L’avenir du château de la Buzine devrait animer la séance du conseil municipal ce vendredi 7 juillet. Sa gestion est au cœur d’un conflit entre Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’écrivain, et la Ville de Marseille, propriétaire du “Château de ma mère”.

202 rapports sont à l’ordre du jour de ce dernier conseil municipal avant l’été. Ce qui s’annonçait comme une séance-fleuve tentera de se limiter à 4h30, avec des temps de paroles calibrés, préconise Joël Canicave, président du groupe Printemps marseillais.

À la veille des grandes vacances et du coup d’envoi, en grande pompe, de l’Été marseillais devant l’Hôtel de Ville, le soir même, les élus ne souhaitent pas s’éterniser dans l’hémicycle. « Je ne sais pas du tout ce que ça va donner, souligne Joël Canicave, à propos de ce timing posé en réunion des présidents de groupe, mais le maire souhaite que la démocratie s’exprime ».

Certains sujets devraient donc être largement débattus aujourd’hui, parmi lesquels, l’épineux dossier du château de la Buzine, situé dans le 11e arrondissement. Un feuilleton semé de rebondissements qui dure depuis trois semaines. En cause, l’éviction du petit-fils de Marcel Pagnol, Nicolas Pagnol, président de l’association de la Buzine, gestionnaire du site depuis 2014.

Retour aux sources du conflit

Dans le cadre du renouvellement de la délégation de service public (DSP), la Ville de Marseille décide de changer de prestataire pour exploiter le célèbre “château de ma mère » de Marcel Pagnol, dont elle est propriétaire. Le choix se porte sur le Centre de la Culture Ouvrière (CCO) – qui gère une quinzaine d’équipements et dispositifs à vocation sociale et culturelle dans la ville – provoquant les foudres de la droite marseillaise.

Nicolas Pagnol, qui s’indigne de cette décision, lance le 15 juin une pétition en ligne. Elle comptabilise aujourd’hui plus de 60 000 signataires. Deux motions de soutien au petit-fils de l’écrivain sont aussi votées quelques jours plus tard en séance plénière du Département et de la Région.

Le sujet s’invite même lors de la visite d’Emmanuel Macron à Marseille. Malgré les tentatives du maire de Marseille et de son adjoint à la Culture pour rassurer sur la vocation du site et la préservation de ce patrimoine historique, la polémique enfle.

Alors que Nicolas Pagnol conteste la nouvelle attribution de gestion du château, la municipalité fait machine arrière et opte pour une reprise en régie directe, avançant d’une part des erreurs de procédure, d’autre part la mise en difficulté du délégataire choisi en raison de la controverse. Le rapport qui sera présenté ce matin aux élus doit acter l’annulation de la DSP et la nouvelle orientation.

« La Ville de Marseille a déjà géré le château de la Buzine en régie, avant la DSP. Il n’y a rien d’innovant ou d’extraordinaire, explique Joël Canicave. C’est un équipement qu’on souhaite ouvert à tous les Marseillais, que les écoles puissent s’y rendre. Ce côté populaire est très important pour nous. Notre axe fort reste la culture liée au cinéma, tel que le cinéma de Marcel Pagnol était, c’est-à-dire un cinéma populaire et de la pédagogie, avec des formations autour des métiers du cinéma, c’est votre volonté », explique Joël Canicave.

« L’histoire de la Buzine est loin d’être terminée »

Un projet qui reste flou selon les élus d’opposition du groupe Une Volonté pour Marseille (UVPM). « L’histoire de la Buzine est loin d’être terminée », prévient Sylvain Souvestre. C’est très rare de sortir le gestionnaire d’une délégation de service public quand il fait du bon travail ».

Le maire (LR) des 11-12e se dit même prêt à récupérer l’équipement « pour qu’il reste un pôle culturel ». Proposition rejetée par la Joël Canicave qui juge que « le château de la Buzine appartient à tous les Marseillais, il n’a pas vocation à être un équipement de secteur, et techniquement ce n’est pas possible. Le Silo est un équipement géré en DSP, pas par la mairie du 2-3 », donne l’élu en exemple.

D’autre part, UVPM doute du « montage d’une régie en moins de deux mois », soit avant le 17 septembre, date qui marque officiellement la fin de la DSP. Et ironise sur une déclaration dans le journal La Provence, de l’adjoint à la Culture, Jean-Marc Coppola, relayée sur les réseaux sociaux, laquelle précise que « les délégations de service public sont très encadrées. Si on avait voulu faire du copinage, on aurait repris le site en régie directe ».

