À mi-chemin entre la gare Saint-Charles et la Friche, la « Grande Maison » accueille progressivement 38 personnes sans-abri. Ce projet pilote, soutenu par plusieurs associations, illustre une nouvelle approche de l’hébergement d’urgence.
Derrière la gare Saint-Charles, au croisement de la rue Guibal et de la rue Cavaignac (3e), la caserne du Muy regarde la « grande maison » : un bâtiment de 855 m2 qui logeait autrefois les familles de militaires appelés à Marseille.
Récupéré par la Ville il y a des années, ce patrimoine a été laissé à l’abandon, squatté, puis « confié à une structure de gestion immobilière qui le sous-louait à des personnes en difficulté dans des conditions très contestables », retrace Audrey Garino (PC), adjointe chargée de la lutte contre la pauvreté.
La municipalité et le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Marseille ont donc choisi de rénover le bâtiment pour 700 000 euros afin d’y reloger dignement ses 14 locataires. Après huit mois de travaux, la « grande maison », comme l’ont baptisé les habitants, est enfin prête à accueillir 38 sans-abri dans de bonnes conditions.
Des conditions d’accueil dignes
L’entrée s’ouvre désormais sur un grand séjour, repeint en blanc, lumineux, avec une cuisine équipée, un salon et une table à manger. Les jeux pour enfants, empilés en bas de l’escalier, apportent de la vie.
Le long du couloir, une dizaine de paillassons en enfilade attendent patiemment devant les chambres de 10 m2. Chacune contient le nécessaire : un lit, une armoire, une télévision, et un point d’eau pour plus d’intimité que dans les douches communes.
Pour créer du lien entre les habitants, Alieu Jalloh organise des barbecues et des sorties plages. Arrivé en France en 2017, le réfugié et militant, met en place des solutions simples pour répondre aux besoins immédiats des demandeurs d’asile, notamment en matière de logement.
À l’extérieur, une guinguette aménagée sous une grande pergola en bois fait face à la fresque de Mahn Kloix représentant l’exil. L’artiste engagé avait déjà décoré l’ancien bâtiment du projet Saint-Bazile, premier squat autogéré à deux pas de la Canebière et légalisé en centre d’accueil de 40 demandeurs d’asile.
Un projet multi-acteurs pour faire référence
C’est d’ailleurs la réussite du projet temporaire de Saint-Bazile « qui a permis de créer la confiance de l’État pour faire de l’hébergement d’urgence ici », reprend Cécile Suffren, directrice de l’association Habitat alternatif social (HAS).
À l’époque, la maire de secteur Sophie Camard (GRS) avait affiché son soutien aux côtés du préfet à l’égalité des chances, Laurent Carrié. « Une vraie volonté politique », insiste Jean-Régis Rooijackers, coordinateur de l’association Justice et Union pour la Transformation (JUST) qui a occupé tout le deuxième étage de la Grande maison avant de structurer le projet.
Depuis, le Centre communal d’action sociale (CCAS) de Marseille, premier CCAS de France à porter un projet d’hébergement d’urgence, collabore au quotidien avec HAS, JUST, l’Association des usagers de la Pada (AUP) et la régie de quartier de Noailles dont le président, Pierre Albouy, est aussi un militant pour le droit d’asile.
Ouvrir 1 000 places d’hébergement d’urgence
En parallèle de ce site, le projet comprend un second bâtiment de 17 places qui a ouvert dans le centre-ville, rue Nau (6e), en partenariat avec l’Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille (AP-HM).
Au total, les 55 places de ce projet comptent parmi les 450 places d’hébergement d’urgence créées au sein de 12 bâtiments municipaux depuis 2020.
Mais la Ville est encore loin d’atteindre ses engagements pris pendant les Assises du logement en 2022. « Nous avons effectivement l’intention de créer 1 000 places d’hébergement supplémentaires mais nous n’avons pas fixé d’échéance à l’année 2025 », concède Audrey Garino.
En 2023, Marseille a enregistré 95 000 appels auprès du 115 pour des demandes d’hébergement alors qu’elle n’a qu’une capacité de 5 500 places : 2 150 en hébergement d’urgence, 1 350 en hébergement d’insertion et 2 000 places à l’hôtel. Le chemin reste encore long pour des besoins grandissants.