À l’heure de l’hommage en mémoire des victimes de la rue d’Aubagne, une coalition d’organisations citoyennes lance un appel contre le logement cher et une pétition pour l’encadrement des loyers à Marseille.

Ce samedi 5 novembre sera consacré à l’hommage en mémoire des victimes du drame de la rue d’Aubagne, survenu il y a quatre ans. Quatre années durant lesquelles les collectifs citoyens et les associations, à force de persévérance, ont obtenu quelques victoires dans la lutte contre l’habitat indigne, dont le phénomène peine à se résorber. Sans jamais perdre de vue cette bataille, c’est aujourd’hui un autre combat qui s’ouvre contre le logement cher.

À la veille de cette journée, une vingtaine d’organisations citoyennes* a décidé de lancer un appel unitaire : « Quand nos maisons ne s’écroulent pas, ce sont les prix qui flambent ! ». « Nous avons pris l’initiative de travailler à cette coalition, pour travailler à un agenda commun, qui va durer, on l’espère à moyen terme, sur les différentes questions liées au logement cher. Nous allons mener différentes campagnes dans les mois à venir, déclinées sous différents formats », exprime Kevin Vacher de l’association « Nos vies, nos voix » et membre du collectif du 5 novembre, depuis les locaux de La Maison Méditerranéenne des Droits de l’Homme, cours Julien.

Les Marseillais face à l’inflation des prix de l’immobilier

Pour Emmanuel Patris, co-président d’Un centre-ville pour tous, « Marseille se trouve dans une situation particulière, avec une hausse de 10 % du prix de l’immobilier quand la tendance est à la baisse sur le territoire national. En deux ans, nous aurons connu une augmentation de 20 %, c’est énorme », s’insurge-t-il.

Face à l’inflation, la lutte contre la précarité énergétique est au centre des revendications. « 12 millions de foyers sont en situation de précarité énergétique liée à l’isolation des logements. L’énergie va être de moins en moins disponible et les températures vont continuer à augmenter. On n’a plus le temps face aux conséquences du dérèglement climatique », avance Christophe Oudelin, de l’association Alternatiba.

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De g. à d. Christophe Oudelin (Alternatiba), Emmanuel Patrice (Un centre-ville pour tous), Kevin Vacher (« Nos vies, nos voix) et Cécilia Potier, mouvement des mères isolées.

Alors qu’un 49.3 a balayé l’espoir de 12 milliards d’euros supplémentaires pour la rénovation énergétique, la coalition demande la mise en œuvre d’une « véritable stratégie de réduction des coûts énergétiques en luttant contre les passoires thermiques à long terme », écrivent les signataires, à l’attention des pouvoirs publics, au premier rang desquels l’État.

C’est une « question qui doit devenir partie intégrante de la lutte contre l’habitat indigne en augmentant dès maintenant le chèque énergie, en maîtrisant le marché de l’énergie pour que les locataires du logement social ne paient pas la crise actuelle, en élargissant et en prolongeant le bouclier tarifaire [prévu jusqu’à mi-novembre et qui ne s’applique pas au logement social, ndlr] et en renforçant des outils de lutte contre l’habitat indigne, notamment l’extension du permis de louer – actuellement restreint à Noailles – aux quartiers d’habitat insalubre et aux grandes copropriétés dégradées ».

Les autres revendications

Le deuxième point revendicatif porte sur la réforme des loyers. En effet, les organismes de logements ont décidé d’appliquer une hausse jusqu’à 3,6 % dès le mois de janvier. Une augmentation fixée par l’indice national de référence de l’évolution maximale des loyers pour maintenir les finances. « Nous demandons ainsi aux bailleurs de ne pas appliquer cette augmentation et leur proposons de lutter ensemble pour une révision de la taxe foncière et pour que les bailleurs HLM retrouvent les fonds perdus ces 5 dernières années (subventions, APL, RLS…) », disent les militants, s’inspirant de la mobilisation victorieuse des locataires de la cité Air Bel.

Dans le cadre de la rénovation urbaine, les habitants ont obtenu le maintien des loyers. L’extension de cette mesure à l’ensemble des projets ANRU de la Métropole doit être désormais confirmée par la Métropole et l’État dans le cadre d’une charte du relogement métropolitaine.

La coalition demande également une révision de la « carte » de la taxe foncière datant d’après-guerre. « Elle est devenue cruellement inégalitaire en faisant payer autant des Aygalades au Roucas Blanc ».

Interrogation sur la construction de 4 500 logements à Marseille

Face à cette situation, « si on n’a pas une vraie politique volontariste de régulation du marché, que ce soit à travers l’encadrement des loyers, avec des propositions fortes de logements sociaux, on va droit dans le mur. Et on y va », estime Emmanuel Patris.

