L’hôtelier de la Villa Valmer, Pierre Mozziconacci, se dit prêt à démissionner de la présidence de sa société pour rétablir les relations avec la Ville. Mais si son bail est rompu, comme prévu lors du conseil municipal ce mercredi, il engagera un contentieux pour réclamer 45 millions d’euros.

« Nous inviterons la presse à l’inauguration de l’hôtel de la Villa Valmer », lance Pierre Mozziconacci, toujours très sûr de lui. Pourtant, la Ville de Marseille s’apprête à voter la résiliation de son bail emphytéotique de 60 ans pour son établissement de luxe, lors du conseil municipal du 29 juin.

Les relations semblent rompues entre l’hôtelier et la municipalité depuis la destruction sans autorisation d’un élément de la bâtisse, le 14 avril 2021. « À partir de ce jour, malgré mes sollicitations, je n’ai jamais été reçu par l’adjointe ou le directeur de l’urbanisme, ou par les services instructeurs ».

Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme, considère pour sa part qu’elle n’a « pas vocation à recevoir chaque locataire qui détruit le patrimoine des Marseillais ». Même si l’hôtelier nous annonce être prêt « à démissionner de la présidence de la S.A.S Villa Valmer au profit de [son] associé Didier Germain. Pour repartir sur de nouvelles bases, renouer le dialogue avec un nouvel interlocuteur ».  Pour l’élue municipale, « ce n’est pas une histoire de personnes ».

Une villa, deux approches

Il estime pourtant avoir eu une « démarche proactive pour régulariser les infractions reprochées ». Notamment avec le dépôt d’un permis modificatif pour reconstruire l’aile à l’identique. Mais la mairie l’a refusé avec « une demande de pièces complémentaires notifiée par courrier en date du 25 mai 2022, pourtant notifiée le 9 juin 2022, relève-t-il, soit deux jours avant l’expiration du délai d’instruction de la demande ».

L’hôtelier a déposé un nouveau permis modificatif dans la foulée. « Il est irréprochable car il suit expressément les directives du tribunal administratif et des architectes des Bâtiments de France », poursuit-il. Mais son dépôt est hors du délai « unilatéralement fixé par la Ville, qui est des deux côtés du stylo », reproche-t-il.

Pour Mathilde Chaboche, « toute l’instruction est parfaitement légale. Nous avons appliqué strictement la procédure sous le contrôle de l’État ». Elle estime même avoir « fait preuve d’une grande mansuétude. Dans un état d’esprit constructif. Nous avons prolongé le délai de régularisation de 6 mois ».

C’est dans cet esprit de respect de procédure que l’adjointe à l’urbanisme explique avoir lancé la résiliation du bail. « On applique une disposition du bail emphytéotique qui ne prévoit que des travaux dûment autorisés, ne portant pas atteinte à l’intégrité patrimoniale du site. Je n’ai pas d’autre choix : en cas de faute ou de manquement, la Ville se doit de résilier ».

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Trois infractions reprochées

Mais Pierre Mozziconacci conteste les infractions reprochées. D’abord, la destruction de l’annexe « qui n’est pas un élément patrimonial mais un ajout technique des années 1930 (la bâtisse date du 19e siècle, ndlr). Elle n’avait même pas de fondations. Elle menaçait de s’effondrer après la destruction autorisée d’un autre élément qui a mis à jour des cuves d’eau souterraines qui ont dû exploser ».

Mathilde Chaboche considère qu’il aurait dû prévenir la Ville avant de mettre à terre l’annexe. L’hôtelier aurait « appris la déconstruction en même temps que les élus. Car c’était une décision d’urgence des architectes et du bureau d’études. Il estime que « la faute aurait été d’attendre », face au risque d’effondrement.

Il assure à de nombreuses reprises avoir fait constater par huissier et experts, « contrairement à la Ville » les éléments qu’il avance pour contredire les infractions reprochées. Notamment sur l’atteinte au patrimoine végétal : « la destruction du figuier sauvage et de la petite haie arbustive est expressément autorisée par le permis de construire ».

Enfin, au sujet de l’élargissement d’un virage dans le parc « pour permettre le passage des engins de chantier, nous l’avons fait en discussion avec la direction des parcs et jardins et le cabinet du maire était informé ». L’adjointe à l’urbanisme estime pour sa part que « rien ne l’y autorisait ».

En cas de rupture, l’hôtelier demande 45 millions d’euros

La liste des détails techniques et juridiques sur lesquels les deux parties s’estiment dans leur bon droit est longue. La justice aura la charge de les juger. Car « nous contesterons assurément tout acte de résiliation devant le juge des contrats », lance Pierre Mozziconacci.

Si c’était le cas, il solliciterait tout d’abord une indemnité de rupture du bail, puis la réparation du préjudice qui découle de cette résiliation. Il estime la réparation des frais déjà engagés à près de 2 millions d’euros. Concernant « le manque à gagner de l’exploitation normalement envisagée », il avance le chiffre de 43 millions d’euros sur la durée totale du bail.

« La Ville a l’obligation d’inscrire dans son budget les sommes engagées dans un contentieux et durant toute sa durée. Ce sera en moins pour le logement et les écoles », argue l’hôtelier. Mais pas de quoi effrayer Mathilde Chaboche, « très sereine. Nous sommes dans le respect total la justice, de la procédure, nous appliquons les dispositions du bail. Un expert désigné par la justice fixera les indemnités. On ne fait pas du calcul financier, on sauve un patrimoine public ».

Alors que des élus d’opposition actuels ont soutenu l’hôtelier lorsqu’ils étaient dans la majorité, le débat devrait être vif dans l’hémicycle municipal ce mercredi. Il se poursuivra, sans aucun doute, au tribunal.

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