En plus de l’aide exceptionnelle aux commerces impactés par les violences urbaines, les élus marseillais ont voté ce matin en conseil municipal l’étude préalable à la création d’une foncière commerciale pour accélérer les projets dans tous les quartiers de Marseille.
Création d’une foncière commerce pour accélérer les projets, guichet unique, extension du droit de préemption sur la ville, Maison du commerce… Au début de l’année, Rebecca Bernardi, adjointe aux commerces et à l’artisanat, nous détaillait la stratégie de la Ville pour redynamiser l’activité commerciale.
Depuis deux ans, le service commerce a engagé une réflexion pour déployer des dispositifs permettant à la municipalité de maîtriser les futures implantations et contribuer à l’attractivité. Outre le droit de préemption, levier efficace, et étendu aux 111 noyaux villageois, la Ville, par voie d’acquisition à l’amiable, peut aussi acquérir les fonds de commerce et les murs de locaux commerciaux, les rénover et les remettre sur le marché, le cas échéant avec des loyers modérés. Exemple avec les locaux de la bijouterie Piery qui accueilleront à la fin de l’année un nouveau projet de restaurant inclusif.
Pour accélérer la transformation du tissu commercial et tertiaire, la Ville veut créer une foncière de redynamisation commerciale, nouveau bras armé pour porter des opérations. « L’essence même de la naissance de la foncière vient de la Canebière, où il faut passer à la vitesse supérieure et pas juste attendre les préemptions », nous expliquait Rebecca Bernardi.
Via une convention, la Banque des Territoires va ainsi accompagner la Ville dans ce projet, par la participation aux comités de pilotage et un soutien en ingénierie pour le cofinancement de la mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMO), objet du rapport présenté aux élus ce vendredi 7 juillet. Son pilotage sera assuré par la direction du développement économique et de l’emploi.
Un taux de vacance commerciale de 15%
À Marseille, le taux de vacance commerciale s’élève à 15%, supérieur au seuil critique admis de 10%. Un chiffre qui masque néanmoins des situations contrastées. Le centre-ville a vu son taux de vacance baisser, passant de 12% en 2021 à 10,7% en 2022 là où certains secteurs font face à 25% de vacance.
Départs à la retraite, baisse globale de l’activité commerciale, forte évolution des valeurs locatives, modifications des flux de clientèle, évolution des comportements d’achat des consommateurs… Les situations de vacance s’expliquent par de multiples causes.
En centre-ville, si au sein même des quartiers certaines artères dites « prime » font office de locomotive, à l’instar du quartier de l’Opéra, d’autres sont à la peine comme la rue de Rome ou la Canebière… Le secteur de l’habillement a perdu 30% de ses points de vente en dix ans, sous l’effet conjugué de l’ouverture de nouveaux centres commerciaux, mais aussi de l’impact croissant du e-commerce.
L’étude relative à la création de la foncière met également en évidence la concentration du développement de l’immobilier de bureaux sur la zone Euroméditerranée, aboutissant à une dévitalisation tertiaire de son centre-ville. « La situation paraissait particulièrement critique avant l’épidémie de la Covid 19 qui a rebattu les cartes, faisant de Marseille une destination de choix pour de nouveaux ménages et professions, notamment créatives, souhaitant mieux concilier travail et qualité de vie ».
Renforcer des identités
Marseille compte plus de 14 000 commerces en activité, dont plus de 4 500 en centre-ville et dispose d’une zone de chalandise de 1,5 million d’habitants. À côté des grands centres commerciaux, parfois situés en périphérie, les commerces de centre-ville représentent le cœur historique de l’activité marchande de Marseille. Commerces indépendants de proximité et enseignes historiques y côtoient grandes enseignes, boutiques chics, restaurants branchés ou bars « trendy »…
Marseille est aussi composée de centralités marchandes qui disposent de leur propre identité et mode de fonctionnement. Certains quartiers marseillais ont su développer leurs spécificités, à l’instar du quartier des créateurs du cours Julien, les antiquaires autour de la rue Edmond Rostand, le quartier des saveurs méditerranéennes à Noailles, l’artisanat au Panier… La foncière vise également à développer des identités fortes et des offres de proximité répondants aux besoins actuels.
« Pour la Banque des territoires, Marseille est une ville intéressante pour mettre ce dispositif en place. Par exemple à Toulon, le groupe Sebban, qui investit beaucoup dans la ville et travaille avec la municipalité, est quasi-propriétaire de la rue des Arts, avec 34 commerces créés autour de l’art. C’est assez impressionnant parce que ça va très vite. Cette foncière va vraiment nous aider à accélérer et mettre en œuvre ce genre de projet », explique Rebecca Bernardi.
Relever le centre-ville
Le vote de ce rapport intervient dans un contexte particulier, après les pillages et les lourds dégâts, causés par les violences urbaines trois nuits consécutives, impactant particulièrement les commerçants du centre-ville de Marseille. « Le commerce, c’est aussi ce qui nous permet de faire société, le commerçant c’est un acteur essentiel et dynamique du vivre-ensemble et c’est axe de travail essentiel pour moi, parler de l’importance du commerce dans nos vies, c’est l’essence même de ce rapport », déclare Rebecca Bernardi, concernant l’aide exceptionnelle de 2 millions d’euros pour aider les commerces sinistrés.
« Nous avons aujourd’hui un centre-ville ravagé qu’il faut redresser, insiste la maire des 1-7, Sophie Camard. Dans ce centre-ville, la Canebière, c’est soit la fracture, soit la couture entre les quartiers Nord et les quartiers Sud de cette ville, soit la fracture, soit la couture entre la population de Marseille, les visiteurs et les touristes, et donc c’est un haut lieu de symbole, formule Sophie Camard. Dans ce centre-ville qu’il faut redresser, on connaissait les immeubles à réhabiliter et maintenant on a l’emploi et l’économie à relever », insiste l’élue.
Elle rappelle le temps où la rue Saint-Ferréol et le Centre Bourse, étaient des artères florissantes du centre-ville… « Aujourd’hui, les choses s’accélèrent et il va nous falloir aussi trouver un avenir à cette artère commerçante », dit-elle, inquiète de voir beaucoup de commerçants qui hésitent à rouvrir les portes.
La maire de secteur alerte aussi sur le départ potentiel de la cité judiciaire. « Si en plus on voit partir tout le secteur d’activité des professions de justice, on va encore aggraver la situation ». Elle souhaiterait sur ce sujet qui fait polémique une prise de position unanime des présidents des collectivités territoriales pour éviter une délocalisation en périphérie.
S’il est impératif de reconstituer un tissu commercial, pour Sophie Camard, faire revenir aussi un tissu d’entreprises est un enjeu majeur. « On peut vendre de la marchandise, mais l’économie productive on en manque, produire des biens et des services, proposer des emplois qualifiés… On est le centre-ville d’une métropole, on ne peut pas le laisser dans cet état-là », déclare-t-elle, appelant à un travail collectif.
« Il faut que l’on tienne tous les bouts pour lutter contre la pauvreté, la violence, et toute cette économie informelle, ces réseaux organisés qu’on a vus à l’œuvre derrière les petits, il faudrait y réfléchir et voir quelle stratégie économique on met en place ».