La start-up A la Fraîche va créer un potager en aquaponie sur les toits du centre commercial Les Terrasses du port à Marseille. Cette ferme pilote en zone urbaine devrait proposer ses premiers fruits, légumes et poissons en 2024.
Développer l’agriculture urbaine sur les toits des Terrasses du Port et imaginer un projet en lien avec la biodiversité. C’est le défi que va relever la jeune start-up À la Fraîche. Lauréate de la 4e édition du Smart port challenge, la jeune pousse a été sélectionnée par Hammerson – Terrasses du Port et Véolia dans le cadre de ce concours unique en son genre.
« L’impact environnemental et sociétal d’un bâtiment est un enjeu majeur. Les pistes de limitation de cet impact sont variées et peuvent notamment passer par une optimisation des toits-terrasses dans le but de faire émerger des projets de récupération de l’eau, de production d’énergie, de préservation de la biodiversité ou encore de production agricole… », soulignait Marie Canton, directrice du centre commercial, à l’occasion du coup d’envoi de l’acte #4.
L’objectif fixé par les partenaires est aussi d’alimenter en circuit-court les restaurants des « Terrasses », ainsi que ceux situés à proximité, sans oublier le volet pédagogique. « On a besoin d’une start-up qui fasse de la production maraîchère, mais pas seulement, car on voudrait vraiment un projet très global ».
« Remettre la nature au cœur des villes »
À la Fraîche, créée par trois Marseillais et basée à Aix-en-Provence, a été choisie car elle répond en tout point aux problématiques exposées.
Fondée par Pierre Azibert, étudiant en entrepreneuriat, Jean Aubertin, chef d’entreprise et Frédéric Schneider, ingénieur, À la Fraîche crée et exploite des fermes urbaines productives écologiques, alliant développement durable et qualité des produits. Ces trois-là veulent avant tout « remettre la nature au cœur des villes pour que les citoyens urbains puissent s’y ressourcer et profiter de ses bienfaits, même en hypercentre et métropole ».
La différence de parcours et d’expérience des co-fondateurs a nourri la vision de leur projet pour faire pousser des fruits et légumes sur les toits des bâtiments, des friches industrielles et des espaces en pleine terre, en utilisant les techniques les plus adaptées tout en réduisant l’empreinte carbone des bâtiments.
« Nous utilisons notamment la permaculture sous forme de bacs dits « wicking beds » pour la culture de petits fruitiers et légumes racines (pommes de terre, carottes…) ainsi que des systèmes aquaponiques et aéroponiques pour optimiser et décupler la production de légumes, fruits (tomates, poivrons…), légumes feuilles (choux, blettes…), herbes aromatiques et fleurs comestibles », expliquent-ils.
L’aquaponie, une technique ancestrale
La pluralité de ces concepts permacoles permet ainsi de s’adapter aux contraintes que les projets d’agriculture en ville peuvent impliquer et aux espèces végétales qu’elles produisent en recréant les conditions optimales aux écosystèmes naturels agricoles, comme avec l’aquaponie.
Cette technique ancestrale utilisée par les Aztèques, puis largement exploitée en Asie pour la riziculture, constitue « la base de la construction de nos projets », assure Pierre Azibert. Remise au goût du jour dans le courant des années 2000 grâce aux avancées technologiques des États-Unis et de l’Australie, cette méthode n’utilise pas de sol à proprement parler, et est donc particulièrement adaptée dans les régions aux sols impropres ou pollués.
« Nous utilisons des circuits fermés dans lesquels on élève des poissons (carpes, truites, tilapias…). Leurs déjections sont transformées par les bactéries en un super engrais pour nos plantes qui, elles, nettoient l’eau, et la redonnent aux poissons. Grâce à ça, on produit 5 fois plus au m2 en consommant 90 % d’eau en moins par rapport à l’agriculture conventionnelle ».
L’aquaponie permet ainsi aux poissons et aux plantes d’évoluer ensemble. En plus de proposer des fruits et des légumes, « on va pouvoir retirer les poissons à partir d’un certain grammage. Soit pour les vendre frais, soit on a la possibilité de les transformer pour pouvoir vendre du poisson fumé », explique Frédéric Schneider.
Un laboratoire de l’agriculture urbaine
Avec Hammerson, l’objectif est de créer un laboratoire de l’agriculture urbaine sur les toits du centre commercial. Cette première ferme pilote en zone périurbaine s’étendra sur 5 000 m2. Soit presque la totalité de la surface. Le lieu fera également office de jardin pédagogique « pour former et sensibiliser les populations à ces questions de développement durable au travers d’ateliers découvertes et de visites », ajoute Pierre.
Dans le cadre du Smart port challenge, le projet se développera sur une période de six mois avec un accompagnement. L’ambition est « de pouvoir donner nos productions à l’horizon 2024, aux restaurateurs des Terrasses du Port, espère Jean Aubertin, président et directeur général de l’entreprise. On cherchait un projet de ce type, car le foncier en ville était la grosse difficulté du développement de notre activité. C’est pour ça que le Smart port challenge est une vraie aubaine pour nous ».
Cette première expérimentation permettra d’éprouver leur modèle, puis de le répliquer. À La Fraîche vise déjà des friches industrielles et les toitures d’autres centres commerciaux. « En fait, ce qu’on recherche, c’est l’inverse d’un agriculteur classique. Un agriculteur va chercher des terrains en périphérie. Nous, ce qu’on veut, c’est occuper la ville, exploiter des zones polluées. Car notre système est hors-sol, pour nous permettre d’amener au milieu d’une grande densité de population des aliments frais », explique Jean Aubertin.
La phase 2 est de réaliser une ferme aquaponique à grande échelle s’intégrant à l’espace urbain. Acte III, dupliquer le modèle de ferme conçue dans les centres-villes à l’échelle d’autres grandes villes françaises et européennes.
La gestion des déchets du sous-sol jusqu’aux toits
Outre l’installation de panneaux solaires, différents projets durables ont déjà germé sur les toits du centre commercial des Terrasses. Il développe actuellement un projet d’installation de station de biométhanisation en partenariat avec la start-up Bee&Co et Véolia. Cette solution BioBeeBox doit permettre de gérer des bio-déchets générés par les commerçants du « mail » ainsi que ceux des restaurateurs dans le centre-ville.
Les Terrasses du Port valorisent déjà 80 % de leurs déchets (1 700 tonnes par an) grâce à son centre de tri intégré au niveau de son quai de livraisons. Les toits disposent aussi d’un jardin de 200 m2 qui reproduit le biotope de l’archipel du Frioul et permet de l’étudier.
Depuis leur ouverture, les Terrasses du Port se sont engagées dans une démarche sociale et environnementale ambitieuse. Depuis 2015, le groupe Hammerson développe une politique « Net Positive », qui repose sur quatre piliers : gestion des déchets, économie d’eau, réduction de l’empreinte carbone, proximité et lien social.
Le centre est raccordé à la centrale Thassalia. Depuis 2021, le centre commercial et ses 190 boutiques sont chauffés et climatisés grâce à la géothermie marine. Une première en France.