Malgré ses tentatives pour trouver des solutions face à la baisse de la fréquentation, la boutique de décoration de Sophie Ferjani, rue de la République, prévoit de baisser le rideau.
Baligh Ferjani tourne en rond. « Regardez, on a un client au lieu de 30 aujourd’hui », souffle le patron de la célèbre boutique de décoration La Sélection de Sophie Ferjani rue de la République (2e). « La fréquentation a complètement chuté depuis le premier jour de la fermeture du parking Indigo. On est passé de 3000 à 300 euros par jour ».
Dans la nuit du 20 au 21 janvier dernier, un incendie du parking Indigo a paralysé la rue commerçante, entre le Vieux-Port et La Joliette, entraînant des travaux et ainsi l’arrêt du tramway jusqu’au 15 avril avec la mise en place de bus de substitution. La majorité des commerçants de la rue, que nous avons interrogé, se disent impactés ces dernières semaines.
Ce dommage s’ajoute à une crise de la consommation plus latente. En 2023, la boutique de Sophie Ferjani avait déjà constaté une diminution de 15% de son chiffre d’affaires. Mais l’arrêt du tramway aurait causé une baisse de 80% de sa trésorerie qu’il évalue à 250 000 euros. « Le comptable programme la fermeture au 15 avril », annonce-t-il, désœuvré.
Pour sauver son entreprise, le gérant a créé un collectif avec 10 autres commerces du quartier, dont Big Mamma (Splendido) ou La Belle Boucle, pour obtenir des subventions exceptionnelles des collectivités compétentes : la Région Sud et la Métropole Aix-Marseille-Provence. La Ville de Marseille et la Chambre de Commerce Aix-Marseille-Provence étant également en renfort sur les procédures.
Quelle réponse des collectivités ?
La Région Provence-Alpes-Côte d’Azur leur a proposé un prêt à taux zéro de 5 à 15 000 euros. « Ce nouveau dispositif est très rapide. Il leur permettra de tenir », assure Isabelle Campagnola-Savon (Horizons), l’élue régionale en charge de l’économie. Mais cela ne suffit pas pour la boutique de Sophie Ferjani qui compte plutôt sur 100 000 euros d’aides.
Rebecca Bernardi, l’adjointe aux commerces de Marseille, a adressé un courrier à la Région d’aller plus loin en relançant le dispositif « Région Sud Défensif », arrêté en 2019. Cette aide allant jusqu’à 200 000 euros soutenait les commerces en difficultés de manière générale. « Aujourd’hui, on aide les commerces à s’installer, à refaire leur devanture, mais on n’encourage pas ceux qui sont en difficulté », insiste l’élue.
Quant à la Métropole, elle indique « des contraintes juridiques » ne lui permettant pas d’indemniser les commerçants, comme ceux de la place Castellane (6e) concernées par le chantier de l’extension du tramway vers La Gaye (9e). Les deux amendements déposés par le groupe La Métropole du bien commun ont été refusés au dernier conseil métropolitain le 22 février.
Fêter le retour du tramway
Dans le dernier communiqué de la Métropole du 29 février, Solange Biaggi (LR) indique que « dès la fin des travaux, la Métropole sera bien entendu au rendez-vous pour accompagner la dynamique commerciale de cette rue dont l’activité est essentielle pour le centre-ville de Marseille ».
Selon différentes sources, une subvention sera en effet accordée à l’association des commerçants de la rue de la République le mois prochain pour animer la rue, une fois que tout sera rentré dans l’ordre.
« C’est bien de mettre un clown dans la rue pour attirer du monde. Mais ce n’est pas ça qui va rattraper les trois mois de chiffre d’affaires des commerçants », fustige Rebecca Bernardi.
Ferjani est « une locomotive pour le quartier »
Mais l’adjointe n’envisage pas encore la fermeture de la boutique de renom. « Ça serait un mauvais signal pour Marseille », prévient-elle en rappelant « l’effet locomotive » que Sophie Ferjani a apporté à la rue de la République.
« A notre arrivée, on a créé un souffle. On est une boutique de destination, c’est-à-dire que les gens se déplacent spécialement dans le quartier pour venir acheter leurs décos ici, explique Baligh Ferjani. On a pris un risque en s’installant dans cette rue alors que ça aurait été plus facile de s’implanter à Aix ou à la Ciotat ».
Pour le moment, le cabinet d’architecture d’intérieur attenant dirigée par son épouse, qui a ouvert l’année dernière, n’est pas menacé de fermeture. Le site internet La sélection restera également actif même si le patron se tient prêt à baisser le rideau d’ici quelques semaines.