Le restaurant Le République investit les murs de l’ancien Café Parisien, place Sadi-Carnot. Entièrement réhabilité, ce nouveau restaurant gastronomique solidaire proposera des repas à 1 euro symbolique aux personnes les plus précaires, tout en accueillant une clientèle traditionnelle. Ouverture ce 1er février.
Les travaux sont presque achevés. Il y avait beaucoup à faire pour rendre à l’ancien Café Parisien son charme d’antan. À la fin du mois, ce haut lieu marseillais, situé au cœur de la cité phocéenne, va rouvrir ses portes, proposant un tout nouveau concept. Au menu, chaque jour, une grande spécialité : la solidarité.
Le République, c’est le nom de ce nouveau restaurant gastronomique solidaire et engagé, dont l’ambition est de réunir en un même lieu des clients lambda et des personnes dans le besoin. À partir du 28 janvier, des personnes touchées par les difficultés ou accidents de la vie (familles à faible revenu, public en insertion, sans domicile fixe…), pourront prendre leur petit-déjeuner, déjeuner et dîner pour 1 euro symbolique. « L’idée est de mélanger les personnes dans un même univers, les servir de la même façon, en même temps, pour la même prestation », explique le chef marseillais Sébastien Richard, porteur du projet. « L’idée principale reste de rendre la dignité aux gens ».
« Mon resto, c’est ton resto »
Suivant le credo « Mon resto, c’est ton resto », la brasserie marseillaise pourra accueillir, salle et terrasse comprises, 250 personnes par service et recevra également une clientèle traditionnelle payant ses repas au tarif classique. Outre des menus complet entre 25 et 30 euros, dans l’esprit des bouillons parisiens, des entrées à 2 euros accompagneront des plats à 8 euros, « de façon à pouvoir aussi montrer que l’on peut avoir une accessibilité assez facile à la nourriture », explique le chef de la Table privée urbaine Le Panier de Sébastien.
« On ne pouvait pas s’arrêter là »
Comme beaucoup d’autres aventures solidaires, celle-ci a vu le jour durant le premier confinement. Aux fourneaux, aux côtés d’autres chefs, Sébastien Richard a œuvré, au sein de l’association Gourméditerranée, à la préparation de repas pour les personnels soignants, puis pour les plus démunis. « On ne pouvait pas s’arrêter là ».
Si « l’idée du restaurant solidaire est arrivée très vite », trouver un espace n’a pas été une mince affaire. L’ex Café Parisien, place Sadi-Carnot, lui apparaît comme l’endroit idéal. Un espace dont il était « tombé amoureux » lorsqu’il était aux manettes du restaurant éphémère l’Inclassable, créé dans le cadre de MPG 2019, année de la gastronomie en Provence.
Les clés en poche, Sébastien Richard constitue l’association La Petite Lili, [lire encadré] dont la mission est de mettre en œuvre des démarches solidaires pour les personnes en situation d’exclusion ou de précarité. Lili, du nom de sa mère, en hommage à celle qui lui donne la force de mener à bien cette entreprise solidaire, et « qui a œuvré toute sa vie pour le bien-être des personnes », confie le chef qui ne masque pas son émotion.
Une démarche éco-responsable
Rapidement de nombreux acteurs incontournables de la gastronomie phocéenne et d’ailleurs viennent grossir les rangs de l’association, parmi lesquels, Gérald Passedat, Nadia Sammut, Alexandre Mazzia, Glenn Viel, Dominique Frérard, Michel Portos… « pour porter d’une voix plus forte cette ambition ». Ils livreront quelques-unes des recettes inscrites à la carte. Elle mettra à l’honneur une cuisine aux forts accents méditerranéens « de façon à montrer également qu’il y a un savoir-faire ». Et des spécialités culinaires marseillaises concoctées avec des produits frais et en grande majorité issus du terroir local. Engagé dans une démarche responsable, Le République devrait également être labellisé « Ecotable ».
