Routes, logements, infrastructures… De nombreux chantiers attendent l’Ouest du département pour transformer l’industrie, deuxième zone la plus émettrice de CO2 en France. Une véritable usine à gaz.
Départ du Mucem, ce jeudi 12 septembre, pour la 17e journée de l’immobilier, consacrée au développement industriel des bassins Ouest du Port de Marseille-Fos. Le bus parcourt 70 km sur l’unique route reliant Marseille à Port-Saint-Louis-du-Rhône. En transport en commun, il faudrait 2h30. À travers la vitre, la dualité du paysage est frappante : des cheminées rouges, des citernes monumentales et une ligne électrique sur pylônes, côtoient les salins, la végétation et les oiseaux.
Tout le monde descend à l’espace culturel Gérard Philippe. Beaucoup n’ont jamais mis les pieds dans cette « ville nouvelle » de 9 000 habitants, créée en 1904. Le maire Martial Alvarez (DVD) introduit cette journée en revenant sur son histoire : la commune, née de l’activité portuaire, s’est désindustrialisée face à l’essor du conteneur du côté de Fos-sur-Mer. Si la plaisance et le développement de la filière éolienne maintiennent une activité économique, l’édile veut profiter du « regain industriel » des bassins Ouest, lié à la transition écologique.
Des projets prévoient de s’y installer, pour 12 milliards d’investissements : Carbon, la giga-usine de panneaux photovoltaïques, Gravithy, une usine de fer réduit « pré-réduit » bas carbone, H2V, de la production d’hydrogène ou encore Deos, un projet de hub de l’éolien flottant du port. Face aux professionnels de l’immobilier, Martial Alvarez ne fait donc pas de détour : « il y a de vraies opportunités et des espaces à reconquérir ».
10 000 logements en 10 ans
Pour s’implanter, ces nouvelles industries devront en effet recruter 12 à 15 000 salariés sur site. Une petite ville dans la ville qui devra trouver à se loger et à se déplacer. « Une onde de choc à absorber », résume l’architecte Emmanuel Dujardin (ROUGERIE+TANGRAM) devant ses confrères.
Mais vite. « Nous avons 3 à 5 mois », presse Régis Passerieux, le sous-préfet d’Istres. L’État a d’ailleurs constitué un comité d’organisation industriel pour répondre rapidement aux besoins des entreprises et de leurs futurs salariés. Un rapport de conclusion est d’ailleurs attendu en novembre prochain.
Domnin Rauscher, le directeur des services de la Métropole Aix-Marseille-Provence, rappelle les besoins déjà bien identifiés. « Consolider du foncier » pour créer 10 000 logements dans les 10 ans à venir. Et ce, en respectant la loi Zéro artificialisation nette (ZAN) qui contraint l’étalement urbain au profit de la densification. Sacré défi.
Le géographe de formation pointe aussi les trois dossiers de mobilité « nécessaires à traiter. Sans quoi le reste tombera comme un château de cartes ». Il évoque ainsi le contournement routier de Fos-Salon, celui de Martigues, et le rond-point de la Fossette, entre Fos et Port-Saint-Louis, déjà saturé par les camions.
Et les habitants dans tout ça ?
Autre enjeu, et pas des moindres pour voir éclore ces industries et accueillir les nouveaux habitants : l’acheminement d’une puissance électrique suffisante. Un projet de ligne très haute tension (THT) de 400 000 volts de RTE, entre Jonquières et Fos, se heurte cependant à ses détracteurs, comme le maire d’Arles, Patrick de Carolis, et plusieurs associations environnementales.
Si la direction de Carbon, le premier arrivant, assure avoir une électricité suffisante pour commencer son activité, l’arrivée dans la foulée de Gravithy, H2V ou NeoCarb, qui vont produire leur propre hydrogène, sera « impossible sans cette nouvelle ligne » martèlent les acteurs économiques. La transformation des usages (voiture électrique, climatisation) sera également compromise sans cet ouvrage.
Le Préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, doit rendre sa décision sur l’aire du tracé de cette ligne dans les prochains jours. En attendant, plus de 100 étudiants de l’école nationale supérieure d’architecture de Marseille (Ensa-m), ont planché cet été sur des projets pour répondre aux problématiques de la zone industrielle.
Deux lauréats ont présenté – sous le modèle de la bande dessinée « Samuel » qui cartonne sur Arte – le quotidien « pollué et isolé » d’un enfant de Martigues. Une petite navette fluviale sur l’étang de Berre, des voies cyclables et des logements coquets. Les créateurs présentent une succession d’aménagements permettent au garçonnet de grandir dans une ville plus verte et mobile. La salle comble, touchée, applaudit. C’est ça aussi le message derrière tout ça : réussir à recréer de la désirabilité pour ces habitants qui ont parfois eu le sentiment d’être sacrifiés sur l’hôtel de l’industrie.