Cette année, quelque 1500 spectacles se jouent au Festival Off Avignon jusqu’au 21 juillet. Un choix cornélien pour les amateurs de théâtre. La rédaction a sélectionné pour vous sept pièces à ne pas manquer.
Depuis près de 80 ans, le festival d’Avignon In et Off attire un public international toujours plus nombreux, avide de découvertes artistiques avant-gardistes et éclectiques. La 78e édition continue de surprendre les spectateurs avec une programmation artistique foisonnante qui se déploie dans 138 lieux de la ville : jardins, cloîtres ou théâtres, les 120 000 spectateurs attendus durant ces trois semaines ont l’embarras du choix.
Si le festival In d’Avignon accueille depuis le 29 juin une quarantaine de spectacles, l’euphorie du Off s’est emparée de la ville depuis le 3 juillet : de l’art dramatique bien évidemment, mais également du cirque, de la danse et des performances. La rédaction a déniché une sélection de créations inédites et de premières qui ne laissent pas indifférent.
The Loop, la révélation explosive
Irrésistiblement drôle et jouissive, cette comédie déjantée est la seconde pièce du metteur en scène Robin Goupil, nommé aux Molières 2023 dans la catégorie meilleure comédie pour sa pièce No Limit. Ce huis clos terriblement efficace se déroule dans un commissariat que le spectateur peut imaginer être aux Etats-Unis. Deux espaces composent la mise en scène, un bureau de police et une salle d’audition. Quatre personnages se partagent la scène, Carrie (Juliette Damy) et Douglas (Stanislas Perrin), le duo de shérifs prêt à tout pour faire tomber Mike (Tristan Cottin), le fils du maire de la ville défendu par l’avocate (Aurélie Boquien) sans scrupule de la famille.
« La théorie du chaos dit qu’un battement d’ailes de papillon en Sicile peut provoquer une tempête au Kansas », lance Douglas. C’est d’après ce phénomène de l’effet papillon que se construit la pièce. Les personnages sont enfermés dans une boucle temporelle et la même scène se répète en boucle, à quelques détails prêt. Carrie se trompe de tiroir et avale un cachet de drogue par exemple, rendant l’interrogatoire légèrement musclé.
« Quand on met les pieds dans le clafoutis, il faut s’attendre à marcher sur des noyaux…», affirme l’avocate. Le spectateur rit au rythme des répliques plus absurdes et acérées les unes que les autres. Interprétation impeccable, mise en scène percutante. Alerte génie, à voir absolument.
The Loop au théâtre des Béliers, 53, rue du Portail Magnanen. Du 3 au 21 juillet à 19h10. Relâches les 8 et 15 juillet. Séances supplémentaires les mardi 9 et 16 à 22h30.
Tarifs : 17,5 € pour les abonnés, 25€ en tarif plein.
Tout va bien, la surprise poétique
Victor fête ses 30 ans. Si la crise de la trentaine et les questionnements existentiels sont le lot de moult jeunes adultes, lui est heureux et en harmonie avec sa vie. C’est là tout le problème. Dans une société où le malheur apparaît comme le seul moyen d’être socialement acceptable, Victor devra revoir sa copie de vie joyeuse et mettre à jour les failles de son existence.
Un seul en scène mené avec brio par Victor Duez qui a participé à la mise en scène avec Nicolas Depye. Une satire sociale drôle et réflexive sur le mal du siècle, l’incapacité à se sentir simplement heureux.
Tout va bien au théâtre des Barriques, 8 rue Ledru Rollin. Du 3 au 21 juillet à 21h. Relâches les 9 et 16 juillet.
Tarifs : 14€ pour les abonnés, 20€ en tarif plein.
N.ormes repousse toutes les limites
C’est une première en France pour le duo d’artistes circassiens Agathe Bisserier et Adrien Malette-Chénier, après avoir connu un succès international. Cette création hybride mêle la danse à la narration théâtrale pour faire tomber les archétypes et questionner les stéréotypes de genre. Le duo fait virevolter du rire aux larmes en repoussant les limites de leur propre corps dans une scénographie faisant naviguer les deux protagonistes entre complicité et lutte de pouvoir.
