L’Après M, le fast-food social et solidaire installé dans l’ancien McDo des quartiers Nord, sera inauguré le 10 décembre. Il a déjà commencé à servir les clients et son burger gastronomique unique, l’Ovni, est déjà la star. À découvrir en vidéo.
Le chef Sébastien Dugast ouvre une boîte en carton mauve, signée du nom de son mentor triplement étoilé, Gérald Passedat. Bien sûr, l’emballage est floqué « Après M », ce « fast social food, car le social est au centre », comme le rappelle un des co-fondateurs, Fathi Bouaroua.
Le cuisinier poursuit la présentation du sandwich signature : l’Ovni. Avec son pain entièrement fermé, il ressemble à une soucoupe volante. « Un concept unique ici. Je l’ai découvert du côté de la Corée du Sud », explique Kamel Guémari. L’ancien salarié et syndicaliste du McDo Saint-Barthélémy a largement contribué à lui donner une seconde vie solidaire depuis sa liquidation judiciaire en 2019.
Puis, le chef Dugast tranche ce pain surprise. C’est l’émotion autant pour les pupilles que pour les papilles de la trentaine de personnes agglutinées autour. Certains sont des bénévoles engagés, d’autres les futurs salariés en insertion du restaurant. « Comme il est tarpin bon celui au bœuf ! », lance Akima au cuistot.
Un « Ovni » dans le monde de la gastronomie
La future manageuse avait déjà inauguré le Burger King du Vieux-Port en tant qu’employée. Mais l’émotion est incomparable à l’approche du lancement de l’Après M. « J’ai grandi ici, je mangeais au McDo quand j’étais jeune. L’aspect solidaire est très gratifiant pour moi. Mais en plus, c’est quali. On va servir les meilleurs burgers de la ville ! ».
En drive, en salle, voire même plus tard en livraison éthique, l’Après M ouvrira de 11 h à 23 h, sept jours sur sept, 364 jours par an, 1er mai oblige. Sous les conseils bénévoles de chefs gastronomiques, les 24 employés en insertion, personnes en précarité ou détenus en remise en liberté, prépareront deux types d’offres.
Un menu grand public type fast food à 8,6 € avec le « Maousse Costaud ». Une référence non dissimulée au sandwich star de Ronald McDonald, « même si le prix est moins élevé », précise Kamel Guémari. Mais pas les standards de qualité, d’éthique et de proximité. Les frites fraîches viennent de Gémenos, le pain d’une boulangerie lancée par des jeunes du quartier, et la viande halal de la boucherie voisine.
« On veut s’adresser à la population des quartiers alentours avec une offre classique dont il sont friands », poursuit l’ancien syndicaliste. Mais « on veut les emmener vers une alimentation de qualité ».
Notamment avec le menu « fastronomique », qui propose, pour un euro de plus, le sandwich signature l’Ovni. Difficile de rester insensible à la version au poisson « en boulettes à la marseillaise » élaborée par Sébastien Dugast. « Avec tsatziki, choux rouge, tomates confites, coriandre et ras el hanout ».
Inauguration explosive avec un feu d’artifice du Groupe F
Après une semaine à bas régime pour rôder les équipes, l’ouverture officielle au public du fast food au lieu le samedi 10 décembre. Une inauguration en grande pompe : « Il y aura plein de surprises, des événements, des invités de marque », décrit Julien Marchaisseau, responsable de la partie culturelle et artistique du projet.
Sous la pression, il finit par concéder que le Groupe F, célèbre créateur pyrotechnique provençal, embrasera l’Après M d’un feu d’artifice à 18 h. Trois semaines après avoir illuminé la cérémonie d’ouverture du mondial de foot au Qatar, la symbolique est ici différente.
Il y a 2 ans, en pleine crise sanitaire, le McDo abandonné s’est transformé en base de distribution alimentaire citoyenne pour les quartiers Nord fortement impactés. « On a intégré la lutte avec un collectif d’artistes et transformé le bâtiment en œuvre d’art totem du secteur », poursuit Julien. Il entend continuer à l’utiliser comme lieu « du commun, d’éducation populaire, de diffusion et de création d’art ».
Mais ne lui parlez pas de « tiers-lieu ». « C’est un lieu de travail avant tout, que l’on investit par l’art et le débat ».
D’un McDo au tapis à une hétérotopie
Un fast food avant tout donc, qui fonctionnera en tant que tel, mais dont l’histoire et les vocations vont plus loin. « Un lieu d’hétérotopie », poursuit Kamel Guémari, en citant le philosophe Michel Foucault, « où on réalise nos rêves ».
Le premier, celui d’un quartier populaire qui prend la main sur une multinationale géante, s’est déjà concrétisé. Un élan populaire dont la Ville de Marseille s’est saisie en rachetant le bâtiment en 2021. Elle propose aujourd’hui au projet un bail commercial à prix symbolique.
Mais c’est à peu près « la seule aide publique à ce jour, hormis une potentielle subvention de la Politique de la ville pour équiper le bâtiment », explique Fathi Bouaroua. Pas de quoi empêcher la création de la société coopérative d’intérêt collectif L’Après M avec « 3 700 adhésions et prises de parts » permettant le lancement « difficile » de l’activité.
Un gros chiffre d’affaires pour « faire la guerre à la misère »
L’objectif est pourtant ambitieux : « on vise un chiffre d’affaires annuel de 1,8 à 1,9 millions d’euros » selon Fathi Bouaroua. « L’hypothèse la plus basse est un excédent de 100 000 euros. Il sera reversé à 100 % pour nos activités d’entraide ». Car la collecte et la distribution de denrées alimentaires se poursuit tous les lundis matin pour « 400 à 500 familles ».
Pour cela, plusieurs conteneurs maritimes ont été réaménagés derrière le restaurant. Un d’eux est frigorifié pour la conservation des denrées fraiches. L’autre servira de cuisine pour les repas servis lors de maraudes. Une conserverie prend également place dans un troisième reconverti en labo de transformation. Sans compter le méthaniseur en projet, afin de transformer les déchets alimentaires en énergie pour générer le froid.
Écologie, solidarité, inclusion, circuit court, emploi… C’est n’est pas une zone à défendre (ZAD) mais une « zone à développer » lance Kamel Guémari, jamais en manque de bonnes formules. « Nous, les enfants des quartiers populaires, savons faire la guerre à la misère ». Mais, conclut-il en nuance, « le plus dur ce n’est pas de réussir, c’est de durer ».