. Je sais que l’on trouve trace de ces poussière sur un rayon de 15km et ce n’est pas pour rien qu’il y est interdit d’utiliser les eaux de puisage. ⟨…⟩La valorisation des résidus nécessite une étude sérieuse et indépendante démontrant leur innocuité. À cette heure aucune étude répondant à ces critères n’existe. »

Enfin, pour Jean-Luc Mélenchon, la position est plus nuancée. S’il ne cache pas sa position contre cette situation, comme il le dit dans son texte « la France puissance maritime qui s’ignore » paru en 2014 dans la Revue internationale et stratégique, il explique « L’entrée de l’humanité en mer a déjà commencé. Elle a débuté sur le mode néolibéral productiviste : la cupidité commande. Le saccage est largement engagé. Directement, par le pillage, ou comme conséquence des pratiques à terre. Du peu qu’on en voit, le pire est déjà là. Ainsi cette immense zone morte de 22 000 km2; dans le golfe du Mexique : la vie marine y a totalement disparu, à cause des pollutions d’origine agricole ruisselant dans le Golfe. Face à Cassis, la calanque de Port-Miou se remplit des boues rouges de l’usine de bauxite. »

Il n’en reste pas moins que le représentant du Parti de Gauche et de la France Insoumise ne s’est jamais vraiment prononcé concrètement pour ou contre la fermeture immédiate de l’usine Alteo. De leurs côtés, les compères du leader Mélenchon, membres du Parti de Gauche des Bouches du Rhône sont clairement pour un prolongement du fonctionnement de l’usine Alteo « Le Parti de Gauche 13 constate que la production d’alumine ne peut disparaître sur le temps court tant ce composé chimique est omniprésent et nécessaire à de multiples produits de notre quotidien. Le Parti de Gauche 13 rejette ainsi les appels à l’arrêt immédiat des rejets dans la Méditerranée. Celui-ci causerait la délocalisation non seulement de la production et des centaines d’emplois qui lui sont liés, mais aussi celle des pollutions dans des pays aux normes écologiques moindres. À cette vision dangereuse de dumping social et environnemental, le Parti de Gauche 13 oppose le développement de procédés industriels préservant l’écosystème humain et assurant le maintien à Gardanne de l’activité d’extraction d’alumine. » précisent les élus sur leur blog ici.

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page

NEWSLETTER

Recevez le meilleur de l'actualité de la semaine gratuitement !