Laurence Perez est directrice régionale du groupe Suez Eau Paca depuis deux ans. Cette ingénieure de formation revient sur son parcours et ses engagements pour valoriser la place de la femme et la mixité en entreprise. Rencontre.
L’eau, c’est la vie ! Quand il s’agit d’eau, Laurence Perez a toujours été dans son élément. Aussi bien dans les profondeurs des mers qu’avec la molécule H2O. Alors forcément, à la tête de la direction régionale du groupe Suez Eau Paca, elle est pleinement épanouie. « C’est un métier qui me demande beaucoup d’engagement et de temps, mais passionnant par sa nature et par ce qu’il apporte. Je l’adore », confie-t-elle, avec enthousiasme.
Ce que cette ancienne basketteuse aime avant tout, c’est le terrain. Un vaste périmètre d’intervention composé des six départements de la région Sud, où elle aime « être au contact » et se nourrir des échanges avec ses collaborateurs, avec lesquels elle n’hésite pas à « passer du temps », ainsi qu’avec les donneurs d’ordres, principaux clients du leader de l’assainissement des eaux usées. « Je considère que c’est l’ADN de mon métier, c’est en tout cas comme ça que je le conçois. Écouter le territoire permet de préparer la stratégie, être toujours dans l’anticipation et intervenir sur chaque territoire qui possède chacun ses spécificités ».
20 ans de carrière au sein de Suez
C’est dans cet état d’esprit qu’elle a mené sa carrière. Lorsqu’elle jette un coup d’œil dans le rétro, ses débuts à Shell à Rognac (Bouches-du-Rhône) à la fin des années 1990 sont bien loin. 20 ans que cette ingénieure en sciences et technologies de l’eau diplômée de l’ISIM (Polytechnique Montpellier) évolue au sein du groupe Suez, dans des régions et à des responsabilités différentes.
C’est dans le Nord que cette Avignonnaise intègre le groupe Suez, à l’aube des années 2000. À Lille, elle occupe successivement les postes de cheffe d’agence assainissement, directrice de l’agence eau potable, responsable opérationnelle du contrat de la ville, puis de responsable de l’agence territoriale en charge du périmètre hors-métropole lilloise.
Ensuite dans les Alpes-Maritimes, elle prend la direction des opérations et d’entreprise régionale par intérim. Un parcours durant lequel elle a eu la chance de croiser des personnes qui l’ont accompagnée « et qui ont contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui », livre-t-elle.
« Souvent, les femmes se mettent des barrières elles-mêmes »
Actrice, plus que spectatrice, Laurence a su capitaliser sur ses réussites comme sur ses échecs. « Ça permet d’être plus forte et de progresser. Il est important de savoir se remettre en question, on peut toujours apprendre et c’est ce qui fait la richesse de nos métiers et du mien ».
Il faut dire que depuis toute petite, Laurence a toujours été avide de connaissances. De nature curieuse, elle préférait les sciences plutôt que la littérature ou la philosophie, contrairement à sa sœur. Son bac scientifique en poche, elle entre en faculté avec de grandes ambitions. Trop, sans doute, pour un modèle d’enseignement qui ne correspond pas à ses attentes.
Déçue, l’étudiante s’oriente alors vers un DUT de chimie à Montpellier. Et là encore, « je trouvais que je n’avais pas encore appris assez de choses », raconte Laurence, sortie dans le top 3 de sa promo. Forte de ce résultat, elle intègre une école d’ingénieur pour y suivre un cursus en sciences et technologies. « C’est à ce moment-là que j’ai eu le déclic sur les métiers de l’environnement ».
L’innovation et le rapport au monde du vivant résonnent en elle et font écho à ce monde sous-marin qu’elle explore depuis l’âge de 17 ans. « La plongée, c’est un arrêt du temps, cette apesanteur, ça permet de se recentrer sur soi et sur l’autre, car on ne plonge jamais seule, explique l’initiatrice (niveau 4). C’est la découverte d’un milieu qui n’est pas le nôtre », dit-elle, tandis que dans son univers professionnel, Laurence n’a jamais eu peur de prendre toute sa place en tant que patronne et femme.