Selon Pierre Robin, conseiller municipal, la date du conseil municipal aurait été reculée « parce que je leur ai demandé des documents en ma qualité d’élu, et à travers cette demande, ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas respecté la procédure, puisqu’on doit envoyer 15 jours avant le conseil municipal le rapport d’analyse des offres, indique l’élu LR. Je leur ai fait ressortir tous les documents de la procédure depuis 2022. Je ne conteste pas la liberté politique de ce qu’ils veulent faire du lieu, mais il y a des règles et on ne peut pas les contourner pour faire triompher ce qu’on estime être bien et pour écarter ce qu’on estime être mauvais. L’intention dès le départ était de dégager l’équipe en place », dit-il, se référant à des propos tenus dans la commission qui étudie et se prononce sur les DSP, au sein de laquelle il siège. Les élus avancent aussi le coût de fonctionnement de la bâtisse.« Si ça passe en régie, la Ville ne pourra pas percevoir les subventions, ça va créer des charges supplémentaires ». Ce à quoi Joël Canicave rétorque que des subventions peuvent être attribués pour l’achat de matériel ou encore des rénovations…

Nicolas Pagnol en appelle à l’aide de l’État

De son côté, Nicolas Pagnol s’est exprimé dans une interview accordée à Nice Matin, parue le 6 juillet. Le petit-fils et héritier de l’écrivain accuse le maire de Marseille de tentatives d’intimidation. Benoît Payan s’était défendu de ses accusations et de toutes menaces, évoquant une situation « gravissime ». « Ça ne choque personne qu’on me demande d’inverser le résultat de la DSP ? » interrogeait l’édile avec véhémence, confirmant qu’il avait bien téléphoné à Nicolas Pagnol sur ce sujet, lui signifiant que cette demande était « illégale » compte tenu du fait que l’appel d’offres est perdu.

Selon Nicolas Pagnol, Benoît Payan aurait, au cours de leurs échanges, « essayé de lui faire peur » en réclamant des audits pour vérifier de la bonne gestion des comptes du château. Audit qu’il accueille avec sérénité, s’appuyant sur celui mené par le Département qui met en avant une gestion saine et des comptes à l’équilibre depuis dix ans.

La fréquentation est passée de 11 000 à 75 000 visiteurs entre 2012 et 2022. Le nombre de collaborateurs de 6 à 24. Faisant part de ses craintes sur l’avenir du personnel en place, Nicolas Pagnol parle également « d’expropriation culturelle » et en appelle à l’aide de l’État.

Légalement, la Ville a l’obligation de proposer aux salariés en place de poursuivre leur mission, au salaire actuel, dans le cadre du nouveau projet. Ils ne sont pas tenus de l’accepter. Ceux qui y consentiraient deviendraient fonctionnaires municipaux, avec possibilité de mobilité s’ils le souhaitent.

Une gestion en régie provisoire ?

« Une DSP se termine généralement par un audit pour savoir où on en est, qu’est-ce qui a été fait, qu’elle est la situation exacte, rappelle Joël Canicave. Je ne vois pas pourquoi quand on candidate à une DSP, on serait automatiquement retenu. On a déjà renouvelé plusieurs DSP, comme celle du Palais de la glisse et de la glace, dont le gestionnaire était l’UCPA. Il a recandidaté, il ne sont pas très loin de nous idéologiquement, mais Vert Marine avait le meilleur dossier tout simplement. Là, il y avait deux projets. L’un était meilleur que l’autre », précise-t-il, se refusant par ailleurs, à tout commentaire sur « l’expropriation culturelle ». « Regardez sur les réseaux qui en parle ».

La reprise en régie municipale pourrait toutefois être à titre provisoire. « On va essayer de mettre en place notre projet. On est en phase de recrutement de personnel dans le monde du cinéma. Il y a beaucoup de talents sur Marseille, estime l’adjoint. Si on s’aperçoit au bout d’un certain temps qu’on n’y arrive pas, parce que ce n’est pas notre cœur de métier, c’est vrai que c’est un peu difficile, on repassera une DSP et chacun pourra candidater ».

En attendant, le château de ma mère devrait continuer à fonctionner normalement, les engagements pris en vue de futurs événements seront « respectés », avec parallèlement une installation progressive du nouveau projet cinématographique et culturel. Un conseil municipal anticipé devrait avoir lieu en septembre.

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