En cuisine, un chef cuisiner et un chef pâtissier, encadreront une brigade de 22 personnes, dont 12 en insertion, l’établissement ayant obtenu la certification « entreprise d’insertion ». En salle, une attention particulière sera apportée au service, grâce à l’accompagnement de maîtres d’hôtel expérimentés. Le tout au sein d’une architecture intérieure, d’inspiration contemporaine et de l’époque Renaissance, unique, contribuant pleinement au déploiement de l’expérience.
Conserver l’esprit de l’ancien Café Parisien
Le lieu a connu une entière réhabilitation. Le célèbre architecte Rudy Ricciotti qui, dès l’origine, s’est intéressé au projet, a proposé ses services, en qualité de mécène. Toutefois, les deux architectes aux manettes du projet sont Jonathan Cacchia et Florentin Godeau.
Pour conserver l’esprit de l’ancien Café Parisien, dont l’architecture intérieure n’est pas classée, le parti pris, est de « remettre au goût du jour ce lieu magnifique bien connu des Marseillais. Sur la salle principale, on ne touche à rien, on va simplement remettre les couleurs d’origine. Remettre à l’identique par rapport aux photos que l’on peut avoir et aux histoires qu’on nous raconte. On fait extrêmement attention à la démolition. On garde jusqu’aux vis dans certaines parties pour éviter d’avoir des déchets… » Dans le cadre d’une démarche éco-responsable, une attention particulière est également portée sur les matériaux utilisés.
Epicerie solidaire, food-trucks… Le République hors les murs
Mais Le République n’a pas pour unique vocation la restauration. Différentes actions autour d’une alimentation durable et solidaire devraient être déployées dans la cité phocéenne, dans les prochains mois. D’une capacité de 1 200 m², l’espace devrait abriter un atelier de transformation des invendus ainsi qu’une épicerie solidaire. « On reçoit, on stocke, on redistribue », explique Sébastien Richard.
Tous les invendus journaliers serviront à la confection de repas à destination des maraudes qui tournent auprès des sans-abri de la cité phocéenne. Une proposition de menus à prix réduits pour les étudiants et autres jeunes publics est aussi à l’étude.
Dans un autre temps, un ou deux food-truck circuleront « de manière à proposer dans les différents quartiers, notamment les plus excentrés de la ville, des plats emblématiques du République» , poursuit le chef.
Un travail mené en étroite collaboration avec les associations et structures sociales, partenaires de l’établissement. C’est d’ailleurs sur ces dernières que s’appuie le restaurant pour éviter les attitudes d’opportunisme durant les services. « Notre rôle, ce n’est pas de faire la police. Nous travaillons également avec le préfet à l’égalité des chances, pour créer un cahier des charges de façon à éviter de potentiels débordements, et le fait que certains voudront payer 1 euro, alors qu’ils ont la capacité de payer un peu plus », poursuit Sébastien Richard.
Un modèle économique mixte
Le modèle économique de l’établissement repose, d’une part, sur les gains du restaurant (ils estiment que la moitié de la clientèle se restaurera au tarif normal). Ces revenus sont complétés par le mécénat d’entreprises, des dons privés et l’adhésion à l’association à La Petite Lili, fixée à 10 euros. « Une somme qui va en intégralité aux repas fournis aux bénéficiaires. Les 10 euros viennent ainsi compléter les 1 euro pour atteindre les 9-10 euros du coût de production que nous avons évalué ».
En tant qu’association de lutte contre la pauvreté, La Petite Lili a reçu une subvention dans le cadre du Plan de relance et attend le concours des pouvoirs publics qui ont manifesté leur intérêt pour le projet.
Autre source de financement : la privatisation ponctuelle du République pour des particuliers et entreprises ou l’accueil d’autres prestations (conférences, rencontres…) contribuant à l’équilibre financier de la structure.
LE RÉPUBLIQUE EN CHIFFRES
1 € par menu pour les bénéficiaires d’aides alimentaires
12 emplois en insertion
40 chefs et cheffes de France et d’ailleurs
200 bénévoles
200 places assises – 250 avec la terrasse
1 200 mètres carrés destinés à la solidarité