Imaginée par les fondateurs du restaurant solidaire Le République avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire, l’École Marseillaise de l’Alimentation et de l’Hôtellerie par l’Inclusion (EMAHI) va voir le jour sur différentes sites entre Marseille et Aubagne. Un projet unique en son genre guidé par l’excellence et poussé par Marseille en grand.

En mixant à la même table les plus démunis et une clientèle plus traditionnelle dans un lieu unique, où travaillent également des personnes en insertion, l’association La Petite Lili a fait la démonstration par la preuve que son concept novateur fonctionne. Au cœur de Marseille, le restaurant gastronomique solidaire Le République marque finalement la première étape d’un projet bien plus ambitieux encore.

Depuis quelques mois, le chef Sébastien Richard, qui a imaginé cette adresse philanthropique, planche avec d’autres chefs étoilés et des acteurs de l’économie sociale et solidaire à la création d’un vaste campus de formation aux métiers de l’alimentation et de l’hôtellerie, avec pour socle l’insertion par l’activité professionnelle.

Un projet porté par une alliance territoriale composée de trois structures fondatrices qui œuvrent déjà dans ce sens : l’association La Petite Lili/Le République, l’association Festin et le groupe La Varappe, regroupés sous l’entité ReV (République/Varappe) et auxquelles s’ajoutent plusieurs partenaires : les Apprentis d’Auteuil, Les Grandes Tables, le collectif Épices créé par les entreprises d’insertion dans la restauration*, ainsi que des collectivités prêtes à soutenir l’initiative (la Région, la Métropole Aix-Marseille-Provence, la Ville de Marseille).

5 sites déployés entre Marseille et Aubagne et des chefs d’exception

L’École Marseillaise de l’Alimentation et Hôtellerie par l’Inclusion (EMAHI) est un projet « unique en son genre », assure Sébastien Richard. Pour le chef, cette école est une nécessité pour accompagner un retour rapide à l’emploi tout en répondant aux enjeux et à la transformation de ce secteur d’activité. « Nos métiers doivent faire leur transition, se responsabiliser et s’aligner avec les évolutions du monde du travail ».

L’EMAHI proposera ainsi un enseignement au contact direct du métier, à travers 5 sites déployés entre Marseille et Aubagne, avec pour moteur l’excellence et s’inscrivant dans une démarche responsable. Son modèle repose sur la mobilisation d’établissements d’insertion déjà existants ou en création, avec des orientations différentes, permettant la mise en pratique, l’apprentissage théorique et l’accompagnement en parcours d’insertion d’une durée de 2 ans. Objectif ? Former 700 personnes par an dès 2025.

Les apprentis pourront compter sur plus d’une centaine de chefs de renom, étoilés, meilleurs ouvriers de France… parmi lesquels deux parrains d’exception : le chef triplement étoilé Gérald Passedat qui, depuis plus de trente ans, explore sans cesse les terres et les rivages de Provence et de la Méditerranée, et l’iconoclaste et œcuménique, Thierry Marx, pionnier de la cuisine moléculaire.

Tous transmettront leur savoir-faire, apportant un gage de qualité à l’enseignement proposé. Ils représentent également des opportunités de retour à l’emploi dans leurs établissements respectifs pour assurer des débouchés.

Marseille, Un campus XXL de formation aux métiers de l’alimentation se dessine à Marseille, Made in Marseille
Le République © Olivia Chaber

Le République et Nadia Sammut

Ce campus XXL est centré sur des pôles d’application, chacun d’entre eux étant incarné par une figure de la gastronomie territoriale. Le premier terrain d’apprentissage reste Le République. Depuis son ouverture en février 2022, dans les murs de l’ancien Café-Parisien, place Sadi-Carnot, le restaurant engagé est “entreprise d’insertion”. L’établissement, géré par l’association La Petite Lili, accueille une clientèle traditionnelle payant ses repas au tarif classique (ticket moyen 26 euros) et des personnes en situation de fragilité qui peuvent venir y déjeuner ou dîner pour 1 euro symbolique.

Tous les bénéficiaires sont épaulés par des associations et structures sociales partenaires. Plus de 7500 repas à 1 euro ont été servis aux plus démunis depuis la création du République, qui a pour marraine la cheffe Nadia Sammut. Qualifiée d’initiatrice de la cuisine libre et membre active du mouvement Slow Food, elle est aux commandes de l’Auberge La Fenière depuis 2018. Nadia Sammut, qui a pris le relais de sa mère Reine, est la première cheffe étoilée d’un restaurant sans gluten.

Les femmes au cœur de Gaz’elles sur la Canebière

Trois nouveaux sites vont être créés. Le premier à voir le jour sera l’établissement baptisé Gaz’elles (initialement appelé la Maison de la Méditerranée), premier grand projet marquant le renouveau de la Canebière, dont l’ouverture est prévue en décembre 2023. Ce lieu de vie méditerranéen et éco-responsable prend place dans les locaux de l’ancienne bijouterie Piery.

Dirigé par la cheffe marocaine Meryem Cherkaoui, l’établissement mixera food-court, restaurant d’application et ressourcerie, sous le sceau 100% féminin. En effet, les plats concoctés à partir de recettes traditionnelles et familiales du bassin méditerranéen seront préparés par une équipe composée exclusivement de femmes, dont 50% en parcours d’insertion, permettant dès l’ouverture la création de 28 emplois.

La halle des métiers de bouche, le cœur battant de l’EMAHI

Le cœur battant de l’EMAHI sera la future halle des métiers de bouche. Cette école dans l’école de 2200 m2 doit s’implanter sur le boulevard des Dames, dans le prolongement de la Cité des innovations et des savoirs (Cisam).

