L’État réfléchit à la création d’une zone franche urbaine dans le centre-ville de Marseille, à la demande des acteurs économiques locaux. Une solution remède pour relancer son attractivité après la délocalisation programmée du Palais de Justice et du tribunal judiciaire dans le quartier d’Arenc ?
En 2030, le pôle justice, constitué du Palais de Justice et du tribunal judiciaire dans le quartier de la Préfecture, sera délocalisé à Arenc pour créer une grande cité judiciaire.
L’annonce officialisée il y a quelques jours par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, a été reçue comme un véritable coup de massue pour les commerçants du centre-ville. Et pour cause, depuis la crise sanitaire, ils ne sont pas épargnés.
Ce choix, assumé par l’État, met en péril leur activité, selon eux. Une situation difficile, déjà soulevée par le monde économique, s’appuyant sur une étude d’impact, réalisée par la Chambre de commerce et d’industrie et le barreau de Marseille.
À la suite de l’annonce du garde des Sceaux lundi 20 novembre, les acteurs économiques ont, une nouvelle fois, dénoncé « une décision prise depuis Paris jugée « hors sol » et ce, malgré les positions locales contraires ». Ainsi que l’absence de solutions pour palier la situation. Ils ont ainsi lancé un appel direct à la secrétaire d’État, chargée de la Ville et de la Citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache, en formulant différentes propositions.
À savoir, la création d’un « Euroméditerranée du centre-ville » « comme ce fut le cas pour le quartier de la Joliette permettant à l’État de piloter et de conduire opérationnellement cet enjeu majeur et transversal pour la deuxième ville de France ».
Autre mesure avancée : la délimitation d’une zone franche urbaine (ZFU) sur ce périmètre. Enfin, « le cas échéant », la définition et la co-construction d’un grand projet économique en lieu et place de l’actuel site d’implantation des tribunaux en centre-ville.
Deux zones franches urbaines existent à Marseille
En déplacement à Marseille, vendredi 24 novembre, Sabrina Agresti-Roubache a confirmé travailler sur la création d’une ZFU en centre-ville. Mises en place en 1997, les zones franches urbaines donnent aux entreprises la possibilité de bénéficier d’exonérations fiscales intéressantes.
À Marseille, il existe deux zones franches urbaines : la ZFU Nord littoral qui comprend les quartiers St Henry, St André, St Antoine et la ZAC Saumaty Séon et la ZFU Sud avec en particulier les quartiers La Delorme, St Joseph, Les Arnavaux, Ste Marthe, St Barthélémy, Bon Secours, Le Canet, La Cabucelle et le quartier St Louis.
« Je pense que la ville de Marseille doit être mise sous zone franche sur la totalité du secteur, et cela fait des années que je le dis. Ça a donné un boost énorme dans les quartiers Nord quand Jean-Claude Gaudin l’a mis en place en 1997 », souligne Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence.
Attirer du pouvoir d’achat en centre-ville
Du côté de la mairie, la zone franche apparait aussi comme une première solution concrète. « Pourquoi pas ? », commente Olivia Fortin, maire (PM) des 6e et 8e arrondissement, dont le secteur sera partiellement impacté par le départ de l’organe judiciaire. « Nous parlons d’un projet qui va prendre 6 à 8 ans pour exister. Nous avons demandé à l’État de voir comment on le construisait avec un maintien des activités judiciaires au cœur de Marseille. Le ministre a déjà commencé à poser des pistes, ça veut dire qu’il nous a entendus ».
Le garde des Sceaux a en effet avancé l’idée d’installer dans les anciens lieux de justice une école nationale de la magistrature, l’école du barreau de Marseille et « peut-être une délocalisation » de l’école nationale des greffes. Reste que les étudiants ne disposent pas du même pouvoir d’achat, redoutent les commerçants.
Cette proposition va naturellement dans le sens des acteurs économiques. « Quand on crée une incitation fiscale, ça aide. Ça permet à celle déjà en place de tenir et de donner un coup de fouet à l’installation de nouvelles entreprises et de nouveaux commerçants en centre-ville », assure Jean-Luc Chauvin, le président de la Chambre de commerce et d’industrie d’Aix-Marseille-Provence (CCIAMP).
« Une impérieuse nécessité »
Il porte l’idée de la création d’une zone franche en centre-ville depuis 2018 : « On sentait bien qu’il y avait un décrochage du centre-ville de Marseille en matière de commercialité, des difficultés avec un nombre de plus en plus important de locaux vacants. Avec les violences urbaines, ça s’est encore accéléré et avec les nouvelles annonces ça va devenir une impérieuse nécessité », affirme l’élu. Il alerte sur la nécessité d’une stratégie de réaménagement urbain pour que la zone franche attire des entreprises.
Le député (Renaissance) Lionel Royer-Perraut, qui souhaitait voir déménager la cité judiciaire à La Capelette (10e), insiste sur cet aspect. « C’est un outil stratégique dans la reconquête de notre cœur de ville qui était porté depuis longtemps par le tissu économique. Pour autant, ça ne doit pas être considéré comme une fin en soi. Il faut poursuivre le réaménagement des espaces publics dans le centre-ville. C’est donc une première étape qui doit s’inscrire dans une politique plus globale pour attirer des acteurs en capacité de dépenser », prévient l’élu.
La secrétaire d’État à la Ville et à la Citoyenneté a intégré dans le plan Marseille en grand un volet développement économique. Pour elle, la nouvelle cité judiciaire ouvre des perspectives pour la redynamisation du centre-ville. Assurant être aux côtés des acteurs économiques, Sabrina Agresti-Roubache va ouvrir une consultation pour travailler avec toutes les parties prenantes aux solutions pour continuer à faire battre le coeur de la cité phocéenne.