Le Quartier des Antiquaires, niché entre le boulevard Paul Peytral et la rue Sainte-Victoire (6e), a traversé les siècles. Ses commerces changent, mais pas son esprit d’origine.

À l’angle de la Préfecture, débute une rue au nom théâtral : Edmond Rostand. Plongée dans une ombre presque perpétuelle, elle ne drague pas les foules. Pourtant, en son cœur bat le quartier des antiquaires, annoncé par une grande arche en fer forgé, datant de 2007.

« C’est l’ancienne présidente du CIQ, Anne Claude Carta, qui avait demandé à la mairie de la mettre en place. Elle voulait officialiser le surnom qu’on lui donnait », raconte Robert Michelesi, docteur en droit et nouveau président de l’association des habitants du quartier.

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Quartier des antiquaires, il l’est depuis quelques siècles. « Les grandes familles d’industriels commençaient à se faire construire des hôtels particuliers au début du XIXe. Ils voulaient que des commerces « nobles » s’installent au rez-de-chaussée de leurs propriétés », explique Robert Michelesi. À partir de ce moment-là, des antiquaires s’installent.

Où sont-ils actuellement ? Il y en avait 40, il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui, ils sont trois. La première boutique visible est située au 32 rue Saint-Jacques. C’est celle de Françoise Paul, une ancienne relieuse. Elle a ouvert son échoppe en 1984, dans l’atelier du grand décorateur Vandenberghe. Une odeur boisée flotte dans les lieux. L’antiquaire est en train de confectionner un cadre de tableaux.

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Françoise Paul était encadreur avant de devenir antiquaire, spécialisée dans les tableaux et le mobilier art-déco. L’un n’allait pas sans l’autre selon elle.

Des commerçants soudés

« Beaucoup d’antiquaires sont partis à la Capelette, aux puces du boulevard Fifi Turin. C’est the place to be. J’y ai aussi une boutique », livre-t-elle. Pour autant, elle ne regrette pas les départs de ses anciens collègues. « On a de nouvelles galeries, des restaurants. C’est devenu le quartier de l’art de vivre », assure la commerçante.

En remontant la rue, on tombe sur le Bistrot Saint-Jacques, une institution existant depuis 1952. L’intérieur moderne sent le neuf. Il faut dire que le lieu a rouvert il y a tout juste deux semaines.

Le duo à la tête du restaurant, constitué de Loup Manescao et de Camille Collion, a tenu « à garder le nom. Les commerçants sont très solidaires ici. On ne voulait pas les déranger », glisse Loup Manescao. Ils ont repris le restaurant, attirés par « l’ambiance chaleureuse, les brocantes », qui se tiennent dans le quartier quatre fois par an. La prochaine se tiendra le 19 juin.

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Loup Manescao et son associé Camille Collion ont repris le bistrot

La première église orientale de Marseille

Pour en savoir un peu plus sur ces brocantes, réunissant les professionnels de la région, il faut se rendre chez Brice Martin, le président de l’association Rostand. Mais avant cela, on s’arrête devant l’église Saint-Nicolas-de-Myre.

Cette petite église a de quoi surprendre, coincée entre deux immeubles, au 19 rue Edmond Rostand, avec ses airs de temple grec, sa façade ornée d’une colonnade, son tympan de porte peint.

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Elle a d’autres spécificités. « C’est la plus ancienne église copte catholique construite à Marseille. C’est la communauté grecque qui l’a faite construire en 1821. Elle a conservé son jubé, ce qui est très rare », assure Robert Michelesi.

En ce moment, on ne peut pas la visiter. Son intérieur fait l’objet de travaux de restauration. Alors, on reprend notre route vers la boutique de Brice Martin, située au 29 rue Edmond Rostand depuis 21 ans.

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Parfois, l’antiquaire fait appel à un spécialiste pour dater les oeuvres. Ce portrait date de 1823. « On le sait à cause de l’échancrure de sa veste. C’est typique de l’époque », explique-t-il.

