Le Nord de Marseille offre peu de solutions de mobilité pour les salariés qui y travaillent. Face à ce constat, l’association Cap Au Nord Entreprendre imagine des alternatives écologiques et les propose aux entreprises implantées dans ces quartiers enclavés pour en faire des actrices du changement.

Le développement économique – et durable – des quartiers Nord de Marseille, c’est le leitmotiv de Cap Au Nord Entreprendre. Née en 2008, l’association marseillaise se mobilise pour apporter des solutions aux entreprises implantées dans les 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements. « Un territoire positif, dynamique et attractif », selon ce réseau qui regroupe et représente 310 entreprises adhérentes du Nord de la ville. Une description qui peut ressembler à une méthode Coué mais qui a le mérite de rappeler que ce territoire a effectivement de sérieux atouts.

Traversé par deux axes autoroutiers qui le connectent à l’aéroport, bordé par le Grand port maritime et situé à proximité des nouveaux bureaux du périmètre d’Euroméditerranée, il jouit d’un emplacement stratégique et de ressources importantes avec 250 000 habitants, 4 500 entreprises employeuses et 85 000 salariés. Mais il doit faire face à un handicap de taille : la faiblesse du réseau de transports collectifs et le manque d’aménagements pour les mobilités douces.

Cette situation est aujourd’hui le premier frein au développement économique des quartiers Nord de Marseille. Les sociétés qui y sont installées peinent parfois à recruter car les salariés manquent de solutions pour rejoindre leur lieu de travail. De quoi dissuader aussi de nombreux acteurs économiques de venir s’implanter dans cette partie de la ville.

Face à ce constat, Cap au Nord Entreprendre s’efforce de développer des solutions pour faciliter la vie des milliers de salariés qui vivent et qui travaillent au nord d’Arenc et de la Belle de Mai. L’association se dit par ailleurs convaincue que les entreprises peuvent jouer un rôle prépondérant dans la transformation et le rayonnement de ces quartiers. Et pour les transformer en actrices du changement, elle les accompagne sur leurs pratiques RSE, l’insertion professionnelle des jeunes et la mobilité des salariés.

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Flotte « We Go Pro » chez Id Verde (© Cap Au Nord Entreprendre)

Des flottes de vélos et de trottinettes pour changer les pratiques

La mobilité, c’est le nerf de la guerre pour ces sociétés. Pour les aider dans ce défi de tous les jours, Cap Au Nord dispose d’un « Pôle Mobilité » et d’une référente, Emmanuelle Ferblantier, dédiée à ces enjeux. « Nous avons travaillé sur la mise en place d’un système de micro-navettes entre le métro et les entreprises », explique-t-elle. « Il est important de travailler sur le dernier kilomètre afin d’encourager les salariés à venir en transport en commun ». Une solution qui a déjà séduit l’entreprise EDF installée sur le site flambant neuf de Smartseille, proche des Crottes. Un quartier populaire, à proximité de la station de métro Bougainville, dont les friches aux abords n’incitent pas à la promenade.

En juillet 2021, Cap Au Nord Entreprendre s’est lancé dans un nouveau projet de mobilité avec le lancement de We Go Pro. L’objectif est d’aider les entreprises à acquérir une flotte de vélos et de trottinettes électriques pour leurs employés, en partenariat avec Plume Mobility, un opérateur déjà actif sur le marché. L’offre vise principalement les salariés qui vivent à moins de 5 kilomètres de leur lieu de travail ou qui souhaitent effectuer des trajets courts, par exemple pour aller déjeuner, sans être dépendant de la voiture.

Faire le choix d’un mode doux pour se déplacer est loin d’être une évidence dans ces quartiers qui ne sont couverts ni par le réseau de vélos en libre-service de la Métropole, ni par les vélos et trottinettes en flotte libre de la Ville. Mais l’initiative de l’association vient combler ce vide que beaucoup d’habitants vivent comme une injustice.

