Devant des milliers d’élus réunis à l’Elysée, mercredi 22 novembre, le chef de l’État a promis une décentralisation « réelle et audacieuse ». Une opportunité pour certains maires de réclamer plus de pouvoir d’agir.

Absent du congrès des maires cette année, Emmanuel Macron s’est engagé, mercredi 23 novembre, devant un millier d’élus réunis à l’Élysée, à mener dans « l’année qui vient » une décentralisation « réelle et audacieuse », accompagnée d’une « refonte » de la fiscalité locale.

Dans son discours, il a souligné que le partage de compétences « ne marche pas. Il faut reclarifier les compétences, et mettre derrière les responsabilités avec de vrais financements, c’est-à-dire des financements qui ont une bonne dynamique ». Le chef de l’État a également promis un « un vrai statut de l’élu » confirmant qu’un projet de loi serait discuté en 2024.

La décentralisation était sans surprise au cœur de son allocution. Début novembre, Éric Woerth, député Renaissance et ex-ministre du Budget, a été mandaté par Emmanuel Macron pour travailler sur ce vieux serpent de mer. Une mission de six mois qui doit déboucher sur un texte législatif.

L’enjeu est de permettre à l’action publique de gagner en efficacité afin que les Français « puissent bénéficier de services publics à la hauteur de leurs besoins ». Dans sa lettre de cadrage, le président de la République estime que l’organisation territoriale est devenue « trop complexe », que les Français « ne s’y retrouvent plus » et souhaite une réduction du « nombre de strates décentralisées, aujourd’hui trop nombreuses ».

« Marseille, c’est l’exemple parfait d’une ville où il y a trop d’institutions, trop d’élus et où personne ne comprend rien, où on ne sait pas qui fait quoi », illustrait Benoît Payan, samedi dernier sur le Vieux-Port à l’occasion de son bilan de mi-mandat.

« Les chicayas locales »

Dans un entretien accordé à Made in Marseille, début octobre, le maire (divers gauche) de la deuxième ville de France se disait favorable à réduire le millefeuille territorial pour « qu’il y ait moins d’élus en France, mais dotés de plus de responsabilités » et nous confiait d’ailleurs travailler dans ce sens avec les services de l’État.

« Il faut rendre aux maires, pas seulement au maire de Marseille, du pouvoir pour faire les choses, pour que lorsqu’on vote pour quelqu’un, quand on vote pour un projet il puisse se réaliser. Puisque le chef de l’État ouvre le grand chantier des institutions, il faut faire des choses simples, moins d’élus, moins d’institutions, plus de pouvoir. C’est le bon moment pour mettre ce sujet sur le tapis », ajoute le maire.

Et pour cause, Marseille se dit entravée par la Métropole Aix-Marseille-Provence, pour faire avancer ses projets. Depuis plusieurs mois, c’est un ping-pong incessant entre les institutions de bords politiques différents, chacun se renvoyant la faute tout en estimant tendre la main à l’autre. Avec en toile de fond les prochaines échéances municipales en 2026.

Dans le cadre de la loi 3DS – pour « différenciation », « décentralisation », « déconcentration » et « simplification », la Métropole et la Ville avaient pourtant réussi à trouver un accord, suite à la mise au point du président de la République qui conditionnait les aides de l’État du plan Marseille en grand à la fin des « chicayas locales », la Métropole devant également opérer une profonde refonte institutionnelle.

Une entente d’ailleurs scellée par le vote de leurs assemblées respectives sur la gestion de certaines compétences métropolitaines qui concernent directement la Ville comme la voirie et la propreté (qui n’intègre pas la collecte des déchets) et un accord sur le volet financier. Le maire de Marseille avait nommé deux de ses adjointes, Perrine Prigent et Christine Juste, pour arbitrer ces deux compétences directement à la Métropole. Mais les élues s’avouent déçues de cet accord, estimant qu’elles n’ont pas de réel pouvoir de décision.

« La Métropole doit bouger »

Benoît Payan prône d’abord une profonde réforme de la Métropole, « mort-née » selon ses termes, « une simplification des compétences, car cette métropole est trop grande (92 communes) ». L’élue estime que c’est l’une des conditions pour relever Marseille, où plusieurs milliards d’euros de l’État ont déjà été fléchés dans le cadre de Marseille en Grand.

