À la Capelette, Henry Blanc torréfie chaque année près de 900 tonnes de café, perpétuant un savoir-faire familial depuis cinq générations. Depuis dix ans, Jean-Luc Blanc défend son indépendance malgré un marché mondial du café de plus en plus corsé. Reportage.

Les essences de café grillé flottent sur le boulevard Saint-Jean, dans le quartier de la Capelette. Ce fumet si particulier émane de l’entreprise familiale Henry Blanc, plus grand torréfacteur de Marseille encore en activité, qui vend entre 800 et 900 tonnes de café par an dans la région.

À l’intérieur, de gros sacs en toile de jute sont empilés aux quatre coins de l’entrepôt. On peut y lire la provenance du café, deuxième produit le plus consommé au monde, cultivé dans des pays situés le long de la ceinture équatoriale, aux températures chaudes et humides : du Brésil à l’Éthiopie en passant par le Vietnam, pour ne citer qu’eux.

Le torréfacteur reçoit ces kilos de café vert, qu’il nettoie, pour ensuite le griller à 223 degrés. « On le chauffe pour obtenir une couleur marron, dite robe de moine », affirme un ouvrier en glissant ses doigts entre les grains chauds. « On est un industriel mais le processus de fabrication reste et restera artisanal », insiste Jean-Luc Blanc, qui a repris les manettes de l’entreprise il y a dix ans, à la mort de son père Henry.

Henry Blanc, Henry Blanc, la saga familiale du plus grand torréfacteur de Marseille, Made in Marseille
Une machine de torréfaction du café.

Une passion du café de père en fils

L’amour de la caféine coule dans les veines de la famille Blanc depuis cinq générations. Il y a d’abord eu Marius et Paul, père et fils, qui étaient négociants de café à la fin du XIXe siècle quand les bateaux déchargeaient encore les marchandises entre le Vieux-Port et la Joliette.

Le binôme avait ouvert la torréfaction « Bonne Maman » près de la gare Saint-Charles, dont la photo trône à l’entrée de l’usine. À côté, les portraits plus modernes d’Henry Blanc sont affichés comme des reliques, rappelant le charisme et la vision du patriarche encore adulé.

Car il s’était émancipé de l’entreprise familiale, après s’être marié avec Michèle, rencontrée à l’Olympique de Marseille quand lui jouait semi-professionnel dans l’équipe de réserve et qu’elle était secrétaire du club. Ensemble, ils ont redémarré l’activité de zéro en 1978, en rachetant les cafés Edorado, pour livrer les cafés, hôtels et restaurants en camionnette.

« Ils ont eu l’idée révolutionnaire de maîtriser tous les maillons de la chaîne du café… de l’achat à la torréfaction, jusqu’à la livraison des machines », raconte Jean-Luc, empreint d’admiration.

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Jean-Luc Blanc déguste son café au bar de l’usine.

La torréfaction Noailles entre dans le jeu

L’omniprésence de l’entreprise avec ses clients lui a permis de résister, selon le patron. « On était 200 torréfacteurs quand mon père a commencé. Tous nos concurrents se sont fait racheter par de gros groupes. Les Cafés Perrin par l’italien Lavazza et les Cafés Oasis par le belge Malongo… et la liste est longue ».

C’est d’ailleurs pour rester proche de ses clients que la famille n’a jamais souhaité étendre son périmètre en dehors du Sud-Est. Henry Blanc a aussi voulu se rapprocher du grand public en rachetant la torréfaction Noailles en 1988.

Aujourd’hui, les boutiques Noailles représentent 12% des 25 millions d’euros chiffre d’affaires de l’entreprise. Mais le concept dédié à la culture du café, avec son grand bar de dégustation, permet d’exposer le savoir-faire du torréfacteur notamment des capsules. « On a été les premiers à inventer la capsule enrobée de papier en 1995 », assure le patron.

En 2014, Henry Blanc a sorti ses dosettes quand le brevet de Nespresso est tombé dans le domaine public. L’entreprise est même allée jusqu’à parodier les publicités de Georges Clooney avec l’humoriste marseillais Titoff et le nageur Florent Manaudou pour faire le buzz autour du produit.

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La fabrication de capsules.

Un marché du café de plus en plus corsé

Henry Blanc reste toutefois tributaire d’un marché fluctuant du café ces cinq dernières années. Les aléas climatiques, la hausse des prix du transport maritime, la spéculation et une demande mondiale soutenue ont fait plus que doubler les cours du café, coté en Bourse depuis 1882.

« Le café devient un produit de luxe », regrette Jean-Luc Blanc qui essaye, tant bien que mal, de ne pas reporter la totalité de l’inflation sur ses clients. « Alors on grignote les marges », concède le Marseillais de 61 ans qui songe à sa succession.

Mais pas question de vendre à un grand groupe. « J’aurais l’impression de tuer une deuxième fois mon père », lâche le dirigeant qui espère transmettre le flambeau à l’un de ses fils, Louis et Paul-Henry, âgés de seulement 21 ans. Jean-Luc Blanc devrait encore avoir du grain à moudre pour quelque temps.

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