Dans les quartiers Nord de Marseille, la famille Ricard a cédé son château à l’association Sourire à la vie afin de créer un havre de vie dédié aux enfants atteints de cancer. Activités en tous genres, villas pour les familles… le Château des sourires ouvre en novembre.
C’est un château somptueux qui domine un parc de cinq hectares dans les quartiers Nord de Marseille. Celui de la famille Ricard. Cette ancienne demeure du créateur du célèbre apéritif anisé a été construite vers 1850 dans le style néo-classique. Elle appartient aujourd’hui à l’association Sourire à la vie. Ou plutôt aux enfants malades qu’elle accompagne.
La mission de cette structure, née il y a 20 ans, est aussi sensible que folle : sortir les minots atteints de cancer de l’hôpital « coûte que coûte, pour vivre des aventures. Pour vivre », insiste Frédéric Sotteau, son fondateur et directeur.
Et il n’y va pas avec le dos de la cuillère. Traverser les archipels de Polynésie à la pagaie en pirogue : « c’est possible ». Des expéditions polaires à chiens de traineaux en Laponie en totale autonomie durant 10 jours sans eau courante, électricité ni chauffage : « c’est possible ».
Marion, atteinte d’un lymphome à l’époque, se souvient émue « casser la glace sur le lac le matin pour pouvoir boire. On faisait tout nous-même » explique-t-elle, insistant sur « la solidarité » développée durant l’aventure.
Le Château Ricard devient le Château des sourires
Malgré l’état de santé parfois critique des enfants, la structure s’accompagne de personnels soignants, médicalise les aventures. Frédéric décrit ces sorties en voilier « avec des pompes a morphine ». Selon lui, « un enfant n’est jamais plus heureux, éveillé et vivant que dans la nature. Il lui faut une demi-seconde pour se sentir chez lui. C’est sa vraie maison ».
Autant dire que pour lui, le milieu hospitalier est loin du compte. C’est pour cela que l’association a créé le Phare des sourires, au bord de l’eau, à l’Estaque. Un lieu permettant aux enfants malades et à leurs familles de sortir de l’hôpital, pour vivre des expériences fortes, tout en profitant des soins médicaux et paramédicaux.
« Mais on était à l’étroit, retrace Frédéric Sotteau. Avec une capacité de 19 lits, alors qu’on a en permanence 25 enfants qui voudraient en profiter, et nos projets d’extension n’ont pas abouti ». Alors quand la famille Ricard lui a proposé d’offrir le château familial, il a n’a pas boudé, malgré « la démesure pour notre petite asso ».
Une levée de fonds* a permis de réunir plus de 4 millions d’euros pour réaménager le domaine, dont Sourire à la vie est devenue propriétaire pour 50 ans avec un bail emphytéotique. Il s’appelle aujourd’hui « le Château des sourires ». Un havre de vie et de nature médicalisé, aux airs de colonie de vacances, qui ouvrira ses portes aux vacances de la Toussaint.
1000 m2 aménagés pour les enfants
En 18 mois, l’association a rénové la majorité des 1 000 m2 de bâti pour en faire un établissement recevant du public de type U, au même titre qu’un hôpital de jour. Aux étages du château, les chambres des enfants dominent le parc, son bassin et les jardins. Au milieu, un centre de soins où officie en permanence la pédiatre spécialisée en oncologie, Blandine Vallentin.
Son rôle : « faire des soins sans qu’ils s’en rendent compte », entre deux activités sportives, culturelles ou en nature. « Parfois, à l’Estaque, ils me demandent à la fin de journée ce que je fais comme métier. Pourtant, c’est un véritable centre de soins. Hors les traitements aigus (chimiothérapie, transfusion, greffes…), on peut faire la majorité des soins d’un hôpital ici ».
Avec un petit truc en plus. « Ils sont en groupes, avec des copains, leurs familles, leurs frères et sœurs. Au-delà de l’impact sur le moral, ça débloque beaucoup de situations de soins difficiles. Les prises des sang, de comprimés… Ils s’entraident, se donnent du courage. Et au final, ça a un impact sur la qualité du traitement ».
Sans oublier la nutrition, « primordiale mais complexe en oncologie pédiatrique ». Au Château des Sourires, dans une cuisine professionnelle flambant neuve, la Cheffe Amel « fera des plats incroyables et adaptés à la santé des enfants. Ça les change de l’hôpital », se réjouit Frédéric Sotteau.
Des villas pour vivre en famille
Le directeur poursuit la visite en remontant l’immense parc arboré, truffé de zones de repos et d’activités. On y trouve aussi les appartements aménagés dans des villas surplombant le domaine. « Ils permettent d’accueillir les familles et leurs enfants lorsqu’ils viennent de loin suivre des traitements à la Timone ».
Sur les hauteurs, une grande bâtisse tout confort, dont la large terrasse donne sur une bambouseraie dédiée aux balades apaisées et intimes. Sa vocation est plus difficile à aborder : « le palliatif ». Pourtant, l’association n’y coupe pas. Au contraire : « on met 10 fois plus d’énergie et de moyens pour faire vivre à ces enfants des moments exceptionnels qui marquent leur existence ».
La « villa Éloïse », en hommage à une de ces petites qui a marqué la mémoire de l’association, accueillera ainsi les familles, amis pour vivre ensemble ces moments hors d’un cadre hospitalier contraignant. Et avec l’accompagnement de l’association « très digne et très fort pour traverser ces moments, dire au revoir », témoigne Marie. Elle a planté un arbre dans le parc, en mémoire de son fils. Parmi 180 autres.
Vers la création d’un véritable hôpital derrière le château
C’est le dernier projet fou de l’association. Créer un véritable hôpital de 15 lits sur le domaine, dans une immense dépendance derrière le château. « Un établissement pour les soins médicaux et de réadaptation (SMR) spécialisé en cancérologie », explique Norbert Nabet, président de l’association et ancien directeur de l’Agence régionale de santé.
« On pourra y prodiguer des soins de suite. Après des phases de traitement aigu. De la rééducation à la cicatrisation jusqu’à l’hématologie, la nutrition... », décrit l’expert en santé.
Un véritable parcours du combattant administratif laisse espérer la validation de ce projet par les autorités dans les prochains mois. En attendant, le Château des sourires accueillera ses premiers enfants sur le domaine dès les vacances de la Toussaint.
ABCFAO, partenaire majoritaire avec 2,5 millions d’euros. Mais aussi la Fondation des Hôpitaux, Fondation CNP Assuranc, AG2R la mondiale, Région Sud, Département des Bouches-du-Rhône…