École, mobilité, rénovation urbaine… « Si on ne va pas au bout de la réforme institutionnelle, tout tombera à l’eau. La Métropole doit bouger. Sinon tout ce qu’on fait, ça ne sert à rien », affirmait-il dans notre entretien.

Dès son élection en septembre 2021, Sophie Joissains n’avait pas manqué de pointer les dysfonctionnements de la Métropole qui ne « marche pas », ajoutant même que « pour la première fois, de façon séculaire, nous avons des intérêts communs au niveau métropolitain » avec la Ville de Marseille.

« La création des métropoles a concentré un peu plus encore les pouvoirs »

Dans une tribune parue dans Le Monde, intitulée “Donnons aux maires le pouvoir d’agir“, la maire (UDI) d’Aix-en-Provence, Sophie Joissains, fustige de nouveau l’organisation dans la Métropole. « Depuis quinze ans, les lois contradictoires s’empilent, les périmètres des régions ou métropoles s’élargissent sans réalité anthropologique et dans une confusion totale du « qui fait quoi ?, écrit-elle. La création des métropoles a concentré un peu plus encore les pouvoirs ».

Dans le texte, Sophie Joissains propose également des modifications législatives. « Le cumul de la présidence de la Métropole et du Département renforce la confusion, les communes recevant une aide du Département et une dotation de solidarité de la Métropole. Une situation potentiellement source de conflits d’intérêts ».

C’est justement la position dans laquelle se trouve Martine Vassal, à la fois présidente (divers droite) du Département et de la Métropole Aix-Marseille-Provence. « Il serait donc prudent d’inscrire dans la loi l’impossibilité de cumuler la présidence d’une métropole et celle d’un exécutif départemental ou régional », avance l’élue aixoise.

Dans son propos, elle propose également de transformer les métropoles en pôles métropolitains, « structures plus souples, plus agiles et plus respectueuses des identités locales ». Une idée déjà soumise par sa prédécesseur Maryse Joissains. Frondeuse en chef, l’ex-maire LR avait bataillé avec force contre la création d’une métropole avec Marseille, qu’elle surnommait la « monstropole » appelant même à sa dissolution, avec l’arrivée du gouvernement Macron en 2017.

Une fusion Département-Région

Le député (Renaissance) Lionel Royer-Perreaut estime aussi que la Métropole Aix-Marseille-Provence, « mal-née », est « toujours en souffrance ». Pour lui sa disparition n’est pas un sujet tabou « dès lors que l’on fixe l’objectif de deux ou trois strates maximales ». Il nous confiait dans un long entretien être admiratif de modèles d’intégration réussis, à l’instar de celui des Alsaciens. « Ils ont fusionné le Bas-Rhin et le Haut-Rhin en un seul département et maintenant ils vont fusionner le département avec la région pour former une collectivité unique d’Alsace ». 

Benoît Payan penche aussi en faveur d’une fusion Département-Région. Les Départements, essentiellement dotés de compétences sociales, sont régulièrement menacés de disparition. En 2014, Manuel Valls avait proposé de rayer de la carte les conseils départementaux. Quatre ans plus tôt, une loi prévoyait de remplacer les conseillers généraux et régionaux par des conseillers territoriaux. Cette disposition a finalement été abandonnée avant d’être reprise par Emmanuel Macron.

Dans les Bouches-du-Rhône, une autre fusion avait agité l’écosystème politique : celle de la Métropole avec le Département. Un projet avorté qui n’est plus à l’ordre du jour.

D’ailleurs, la mission sur la décentralisation ne vise pas à supprimer certaines collectivités territoriales, notamment les départements, a précisé Éric Woerth à l’occasion des deuxièmes Rencontres de Saint-Denis, vendredi 17 novembre : « J’ai clarifié les choses en disant que c’était une mission qui devait aboutir à des propositions pour plus de décentralisation, mais aussi plus de responsabilités de ceux qui exercent les compétences, plus de clarté » et « plus de simplicité dans les normes », a indiqué l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy.

Une manière de calmer les inquiétudes de certains présidents de conseils départementaux, réunis du 8 au 10 novembre à Strasbourg pour leurs assises annuelles, persuadés que leur collectivité est ciblée. La mission de l’ancien maire de Chantilly (Oise) devrait aboutir « au début du mois de mai » à des propositions de pistes de réformes.

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