Le réseau d’entreprises « Marséa Nord Développement » entame une nouvelle étape pour passer de l’expérimentation à l’impact. Son directeur, Alexandre Fassi, revient sur les enjeux de mobilité dans les quartiers Nord et scrute le volet transports du plan Marseille en grand.
Le réseau des entreprises du Nord de Marseille, anciennement connu comme « Cap au Nord Entreprendre », a été rebaptisé « Marséa Nord Développement » en octobre dernier. Son directeur général, Alexandre Fassi, justifie ce changement pour démontrer que « les quartiers Nord font désormais partie intégrante de la ville ». Salarié du réseau depuis 2015, le dirigeant entend rentrer dans une nouvelle ère.
Arrivé à un stade de maturité, le réseau doit « passer de l’expérimentation à l’impact » avec une gouvernance renouvelée. Diana Bajora, la nouvelle présidente, fondatrice d’une entreprise Tech Dev-ID, en est le nouveau visage. Les deux vice-présidents à ses côtés, Hervé Pernod, directeur du développement de Veolia, et Floriane Rieu, directrice générale de la table de Cana, illustrent la diversité des 320 entreprises adhérentes.
Cette nouvelle enveloppe marketing s’accompagne d’une vision renforcée : celle d’être « un catalyseur » pour inciter les entreprises et les collectivités à améliorer la mobilité, respecter l’environnement, et créer de l’emploi au Nord de Marseille pour en faire un territoire stratégique. Entretien avec Alexandre Fassi.
Made in Marseille : Vous échangez au quotidien avec les collectivités. Ont-elles vraiment conscience qu’il faut dynamiser le Nord de la ville ?
Alexandre Fassi : Aujourd’hui, la Métropole, la Ville et Euroméditerranée ont conscience qu’il y a un vrai challenge sur les quartiers Nord, à la différence d’il y a quelques années où on était les seuls à le croire. Les entreprises aussi ont compris qu’elles devaient investir sur ce territoire spécifique. Un entrepreneur comme Jacques Saadé, le fondateur de la CMA CGM, l’a fait et a sorti Marseille de son ornière. Avec le plan Marseille en grand, Emmanuel Macron a obligé les gens à avoir un regard différend sur la ville. Le nord de Marseille est désormais un territoire stratégique pour la Ville, la Métropole et le pays.
Êtes-vous satisfait du volet transport inscrit dans le plan Marseille en grand ?
De grands projets sont sortis avec des moyens, même si on ne rattrape pas tout le retard accumulé. Nous avons poussé au développement des transports vers le nord de la Ville. Ce n’est pas pour rien que 80% du financement des transports a basculé vers le nord. Ce n’est pas seulement grâce à nous, mais on y a participé. Les gamins du nord grandissent avec cette idée que d’aller du Carrefour le Merlan jusqu’au lycée Saint-Exupéry, ça prend 1 à 2 heures en transports. Alors que moi en voiture je mets un quart d’heure. Cette inégalité est tellement ancrée…
Quels projets avez-vous poussé en particulier ?
Nous avons travaillé sur toute l’évolution vers le pôle multimodal de Saint-Antoine. On s’est beaucoup mobilisés avec l’AP-HM en montrant qu’il y avait un espace de congestion au niveau de Saint-Antoine en lien avec l’Hôpital Nord où 10 000 personnes viennent travailler chaque jour.
Aujourd’hui, la Métropole dit « ok, on veut bien continuer le tramway de La Castellane jusqu’au pôle multimodal et réfléchir via un téléphérique à l’accessibilité de l’Hôpital Nord ». De notre côté, on pensait plutôt à une trajectoire douce avec le vélo, mais la Métropole préfère un téléphérique. Et ça répond au problème. Ce focus sur Saint-Antoine, on le reproduit sur Saint-André et l’Estaque.
Toutes les problématiques du Nord ont été prises en compte selon vous ?
Non, les déplacements Nord-Nord restent toujours problématiques. On pourra accéder en tramway du centre-ville à La Castellane (15e) ou à Saint-André (16e) certes. Mais les transferts dans le Nord-Est, notamment entre le 13e-14e ou 14e-15e, seront encore compliqués. Le nord de Marseille, c’est la 10e ville de France. Si on ne travaille pas les dessertes fines à l’échelle de ce territoire très vaste, qui compte 250 000 habitants et 90 000 personnes qui travaillent chaque jour, il manquera une pierre à l’édifice pour réduire la fracture des transports à Marseille.
Il faut aussi travailler sur le sentiment d’insécurité dans les transports. Par exemple, pour rejoindre la zone d’activité des Arnavaux (Haribo, Snef…), même si le métro est à 500 mètres de la zone d’activité, les gens ont du mal à prendre les transports en commun en partie pour des raisons de sécurité, alors que le quartier est plutôt calme.
Avez-vous un exemple de solution qui marche pour sécuriser les transports en commun ?
On travaille avec la RTM, la Métropole et la Région pour expérimenter des solutions. Par exemple, on a mis en place un service de micro-navette pour deux entreprises, qui font la connexion entre le train, le métro et les bassins d’emplois. C’est 40 à 50 personnes qui se déplacent grâce à cette micro-navette qui passe 5 fois le matin, et 5 fois le soir. Ça a très bien marché, maintenant il faut le faire passer à l’échelle.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
On avance sur une phase d’étude pour un projet de micro-navette territorial qui génère de l’emploi afin d’en avoir une dizaine. Ça veut dire 10 créations d’emploi. Nous réfléchissons à un modèle économique hybride. Dans l’idée, le financement du service serait pris en charge à 80% par l’entreprise et à 20% par les collectivités. L’objectif, c’est de l’intégrer au plan Marseille en Grand.
En sommes, vous faites du lobbying auprès des entreprises pour abandonner la voiture ?
Nous n’avons rien contre la voiture. Par contre, on a un besoin évident de décongestion et d’accessibilité. Ce qu’on préconise, c’est donc d’abandonner la voiture seule puisqu’elle représente un coût exorbitant et que les parkings prennent de la place. Mais le changement de pratique est lent donc il faut instaurer un dialogue permanent avec les entreprises et les salariés.
La Métropole a installé des bornes de vélo électrique dans le nord qui peuvent participer à décarboner et développer la mobilité…
Les vélos et les trottinettes sont désormais proposées dans le Nord alors qu’il y a quelques années ces solutions n’existaient pas. Maintenant, il faut les démultiplier. Si c’est juste des gens convaincus depuis des années, c’est bien mais ça ne suffit pas. Pour que ce soit réussi, il faut que ces mobilités douces séduisent les personnes qui n’ont pas l’habitude de les utiliser.
Vous aviez notamment travaillé sur le développement du vélo dans le Nord.
Nous avons travaillé sur un schéma directeur des pistes cyclables qu’on a proposé à la Métropole. Une partie de nos recommandations ont été prises en compte dans le plan vélo. S’ils nous avaient totalement suivi, il y aurait 68 kilomètres de pistes cyclables dans les quartiers Nord. Mais la question, ce n’est pas de savoir si on a raison ou tort. C’est de pousser au dynamisme.