Une expérience sensorielle et intellectuelle qui amène le spectateur à déconstruire, au même rythme que les personnages, leurs idées préconçues.
N.ormes à l’espace Roseau Teinturiers, 45 rue des teinturiers. Du 3 au 21 juillet à 15h40. Relâches les 9 et 16 juillet.
Tarifs : 14€ pour les abonnés, 20€ en tarif plein.
Prière aux vivants, une Histoire d’art
Dans la petite salle de la Scala 60, l’espace scénique est restreint, créant une proximité entre le public et la comédienne qui est seule sur scène. Si le sujet des camps de concentration, aussi difficile et riche soit-il, n’est pas nouveau, l’approche narrative et l’histoire de Charlotte Delbo est singulière. Rescapée du camp d’Auschwitz ou elle fut déportée en 1943, elle découvre Molière et monter une pièce de théâtre semble alors devenir son unique salut.
La comédienne Marie Torreton propose une interprétation pudique et profonde inspirée directement des textes de Charlotte Delbo. Dans cette mise en scène épurée ou la lumière fait office de seul élément de décor, l’émotion est garantie.
Prière aux vivants, La Scala Provence, 3 rue Pourquery de Boisserin. Du 3 au 21 juillet à 13h35. Relâches les 8 et 15 juillet.
Tarifs : 16 € pour les abonnés, 23€ en tarif plein.
Untitled, danse envoûtante
Seul sur scène, Tiran Willemse, chorégraphe et danseur, explore entre mouvements classiques et inspirations africaines, le passé et le contemporain dans un ballet moderne à couper le souffle. Introspection mélancolique et questionnements intimes, dans une interprétation chorégraphique précise et généreuse. Le public n’en sort pas indemne.
Untitled (Nostalgia, Act 3) aux Hivernales, 18 rue Guillaume Puy. Du 6 au 16 juillet à 10h. Relâche le 11 juillet.
Tarifs : 14€ pour les abonnés, 20€ en tarif plein.
Séraphine, un biopic onirique
La pièce s’inspire de la vie de l’artiste peintre Séraphine de Senlis et propose une libre interprétation romancée de cette autodidacte. La jeune compagnie Les Moqueurs, malgré une mise en scène simpliste et modeste de Valentin Neyrac, invite les spectateurs dans l’univers onirique d’une artiste du XXe siècle qui plonge peu à peu dans la folie. Les comédiens sont enthousiastes et talentueux. Un joli moment dans l’un des théâtres permanents d’Avignon, resté dans son jus.
Séraphine au théâtre de l’Étincelle, 14 rue et place des Études. Du 3 au 21 juillet à 15h15. Relâche les 9 et 16 juillet.
Tarifs : 13€ pour les abonnés, 19€ en tarif plein.
Vive, le pouvoir de libérer la parole
L’auteure de cette pièce, Joséphine Chaffin, explore le thème douloureux de l’inceste et l’importance de libérer la parole des victimes. Anaïs, le personnage principal, a été abusée par son père, un chef étoilé, de ses 7 à 14 ans. Les comédiens remarquables, Hermine Dos Santos, Patrick Palmero et Estelle Clément-Béalem, sont portés par une musique live incisive. Les spectateurs suivent ce parcours de vie traumatisant, la libération de la parole et le procès qui s’en suit.
Une mise en scène percutante, imaginée par Clément Carabédian, qui prend à partie le public, le faisant devenir non plus simple spectateur, mais acteur du drame qui se déroule sous ses yeux.
Vive, au théâtre du Train Bleu, 40, rue Paul Saïn. Du 3 au 21 juillet les jours impairs à 13h20.
Tarifs : 14€ pour les abonnés, 20€ en tarif plein.