Boucher, charcutier, boulanger, pâtissier, poissonnier, écaillés mais aussi traiteur, commercial en restauration, street-food, nutrition, sommelier, pizzaolos… ce marché couvert unique regroupera plus d’une vingtaine de spécialités installées dans des échoppes, et disposera de salles de formation ainsi qu’un hôtel d’application.

Ce lieu hybride, à la croisée des halles gourmandes et des commerces de quartier, entend devenir une institution dans la ville et un site emblématique de l’excellence gastronomique méditerranéenne et française. Ouverture prévue à l’été 2024.

Du champ à l’assiette avec Le Jardin d’Aubagne de Glenn Viel

Du champ à l’assiette, c’est le concept qui prendra vie à Aubagne. Sous le nom bucolique de « Jardin d’Aubagne », ce projet à vocation à devenir un second pôle d’attractivité territoriale majeur, dans ce secteur de la métropole. Sur 3 000 m2 il réunira différentes activités dans 5 bâtiments, à commencer par l’ouverture d’un second “Le République” selon le modèle marseillais.

Sur site est prévu un bistrot, un bouillon méditerranéen et une table d’excellence, un food-court proposant plusieurs stands avec une programmation autour des chefs de Provence, un espace de coworking orienté sur les métiers de l’économie sociale et solidaire, une cuisine centrale et de formation de l’EMAHI, des salles de classes et de conférences… « Le Jardin est un concept global sur l’alimentation, mais aussi sur la transition sociale et écologique », assure Sébastien Richard. Des ateliers d’art de la table (cuisine, pâtisserie…) à destination des particuliers et des professionnels seront organisés sous la supervision de chefs.

L’accent sera mis sur le reconditionnement, réemploi, valorisation et gestion des déchets… avec l’installation d’une ressourcerie et des ateliers de réparation pour donner une seconde vie aux objets. Aux commandes des cuisines de l’Oustaou de Baumanière depuis 2015, Glenn Viel sera la figure incontournable de cet espace aux multiples facettes dont l’ouverture est prévue en juin 2024.

Des Marmites Solidaires aux Beaux Mets

Enfin, Sébastien Richard a pris la présidence des Marmites Solidaires, située au Marché d’intérêt national des Arnavaux (MIN). Développée par Fruits et Légumes Solidarités (Banque Alimentaire), cette conserverie anti-gaspi en chantier d’insertion emploie 9 salariés dont 7 en parcours d’insertion. Ce transfert a vocation à utiliser le site comme cuisine centrale pour les établissements d’application de l’EMAHI.

Le lieu reste site de production de la marque “Les Marmites Solidaires” à laquelle des chefs étoilés pourraient s’associer pour créer des jus signature à partir des invendus. Comme marraine Marie-Josée Ordener. Marionnettiste dans une première vie, Marie-Josée Ordener a fini par changer de public pour régaler celui des Grandes Tables, un concept de restaurant pour lieux culturels né à Marseille, à la Friche La Belle de Mai.

Dans un autre temps, le projet pourrait voir intégrer le traiteur engagé la Table de Cana et les Beaux Mets, le premier restaurant d’application de France en détention, au sein de la structure d’accompagnement vers la sortie des Baumettes. Tous deux sont pilotés par l’association Festin.

Un projet Marseille en grand

« Je pense que l’insertion répond aux besoins de personnels dans le milieu de la restauration. Il y a 300 000 postes à pourvoir et l’insertion permet de les pourvoir, mais nous devons, par ailleurs, nous restaurateurs, nous remettre en question. Le manque d’appétence pour nos métiers ne vient pas d’un manque de passion ou de savoir-faire, mais du mésalignement entre la profession et les attentes et les valeurs des personnes en recherche d’emploi. Moi, je suis pour la valorisation », souligne Sébastien Richard.

C’est la raison pour laquelle au-delà de former les cuisiniers de demain, les formateurs aussi bénéficieront d’un accompagnement pour être en phase avec les réalités de la société actuelle. À ce titre, l’ensemble des chefs participant au projet doivent signer une charte assurant l’égalité salariale, la création de qualifications spécifiques alignées avec les besoins du secteur, des partenariats avec des professionnels pour accueillir les stagiaires en insertion ou encore le conventionnement des professionnels pour les embauches et le suivi-post formation.

Ce projet a été présenté à Laurent Carrié, ancien préfet à l’égalité des chances [Michael Sibilleau, nouveau préfet délégué pour l’égalité des chances a pris ses fonctions le 21 août, ndlr] et soumis à Emmanuel Macron, il y a quelques semaines. Il devrait être consolidé et accéléré dans sa mise en œuvre grâce au plan Marseille en grand. Des financements nécessaires pourraient être débloqués pour financer une partie du projet évalué à 12 millions d’euros, avec déjà la création de plus de 200 emplois.


*Naissance du collectif Épices qui met l’insertion à la carte

Pour développer des projets communs, parler d’une seule voix et optimiser les parcours et l’acquisition de compétences, une douzaine de structures qui mettent chaque jour l’insertion à la carte se sont fédérées en collectif sous l’impulsion des Grandes Tables (Friche de la Belle de Mai) et de la Table de Cana. Parmi elles, Le République (La Petite Lili), Festin L’Après-M, L’Armée du Salut, l’Arrosoir, l’Adap13, En chantier, Le Grand Pain, Meet My Mama, Gaz’elles, Ateliers Fruits et légumes solidarités (MIN), Bouillon de Noailles. 

Retrouvez ce dossier complet et nos autres articles dans le premier magazine Made in Marseille 

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