Un modèle économique rassurant pour les entreprises

Il reste à convaincre les entreprises d’investir. Pour cela, Emmanuelle Ferblantier met en avant l’argument financier : « Le modèle économique est avantageux pour elles. On leur propose de ne prendre en charge, la première année, que 40 % du coût. Le reste est subventionné à 40 % par la Chambre de Commerce et d’Industrie Aix-Marseille-Provence et par la Métropole. Et à 20 % par Mobiprox ». Il s’agit d’un programme du Ministère de la Transition écologique qui vise justement à accompagner « le développement des mobilités douces dans l’objectif de réduire les dépenses énergétiques liées au déplacement des personnes ».

Pour évaluer le nombre de trottinettes et vélos requis, Cap Au Nord Entreprendre réalise un diagnostic avec les entreprises accompagnées. Puis, un suivi est mis en place via des questionnaires. « Il s’agit de savoir précisément quel usage est fait de la flotte au quotidien, pour quels types de trajet, quel nombre de kilomètres, avec quel degré de mutualisation des engins ». Ce qui permettra de faire un bilan au terme de la première année et d’ajuster la flotte aux besoins du personnel si l’initiative est reconduite. « En revanche, nous ne pouvons pas garantir que le projet bénéficiera de nouveau du soutien financier des collectivités l’année prochaine. Les entreprises doivent anticiper une prise en charge qui pourrait aller jusqu’à 80 % la seconde année », précise la référente mobilité de l’association. Elle espère convaincre une dizaine de structures d’ici la fin de l’année.

« Grâce à ce soutien institutionnel, nous levons un frein financier. Il permet aux entreprises d’investir à moindre coût dans cette solution qui est en phase expérimentale ». Deux sociétés se sont déjà engagées à travers une convention.

Un changement d’usages pour influencer les collectivités

Une fois la flotte acquise, se déplacer à vélo ou en trottinette dans les quartiers du Nord de la ville n’en reste pas moins un parcours du combattant. Les itinéraires cyclables sont quasiment inexistants. Il faut se frayer un chemin entre les voitures, les motos et les bus. Alors, afin de guider les employés prêts à relever le défi, Cap Au Nord Entreprendre met à leur disposition des propositions d’itinéraires « cyclables », du centre-ville à la Cabucelle, par exemple, ou pour rejoindre Sainte-Marthe en partant des Réformés. Des itinéraires conseillés, mais où les pistes cyclables sécurisées demeurent rares. Pour les néo-cyclistes, ces trajets en chaussée partagée peuvent sembler périlleux.

L’aménagement d’infrastructures adaptées à la pratique des mobilités douces est donc une attente forte des entreprises. Les regards se tournent forcément vers la Métropole, en charge des aménagements de voirie. Emmanuelle Ferblantier confirme cette volonté d’influencer les pouvoirs publics et d’avancer sur ces questions : « En tant que porte-parole des entreprises pour Marseille Nord, nous faisons un travail de plaidoyer auprès des collectivités. Les institutions ont besoin de connaître la réalité de la vie économique dans ces quartiers. C’est pourquoi nous travaillons ensemble, dans un dialogue constructif ». Les discussions tournent parfois autour des problèmes du quotidien (éclairage défaillant, abribus abîmé…) mais également des grands projets (extension du tramway, plan vélo, zones à faibles émissions…).

L’association espère que l’adoption croissante des modes doux dans le Nord de Marseille incitera les élus à investir dans leur développement, bien au-delà du périmètre du grand centre-ville. Si les infrastructures adaptées favorisent généralement le développement des nouveaux usages, dans ces quartiers qui se sentent souvent oubliés, ce sont peut-être les nouveaux usages qui parviendront à faire émerger les infrastructures espérées. C’est en tout cas la stratégie qui est choisie.

La route est encore longue pour faciliter la mobilité des salariés dans le nord de la ville. Mais avec Cap Au Nord Entreprendre, elle est pavée d’optimisme.

 

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