Avec sa marque Capuche, la fondatrice de l’atelier d’insertion 13 A’tipik, basé à Marseille, signe sa première collection de vêtements entièrement upcyclés. Un mix élégant et urbain de valeurs sociales, économiques et environnementales.
À 15 jours de son premier grand défilé de mode, Sahouda Maallem ne cache pas son appréhension. La fondatrice de l’atelier d’insertion 13 A’tipik, devenu incontournable dans la cité phocéenne, s’apprête à franchir une étape importante dans son parcours professionnel. À 58 ans, elle signe la toute première collection de sa marque éco-responsable Capuche.
Une mise en lumière dont Sahouda n’a pas l’habitude, elle qui travaille souvent dans l’ombre pour de grandes griffes. « Là, je vais livrer mon travail, mon style, c’est un peu nouveau pour moi, mais c’était maintenant ou jamais finalement », nous confie-t-elle, à la fois émue et inquiète de l’accueil que le public fera de ses créations. Car forcément, Sahouda y a mis du cœur.
La garde-robe, un vestiaire durable (re)source de créations
Pour Sahouda, rien ne se perd, tout se transforme. C’est en 2021 qu’elle décide de lancer sa propre ligne de vêtements upcyclés, une pratique qui revient à détourner l’usage premier d’un textile. Capuche fait référence à sa toute première création. Une petite robe simple agrémentée d’une capuche. Le nom est aussi étroitement lié à ses souvenirs d’enfance. À ces journées où la petite fille qu’elle était partait à la chasse aux escargots, toujours vêtue de son imperméable jaune, la tête bien à l’abri de la pluie.
C’est en ce début d’année que la marque connaît un tournant. La seule résolution que Sahouda se fixe et entend tenir en 2022, c’est de « créer une pièce par jour ».
Sa garde-robe donne vie à ses premières réalisations uniques et stylées. D’anciennes vestes se transforment en tailleurs modernes, auxquels elle ajoute de la matière. Après son placard, la créatrice s’amuse avec les fins de rouleaux ou le stock de l’atelier, joue avec les tissus, les hauteurs, les codes et le denim qu’elle affectionne.
D’une série de pantalons neufs invendus appartenant à Vinci Autoroute, elle réalise des jupes, chemises, robes courtes, crop-top, pantalons… ou encore des ensembles pour un total-look original, toujours dans un esprit de simplicité.
La collection mêle à la fois élégance et style urbain, en faisant la part belle aux lignes épurées, structurées et minimalistes, aux surpiqûres ou aux rayures dans un souci de qualité. « C’est un peu carré, un peu comme moi, mais ça me ressemble en fait », sourit Sahouda, toujours très « perfectionniste » et « exigeante » avec elle-même.
De fil en aiguille, elle confectionne une centaine de pièces intemporelles pour femmes et hommes et entièrement upcyclées, dont une quarantaine seront visibles sur le « catwalk » le 12 mai prochain.
Marseille et la Méditerranée, une inspiration cosmopolite
Si la créatrice marseillaise puise son inspiration auprès de stylistes tels que Lutz Huelle ou bien même Chanel, ce sont Marseille et la Méditerranée qui ont été les muses de cette collection. « Je suis vraiment restée sur l’esprit de la mer avec du bleu, bleu ciel, du blanc, mais aussi du beige parce que j’aime cette couleur. Je trouve que c’est une couleur noble et ça représente aussi le sable, les rochers… ».
Les mannequins d’un soir évolueront au sein de l’atelier du 4e arrondissement libéré de ses machines à coudre et autres équipements professionnels, pour laisser place à une scénographie en cours d’élaboration. Un immense filet de pêche recyclé sera déployé sur les murs pour créer un univers marin.
Autre source d’inspiration ? Son équipe cosmopolite, à l’image de Marseille, dont les participants auront un aperçu lors du défilé avec une surprise haute en couleur. « Les valeurs de Capuche c’est l’envie de contribuer à écrire la mode de demain tout en menant un combat pour l’inclusion et la mise en valeur d’hommes et de femmes issus de différentes origines et milieux, car la diversité est pour nous synonyme de richesse ».
« Montrer qu’avec le plus petit morceau de tissu, on peut faire de belles choses »
Capuche livre une vision créative et inédite de la mode, suggérant de revoir notre consommation de vêtements « pour contrer la fast-fashion, montrer qu’avec le plus petit morceau de tissu, on peut faire de belles choses et qu’avec l’insertion on peut proposer des articles d’une grande la qualité, et un savoir-faire qu’il est inutile d’aller chercher ailleurs », souligne Sahouda.
Cette collection est ainsi l’occasion de mettre en lumière le travail réalisé au sein de 13 A’tipik dont la mission est de remobiliser et d’engager des personnes dans leurs parcours sociaux et professionnels. Récemment, la fondatrice a d’ailleurs pris à ses côtés une modéliste ukrainienne, qui a fui la guerre dans son pays.
Déconstruire, reconstruire ou l’art de la transformation
Spécialiste de la transformation, l’atelier a récemment collaboré avec une grande marque de distribution pour confectionner des kimonos à partir de parures de draps. Une tendance qui va se généraliser depuis l’entrée en vigueur de la loi Agec. Elle interdit depuis le 1er janvier 2022 aux marques de textile, linge de maison et chaussures de détruire leurs invendus.
Les producteurs, importateurs ou distributeurs de vêtements sur le marché français disposent de 3 alternatives pour gérer leur stock de produits invendus : le réemploi, notamment par le don, la réutilisation et le recyclage.
Les dispositions de la loi Agec font la part belle aux marques de mode qui adoptent des business modèles innovants visant à agir à la source en limitant la sur-production, ou encore à favoriser le réemploi ou le recyclage. Il s’agit notamment de la seconde main, de l’upcycling, de l’éco-conception… ou de la production à la demande.
Des pièces uniques, éthiques et authentiques
Les pièces uniques de Capuche seront vendues en ligne, sur un site dédié opérationnel à l’approche du défilé. Le succès de la collection pourra faire l’objet de séries limitées. « Si ça plaît, le tailleur réalisé à partir d’une veste pourrait, pourquoi pas, devenir un produit phare de la marque » ambitionne Sahouda.
La créatrice attend de nombreuses personnalités du monde de la mode, des institutionnels et des représentants de l’État le jour J. « Ça va être une petite fête », glisse-t-elle. Et dans tous les cas la grande célébration de la seconde main.