Un joli quartier avec une âme

On pénètre dans une sorte de caverne d’Ali Baba. On ne sait plus où donner de la tête entre les peintures anciennes, les porcelaines asiatiques et les objets, meubles chargés d’histoires.

L’antiquaire explique que la brocante « a commencé à la fin des années 80, à l’initiative des frères Storione. Ils voulaient éviter que le quartier ne se dégrade, parce qu’il y avait des commerces indépendants, avec des choses originales ». Selon lui, c’est toujours le cas. Le quartier se caractérise par ces commerçants qui travaillent à leur compte.

Un caractère qu’il apprécie, mais qu’il trouve dommageable, d’une certaine manière. « Je suis président de l’association depuis 2006 et je cherche quelqu’un pour prendre ma succession. Personne ne se présente. Le sens de l’autre existe moins qu’avant ». Alors, il regrette le temps où il côtoyait des antiquaires. Ils se comprenaient entre voisins et « formaient une sorte de syndicat. » Il finit par hausser les épaules et lâcher dans un sourire : « au moins, le quartier reste joli et a gardé son identité ».

Un turnover important de boutiques

Deux atouts qui ont attiré Laure Traverso, propriétaire d’un concept store. Après avoir travaillé pour des griffes parisiennes, cette styliste-modéliste décide d’ouvrir un concept store dédié au made in France.

Séduite par le côté petit village du coin, elle s’est installée ici, il y a quatre ans et demi. L’enfant du Merlan (14e) a vu le quartier « rajeunir. Des jeunes le redynamisent. J’ai remarqué que plein de trucs sympas ouvrent ».

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C’est justement un fast food au concept atypique qui s’est récemment implanté dans le secteur. Derrière une façade jaune pétante, au 67 rue Saint-Suffren, Michaël Arman et Sébastien Cilloni préparent des mac and cheese. Késako ? Le nom anglais cache un plat de pâte recouvert de fromage gratiné.

« En sortant d’ici vous n’aurez plus faim » déclare Michaël Arman. Avec son comparse, Sébastien Cilloni, ils voulaient diversifier l’offre de street-food de Marseille. Le jeune entrepreneur de 27 ans estime que « dans le quartier, il n’y avait pas d’endroit pour manger sur le pouce et de qualité. On s’est mis entre les deux. Maintenant, il faut laisser le temps au temps ».

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Il y a plusieurs façons de préparer un mac and cheese. Les deux marseillais d’adoption ont testé des dizaines de recettes avant de trouver la leur.

« Pas d’autres quartier où ça serait mieux »

Si l’on continue à remonter la rue Edmond Rostand, on finit par tomber sur une place, au carrefour de trois rues. Difficile de s’imaginer, que jusqu’en 2018, c’était un terrain vague et avant cela une caserne militaire. Aujourd’hui, c’est une terrasse arborée. On y aperçoit, une fontaine Wallace, dont les quatre statues incarnent la simplicité, la bonté, la sobriété et la charité.

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Quelques jours par an, la place perd son calme. Elle devient l’épicentre de la brocante. Cet évènement, « donne une image agréable au quartier. Il n’y a pas de voitures qui circulent. Les gens se permettent d’entrer dans des magasins dans lesquels ils n’osent pas rentrer d’habitude », estime Isabelle Grac. L’événement doit revenir prochainement, pour le bonheur de chineurs.

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Isabelle Grac a appris le métier d’antiquaire auprès de sa mère. Elle avait une boutique au Cours Julien, autre lieu où la profession était présente à Marseille.

Même si elle fait partie des derniers professionnels du quartier, elle ne le quitterait pour rien au monde. Elle certifie que « l’accès est facile, tout en étant un peu à l’écart du centre-ville. Il y a une grande concentration de commerces, avec chacun son caractère. À Marseille, il n’y a pas d’autres quartiers où ça serait mieux ».

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