Au travers de son concept store dédié au street art et au graffiti, Julien Cassar participe à la promotion de cet art emblématique de Marseille. Il s’est livré à Made in Marseille sur sa vision du street art et sur l’évolution des mentalités face à cet art de plus en plus présent à Marseille.
Bien qu’il ait grandi vers le Cours Julien, quartier de Marseille où le street art s’étale partout sur les murs, Julien Cassar n’a pas baigné dans cet univers dès son enfance. Lui était plus dans la sculpture de poisson, un hobby qu’il affectionne toujours aujourd’hui, et les activités manuelles. C’est plusieurs années plus tard et après avoir passé quelque temps à l’étranger qu’il s’oriente vers le graffiti et l’art urbain plus globalement.
À son retour à Marseille, il ouvre le premier concept store du quartier du Panier. Baptisé « UndARTground », il y propose affiches et tee-shirts en série limitée réalisés avec les artistes marseillais. Une vraie caverne d’Ali Baba où l’on trouve aussi des produits originaux axés sur la culture graffiti, skate, hip hop et underground et qui met à l’honneur la création marseillaise.
Made in Marseille – Bonjour Julien. Le street art est une discipline très répandue à Marseille, presque une religion dans certains quartiers comme le Cours Julien, pouvez nous raconter comment cet art a débarqué dans la ville ?
Julien Cassar – Le street art a commencé dans les années 1980 et s’est vraiment installé à Marseille au cours des années 1990 au Cours Julien car c’est là-bas que le côté underground à Marseille a été précurseur avec des artistes comme Seek 313 par exemple. À cette époque, on faisait du street art pour l’adrénaline et pour autre chose que le côté commercial car il n’avait pas du tout la renommée qu’on lui connaît actuellement.
MIM – Aujourd’hui, on trouve des œuvres principalement au Cours Julien, dans le quartier du Panier ou à la Friche la Belle de Mai. Qu’est-ce que Marseille aurait à gagner à mettre davantage en avant le street art dans l’ensemble de la ville ?
JC – Cela créerait un vrai dynamisme pour la ville d’un point de vue économique et pour le « nouveau tourisme », celui qui vise les personnes de 20 à 50 ans. D’autant plus que c’est un phénomène tout nouveau pour le grand public en France et Marseille pourrait être un vrai précurseur. C’est pour ça qu’il faut le développer maintenant pour ne pas rater le wagon ou pour ne pas suivre un mouvement.
MIM – Des villes, en France ou dans le monde, l’ont-elles déjà fait ?
JC – Oui à Miami dans le quartier de Wynwood. Avant c’était un quartier désaffecté jusqu’au jour où un millionnaire l’a racheté et a demandé à plein d’artistes de le repeindre. Aujourd’hui, c’est devenu le coin le plus huppé de Miami ! On pourrait essayer de donner la même envergure à Marseille en demandant à des artistes locaux de repeindre les quartiers nord par exemple. C’est une idée un peu folle mais ça changerait la physionomie de la ville.
MIM – Revenons à Marseille. Le street art a fait son apparition récemment de façon légale sur les murs de la L2 et l’Office de Tourisme propose même des parcours pour découvrir le street art dans la ville avec un guide officiel. Une façon de mettre en avant cet art alors qu’il est officiellement illégal…
JC – Même si les lois n’ont pas changé sur les interdictions, le street art est toléré. La mairie est pour ce que l’on fait car elle voit ce que l’on apporte ! De notre côté, on voudrait avoir des autorisations et un peu plus de laisser aller surtout au niveau de l’urbanisme et de l’ABF (Architecte des Bâtiments de France ndlr) pour réaliser des fresques légalement. D’autant plus qu’on se rend compte qu’il y a vraiment un public qui se déplace pour aller voir du graffiti dans les quartiers et donc que c’est un point touristique qui fait marcher l’économie d’une ville.
MIM – Avez-vous justement l’impression que les mentalités évoluent, que le street art est plus apprécié aujourd’hui à Marseille ?
JC – Les gens se rendent compte que le street art ne fait pas plus de mal que cela, que ce n’est pas si méchant ou nocif. Je trouve qu’il y a plein de personnes âgées qui se baladent dans les rues à la recherche du street art et du graffiti ! Mais ce n’est pas une généralité. On est encore entre deux générations avec l’une qui ne veut pas que les choses changent et une autre qui voit que tout change à vitesse grand V.
MIM – Existe-t-il des spécificités marseillaises dans le street art ?
JC – Ce ne sont pas des spécificités mais plus un style du sud je dirais, au niveau des couleurs utilisées et du soleil qui influence les artistes. Mais le problème à Marseille c’est qu’il manque de grosses têtes d’affiche pour tirer le street art vers le devant de la scène. Beaucoup sont parties comme Jaw ou Gris1 car elles ont été sollicitées dans des endroits où il y a plus de dynamisme comme à Paris ou à l’étranger.
MIM – Qu’est-ce que Paris a de plus que Marseille en termes de dynamisme pour le street art ?
JC – Toutes les grandes galeries et les médias sont centralisés à Paris donc dès qu’on parle du mouvement street art, ce sont les artistes parisiens qui sont mis en avant. Du coup c’est plus dur de percer quand on vient de Province, que ce soit de Marseille ou d’autres villes de France. Mais d’un autre côté, puisque tout le monde va à Paris pour essayer de sortir du lot, il y a aussi beaucoup de concurrence là-bas.
MIM – Cette réalité du « tout se passe dans la capitale » est-elle en train de changer ?
JC – Maintenant, la presse régionale commence aussi à parler du street art dans le bon sens alors qu’avant c’était juste pour évoquer les répressions contre le graffiti. Aujourd’hui, c’est en train de rentrer dans les mœurs et on commence à voir des photos dans la presse, comme par exemple lors des derniers attentats avec les images des hommages faits par les artistes.
MIM – Les « répressions contre le graffiti » sont encore toujours d’actualité comme en témoigne la trentaine de graffitis qui ont été effacés au Panier il y a quelques semaines…
JC – C’est une histoire qui a fait beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Un élu a voulu faire effacer des tags sur les murs du Panier et les grilles de la Place du Refuge. Je pense que ça a été une erreur de la mairie, mais c’est un mal pour un bien car du coup ça nous permet d’organiser un événement avec les enfants du quartier. Avec eux, on va repeindre les grilles de la place du Refuge une après-midi du mois d’avril.
MIM – Ce côté éphémère des œuvres, qui peuvent être effacées ou recouvertes, n’est pas frustrant lorsque l’on est artiste ?
JC – Si c’est le cas, on fait de la toile et on garde ses tableaux à la maison ! La rue c’est la rue, ça appartient à la rue, si demain c’est recouvert ou si le temps l’use et l’abîme c’est comme ça. Et c’est ce qui fait le charme du street art selon moi.
Informations pratiques
UndARTground
21 rue des Repenties, 13002 Marseille
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 11h à 19h
Par Agathe Perrier