Il dénonce également « une financiarisation du logement, particulièrement du logement social. On sort progressivement du modèle traditionnel de financement du logement social vers un financement de plus en plus spéculatif, où le logement devient un objet de marchandisation ».

Il s’interroge sur l’annonce de la municipalité de produire 4 500 logements par an dans le cadre du programme local de l’habitat (PLH) et la stratégie métropolitaine en la matière. « Sur cet objectif, une part seulement soit 1 500 logements est réservée au logement social, c’est très insuffisant, il en faudrait 3 ou 4 000, commente toujours Emmanuel Patris. On nous parle de logements abordables, qu’est-ce que ça veut dire ? Rien n’est dit sur le type de logement, sur les niveaux de conventionnement de loyers les plus bas (nombre de PLAI, PLAIS) qui permettent à de nombreuses familles d’accéder à du logement », ajoute Emmanuel Patris, qui entend alerter sur cette question.

Une pétition pour expérimenter l’encadrement des loyers

Parmi les solutions avancées pour réguler le marché, l’encadrement des loyers. C’est dans ce sens que parallèlement à leur appel, une pétition a été lancée.

Ce dispositif sert à plafonner les loyers des logements du parc privé. Seule la Métropole Aix-Marseille Provence a le pouvoir de porter la candidature de Marseille auprès de l’État, mais avait déjà refusé une première demande de la municipalité. « La Métropole doit admettre la réalité sociale de notre ville et participer à l’expérimentation de l’encadrement des loyers d’ici au 23 novembre (date butoir fixée par la loi 3DS (…). Cette mesure fait sens pour l’ensemble des classes populaires et moyennes de la ville, d’autant plus dans le cadre de la stratégie d’aménagement et de rénovation en cours en centre-ville (PPA) », disent les signataires.

« Il y a un consensus politique qui peut émerger », note Kevin Vacher, qui veut être optimiste. À l’occasion du dernier conseil de la Métropole, une porte s’est entrouverte sur cette question [lire ici]. La présidente de la Métropole, Martine Vassal, a récemment adressé un courrier au ministre de la Ville et du Logement, Olivier Klein – lequel se fait attendre dans la cité phocéenne – pour connaître les modalités et la faisabilité d’une expérimentation à l’échelle marseillaise seulement.

Les futures actions à venir

Quelles conditions pour cette expérimentation prévue par la loi Elan ? « On demande à ce qu’elle se fasse à l’échelle la plus fine possible, à l’îlot si possible, comme à Paris par exemple, la loi prévoit a minima 6 loyers de référence fixé sur le territoire, basé sur l’Observatoire des loyers. Toute la question est de savoir quel sera le loyer de référence ?, interroge Kevin Vacher. Si nous avons six territoires à Marseille, il y aura des agglomérations de quartiers qui n’ont rien en commun et des loyers différents. Donc un loyer de référence médian n’aurait absolument aucun sens, voire serait contre-productif ».

D’autres actions seront mises en œuvre dans les prochaines semaines et les mois à venir pour décliner cet appel et faire signer la pétition. Outre ce 5 novembre, le 24 novembre, journée nationale de lutte contre la précarité énergique constituera un autre temps fort, avant les États généraux du logement les 28 et 29 novembre organisés par la Ville de Marseille.

La coalition a également alerté sur la situation des mères isolées. 47 000 sont recensées à Marseille, soit la population du 6e secteur de la ville. Dans les Bouches-du-Rhône, 47 % d’entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. « Il n’y a pas de priorités spécifiques pour elles, et les bailleurs privés sont frileux à louer aux mères isolées, souvent stigmatisées, car elles touchent un salaire moindre », ajoute Cécila Potier, du Mouvement des Mères isolées. Au croisement des problématiques financières, liées à l’employabilité et à la mobilité s’ajoute celui de la facture énergétique.


*Adelphi’cité ; Alternatiba Marseille ; Amicale des Locataires d’Air Bel ; Les Amis de la Terre Bouches-du-Rhône ; ANV-COP 21 Bouches-du-Rhône ; L’Après M ; Aouf ; Association des Usagers de la PADA ; Association « Il fait bon vivre dans ma cité » ; Association Malezi ; un Centre-Ville Pour Tous ; Collectif d’Air Bel ; Collectif du 5 novembre – Noailles en colère ; Conscience (national) ; Gilets Jaunes Marseille centre ; JUST ; Ligue des Droits de l’Homme Marseille ; Mouvement des mères isolées ; Nos Vies, Nos Voix – le mouvement citoyen marseillais ; Paroles vives ; RUSF 13 ; Syndicat des Quartiers Populaires de Marseille… avec le soutien de : la Fondation Abbé Pierre, Médecins du Monde.

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