« Souvent, les femmes se mettent des barrières elles-mêmes. C’est une erreur de penser qu’on n’a pas les capacités, les diplômes, les compétences, il faut oser sortir de ce schéma de pensée », dont elle sait qu’il est souvent limitant chez les femmes. « Il faut défendre ses convictions, donner un cap surtout lorsque l’on est en responsabilité, se donner les moyens de réussir, faire aussi preuve d’exemplarité et oser reconnaître ses erreurs. Il faut de la constance et de la ténacité. Pour moi, il n’y a pas de leadership féminin, il y a du leadership, point ».
Wo&Men, la mixité pour lutter contre le sexisme
C’est ce qu’elle aime transmettre pour dépolluer les esprits et lever les freins. Laurence a toujours milité pour que les femmes osent prétendre à différents postes sans distinction de genre, au sein de Suez, comme ailleurs. Cheffes opérateurs, responsables de stations d’épuration, de maintenance technique, conductrices d’ouvrages… Il n’est plus aussi rare de voir, dans le groupe, des femmes casque de chantier vissé sur la tête et marteau piqueur à la main.
Une féminisation qu’elle tente aussi d’opérer au sein de son comité de direction encore très costume-cravate. « En tant que femme, j’arrive à avoir une grille de lecture qui permet d’aider à promouvoir non seulement la place de la femme dans l’entreprise, mais aussi la mixité ». C’est d’ailleurs l’une des missions du réseau national de Suez France baptisé Wo&Men.
Depuis sa création, il y a deux ans, il compte près d’un millier de membres parmi lesquels 17% d’hommes. Construit autour des valeurs de respect, de solidarité et de partage, il a vocation à réunir les femmes et les hommes dans l’entreprise. Un laboratoire d’idées autour des problématiques auxquelles les femmes peuvent être confrontées durant leur carrière.
Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE), dans son rapport annuel sur l’état du sexisme en France, souligne qu’en dépit de certaines avancées en matière de droits des femmes, la société française « demeure très sexiste ».
Propos sexistes, remarques inappropriées de ses pairs lorsqu’elle est devenue mère… de par nature, Laurence ne se « laisse pas faire » et a su faire face à ce type de situations qu’elle n’entend pas laisser se reproduire. « Je ne resterai jamais inactive. On parle souvent du silence organisationnel en entreprise, mais à la fois avec mes valeurs et mes convictions personnelles, je lutte contre ça. Je ne les passerai jamais sous silence, au contraire, je les dénoncerai avec fermeté », assure-t-elle, avec détermination.
S’oxygéner pour offrir des nouvelles inspirations
Femme engagée, elle croit aussi beaucoup dans ces rôles-modèles qui peuvent changer la donne, en intervenant directement auprès des collégiennes, pour leur ouvrir de nouvelles perspectives professionnelles grâce à des associations qui permettent de faire bouger les lignes. C’est le cas de Capital filles, lancé par Orange. La structure, qui a signé un partenariat avec Suez, permet à des filles issues de quartiers populaires ou de territoires ruraux d’être accompagnées par une marraine du monde de l’entreprise.
De sa mission de bénévole au sein de la Clé, qui propose du soutien scolaire aux collégiens aux missions humanitaires tournées sur le retraitement et le recyclage des eaux usées, donner du temps à l’autre, favoriser l’entraide, transmettre son expérience et son savoir… C’est une manière pour Laurence de s’oxygéner tout en donnant de nouvelles inspirations à d’autres (jeunes) femmes, patronnes de demain, bien dans leur corps, bien dans leur tête et dans leurs baskets. Car tout est aussi une affaire d’équilibre, « c’est encore plus vrai quand on est une femme, une maman. Être épanouie dans sa vie, être alignée avec ce qu’on est, ce qu’on veut faire, c’est important pour être en pleine responsabilité et réussir ».
La journée des droits des femmes ce 8 mars ne résonne pas particulièrement pour Laurence qui, dans le meilleur des mondes, verrait ce jour rayé du calendrier, ou que chaque journée soit un 8 mars. Elle y voit néanmoins l’occasion de « catalyser et promouvoir un peu plus la place des femmes dans l’entreprise et dans la société dans le sens générique », mettre en lumière les nombreuses initiatives menées par le réseau Wo&Men, de sortir des clichés de genre… Et surtout, en racontant son histoire, de permettre à des femmes d’oser tout simplement… se jeter à l’eau !