Un jardin partagé a été aménagé au pied de la cité Félix-Pyat (3e) et constitue le premier volet du chantier du parc Bougainville. Reportage.
Faire pousser des légumes entre béton et bitume tout en recréant du lien social : c’est le pari des nouveaux jardins partagés au pied de la cité Parc Bellevue, aussi appelée Félix-Pyat, dans le 3e arrondissement de Marseille. À l’occasion des 48 heures de l’agriculture urbaine, le 14 mai dernier, 21 parcelles cultivables mises à la disposition des habitants de Saint-Mauront et des quartiers alentours ont été inaugurées.
Cet îlot de végétation de 750 m² est imbriqué dans un paysage urbain en pleine transformation. D’un côté, les tours de la cité. De l’autre, un terrain en friche de quatre hectares, chantier d’aménagement colossal d’Euroméditerranée : le futur parc Bougainville. Premier aboutissement du projet après la démolition des bâtiments existants, le jardin collectif préfigure ce projet de « renaturation » du site dont la fin des travaux est prévue en 2024.
Soutenu par Marseille solutions, structure porteuse de projets à impact, le jardin a vu le jour en réponse à une concertation avec les habitants préalablement à la conception du parc urbain. « Nous avions déjà mis en place des jardins rue de Ruffi avec la Maison pour tous Kleber, et avions reçu des retours positifs, précise Mélanie Le Bas, responsable de la médiation de projets à Euroméditerranée. Nous savons d’expérience que la dynamique de jardins partagés marche si elle est accompagnée dans les premiers temps ».
Des formations au maraîchage urbain avec Pépins production
L’association Pépins production a été sélectionnée suite à un appel d’offres de l’établissement public d’aménagement pour aider au lancement du projet. « Nous voulons permettre aux gens d’avoir accès à un espace vert, de se ressourcer en mettant les mains dans la terre, mais aussi les former et leur transmettre des connaissances sur le jardinage », explique Loubliana Petroff, co-fondatrice de la structure qui œuvre au développement de l’agriculture en ville selon les principes de l’agriculture biologique.
« Le but est que le jardin soit autogéré par une association d’habitants d’ici 2025, après un accompagnement dégressif sur trois ans », précise-t-elle. Pour cela, l’association dispose d’un budget de 10 000 euros qui comprend les charges en eau et une partie du matériel utilisé. Chaque mercredi et un samedi par mois, les jardiniers se réunissent pour participer à des animations autour de l’entretien du site : semis, plantation, taillage, compostage, ou encore fabrication de mobilier urbain en bois recyclé avec l’association Eko.
« Changer les comportements de consommation »
La situation du jardin collectif, entre les 15e et 3e arrondissements séparés par la passerelle du métro, vise aussi à relier les deux secteurs et rapprocher ses habitants. « Le jardin, c’est par essence l’endroit où l’on peut mettre en place le lien social et favoriser la cohésion, remarque Loubliana Petroff. Il faut que ce soit un lieu ouvert qui permet aux gens de se rencontrer ». La jeune femme a déjà coordonné deux projets à Marseille après avoir accompagné depuis 2015 la création de plusieurs espaces végétaux et pépinières de quartier en région parisienne.
« Beaucoup de gens viennent avec leurs enfants, poursuit-elle. C’est l’occasion de leur transmettre des connaissances sur la nature, l’alimentation et le végétal. Cela peut aussi permettre de changer les comportements de consommation, et en règle générale, d’avoir une approche plus écologique dans sa manière de consommer ». Mais aussi, de « produire », même si « personne ne sera autonome en fruits et légumes avec ces parcelles. Mais ça fait des compléments qui font plaisir ! ».
Un lieu convivial
Diane, la soixantaine, présente avec fierté sa récolte du jour de petits pois et de haricots. Résidente de « l’éco-cité » Smartseille d’Euroméditerranée, elle fait partie des premières personnes inscrites sur la liste pour participer au lancement du projet. Cette jardinière enjouée prend le bus tous les matins pour venir entretenir sa parcelle et celles de ses amis lorsque ceux-ci ne peuvent pas se déplacer. « Le mot « partage » a un vrai sens ici, affirme-t-elle. Chacun apporte ses connaissances et il y a beaucoup d’entraide ».
« Par les temps qui courent, je trouve que c’est utile de cultiver ses propres légumes, continue Diane. En magasin, ça devient de plus en plus cher, et on ne sait pas ce qu’on mange… ça a tellement un autre goût, ce qu’on fait pousser soi-même ! »
Yassine, lui, habite dans un immeuble à l’autre extrémité du chantier du Parc Bougainville. Il a pris connaissance du projet de jardin partagé lors d’une réunion avant la destruction de l’ancienne fourrière municipale. « Avec ma femme, on s’est inscrits pour avoir un petit bout de terre, puisqu’on habite dans un appartement et que nous n’avons pas d’extérieur », explique-t-il.
« On était trois inscrits au départ, et petit à petit, les habitants du quartier se sont greffés ». Aujourd’hui, ils sont une quarantaine à cultiver le jardin. « On tient un petit cahier pour marquer ce qu’on a fait, si on a arrosé la parcelle collective… on apprend, et en même temps, c’est convivial ! », s’enthousiasme le futur papa.
Multiplier les usages
Deux mois après son lancement, les différentes parcelles foisonnent de plusieurs variétés d’arbres fruitiers encore jeunes, de fleurs et de légumes de saison. Malgré des premiers jours légèrement compliqués. « Au début, beaucoup de détritus étaient jetés, se souvient Diane. Mais quand les gens ont vu que l’on nettoyait et que l’on cultivait le lieu, ça a commencé à être respecté. Je vois un net progrès depuis deux mois. Certaines personnes viennent au grillage et s’intéressent à ce que l’on fait ».
Avant d’ajouter, « des adhérents ont même dû être refusés, car il y a une attente énorme ». À ce jour, toutes les parcelles individuelles du jardin ont été attribuées, mais les intéressés peuvent toujours s’inscrire pour rejoindre la parcelle collective.
Tout au long de son accompagnement, Pépins productions espère développer des partenariats avec d’autres structures « et réussir à multiplier les usages du jardin pour qu’il serve au plus grand nombre ». L’association cherche également d’autres subventions auprès de partenaires publics afin d’essaimer des projets avec les écoles du secteur.
Plus d’informations
Pour participer ou s’inscrire au jardin partagé, contacter l’association directement à l’adresse mail suivante : jardinbougainville@gmail.com