Depuis plus de 350 ans, les habitants peuvent confier leurs objets de valeur contre un prêt au Crédit municipal de Marseille. Un système « social » que le nouveau directeur souhaite développer et moderniser.
Le bâtiment du Crédit Municipal de Marseille ne paye pas de mine. Son architecture de 1972 dévoile un grand cube gris de 7000 m2 sans éclat entre la rue Saint-Bazile et la rue Villeneuve (1er). Une dizaine de personnes attendent à l’entrée pour échanger une bague, une montre, des bouteilles de vin ou un tableau, contre un prêt.
Une fois échangés, leurs biens sont conservés dans une « caverne d’Alibaba » dont personne ne connaît l’adresse. « Son emplacement est le secret le mieux gardé de Marseille », aime souligner le directeur général, Benoît de Rosamel. Le griffon du logo rappelle d’ailleurs la vocation protectrice de l’institution.
Cette banque pas comme les autres, fondée en 1673 par une assemblée de commerçants à Marseille, est le deuxième « Mont de Piété » de France, ancienne dénomination italienne. Dans l’hexagone, le premier a vu le jour en 1610 à Avignon. C’est depuis cette ancienne terre pontificale que, deux ans plus tard, le pape a légalisé le système du prêt sur gage.
L’établissement marseillais a ensuite traversé les siècles, vu la peste décimer la ville, puis se succéder les deux guerres mondiales. C’est notamment depuis 1945 que le recours au Crédit municipal a baissé avec l’avènement des grandes banques et des crédits à la consommation.
Redynamiser cet outil municipal
Au fil des années, l’outil municipal est cependant devenu poussiéreux avec une migration numérique lente et des locaux vieillissants. D’autant que les enjeux de sécurité des biens et de la cybersécurité des données, renforcés depuis la guerre en Ukraine, ont changé la donne.
C’est pour « réveiller cette institution en sommeil » que la Ville de Marseille a recruté le nouveau directeur, Benoît de Rosamel, après 30 ans de carrière en banques d’affaires entre Paris et Marseille. Le banquier entend finir son parcours professionnel au service de ce qu’il considère comme « très bel outil d’aide sociale ».
« Je veux faire en sorte que tout le monde vienne nous voir sans appréhension », affirme ce dernier en s’installant à son bureau. Ses murs sont ornés de tableaux de Joseph Garibaldi, illustre artiste du XXe siècle, qui dormaient dans une « salle obscure » que personne ne visitait.
Avec ses 16 000 clients actifs, dont une base de 50 000 clients, le directeur estime pouvoir doubler le nombre de clients exclus des emprunts bancaires. « Le Crédit municipal, c’est la banque des travailleurs pauvres », confie-t-il. Ceux qui enchaînent les contrats précaires, des retraités, ou ceux qui rencontrent des malheurs de la vie comme une maladie ou le chômage, et qui ont besoin d’un prêt rapidement.
95% des clients sont des femmes
Parmi ces clients, 95% sont des femmes majoritairement Marseillaises (85%) voire des Bouches-du-Rhône (15%). « Ce sont elles qui tiennent les ménages et qui payent les factures », explique le directeur qui témoigne que beaucoup vivent en situation de monoparentalité.
Certains hommes pourraient avoir honte de toquer à la porte de l’institution. « Mais il faut arrêter de culpabiliser. C’est simplement un mode de crédit différent avec des taux très attractifs », revendique le banquier.
Cette mauvaise image pourrait aussi venir des représentations des prêteurs sur gage roublards dans les films américains, où les personnes pauvres échangent des biens de valeur contre des taux allant jusqu’à 30 à 40%.
Reverser une partie des recettes aux actions sociales
Les recettes des taux d’intérêts, ou des ventes aux enchères lorsque les biens sont abandonnés, sont en partie reversées au Centre communal d’action sociale (CCAS) de Marseille pour aider des projets sociaux comme la Grande Maison pour 38 sans-abris dans le 3e arrondissement.
Mais Benoît de Rosamel souhaite désormais aller plus loin en tissant des partenariats avec des associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Une partie des taux d’intérêts remboursés par des femmes pourraient donc être reversés à d’autres femmes.
Sur sa nouvelle lancée, le Crédit municipal de Marseille renoue avec les traditionnelles ventes aux enchères hors les murs. Ce 5 décembre, une « vente de prestige » se déroulera à partir de 14 heures dans l’enceinte du château Borély. Les 322 lots proviennent des clients qui n’ont pas pu rembourser leurs dettes (voir photos).
« Si on parvient à vendre leur objet plus cher que leur valeur initiale, on leur rendra les bénéfices », assure le directeur des ventes, Frédéric Pin. En espérant que les acheteurs soient dépensiers.