La loi Le Meur, adoptée en 2024, vise à favoriser la location longue durée dans les villes touchées par la « airbnbisation ». Les règles changent pour les propriétaires. Maxime Thiraux-Mullie, avocat en droit immobilier, décrypte pour nous les conséquences.

Adoptée en novembre 2024, la loi Le Meur, dite « anti-Airbnb », a secoué le monde de l’immobilier en imposant de nouvelles règles pour les meublés touristiques en France. Objectif affiché : rééquilibrer le marché au profit des locations longue durée, et donc des habitants, dans un contexte de crise du logement.

À Marseille, la multiplication des locations Airbnb dans le centre-ville est au cœur des débats depuis plusieurs années déjà et les pratiques abusives sont dans le viseur de la municipalité : assignation en justice des propriétaires hors-la-loi, chasse aux boîtes à clés dans l’espace public, limitation à 90 jours de la location des résidence principales…

Face au durcissement des règles, les propriétaires qui avaient misé sur la location saisonnière pour dégager des revenus sont contraints de s’adapter. Nous avons interrogé Maxime Thiraux-Mullie, avocat en droit commercial et droit immobilier, pour tenter de décrypter les conséquences de cette loi et ses répercussions à Marseille.


Made in Marseille : Comment la loi Le Meur a-t-elle été accueillie par les propriétaires ?

Maxime Thiraux-Mullie : Elle a été un coup de tonnerre pour les propriétaires car elle a touché à beaucoup d’aspects de la location et elle restreint fortement les possibilités de louer un meublé de tourisme. Il y a de nouvelles règles qui peuvent être très rédhibitoires, voire même empêcher la location.

Est-ce que la réforme fiscale fait partie des mesures dissuasives ?

Les revenus annuels tirés de la location des meublés classés sont désormais limités à 77 700 euros, contre 188 700 euros auparavant, et l’abattement a été réduit de 71% à 50 %. Quant aux meublés non classés, la limite de revenus est désormais de 15 000 euros, au lieu de 77 700 euros, et l’abattement est passé de 50 à 30%.

Ces évolutions n’empêchent pas la location mais ça professionnalise la démarche. Aujourd’hui, quand on est un particulier, c’est moins intéressant d’avoir un bien dédié à de la location courte durée.

Quelles sont les règles qui peuvent être « rédhibitoires » ?

Désormais, tous les logements proposés nouvellement à la location en meublé de tourisme devront attester d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé au moins F en 2025, puis E en 2028 et D à partir de 2034, alors qu’avant ce n’était obligatoire que pour les locations longue durée.

C’est une évolution qui se justifie car on vise à avoir des logements plus écologiques et c’était un non-sens de ne pas avoir les mêmes normes pour les meublés de tourisme.

Mais la contrepartie, c’est que ça freine les investissements. Quand vous êtes dans un immeuble en copropriété, vous pouvez être restreint. Vous n’allez pas pouvoir améliorer le DPE comme vous voulez. Il faut noter également que, jusqu’à présent, les acquéreurs cherchaient plutôt à louer des appartements « atypiques » dans les hypercentres. Or, c’est là que les DPE sont les plus mauvais.

Les compétences ont également été élargies pour les maires qui souhaitent mieux réguler les locations touristiques. Quels sont leurs pouvoirs ?

Tout d’abord, la loi Le Meur généralise la déclaration obligatoire en mairie afin de faciliter le contrôle du respect de la réglementation par les loueurs, comme la conformité du DPE.

Les communes peuvent aussi limiter à 90 jours par an la durée maximum pendant laquelle les résidences principales peuvent être louées à des touristes, contre 120 jours jusqu’à présent. C’est la mesure qui a été prise à Marseille mais beaucoup d’autres villes ont fait ce choix. Ça réduit forcément la rentabilité.

La municipalité marseillaise a également instauré une obligation de compensation des résidences secondaires, dès la première, en imposant de mettre sur le marché un logement de même surface dédié à la location longue durée. Acheter un deuxième bien pour la location, ça a un coût. Cette mesure freine considérablement l’investissement.

À Marseille, ces mesures sont-elles malgré tout de nature à permettre un rééquilibrage ?

La location de courte durée est aujourd’hui concentrée à Marseille dans quelques quartiers, à proximité de la gare Saint-Charles et des transports en commun. Le Panier, par exemple, souffre d’une forte Airbnbisation. Il faut lutter contre ce risque d’aseptisation des centre-villes et veiller à ce qu’ils ne deviennent pas des grands « Club Med » avec les habitants qui seraient repoussés en périphérie.

En revanche, il y a beaucoup moins de meublés de tourisme au sud de la ville, dans le 8e et le 9e, ou dans les quartiers Nord et les quartiers Est. Il pourrait être judicieux de limiter le durcissement des règles aux secteurs les plus tendus. Actuellement, la loi Le Meur emporte tout avec elle, un peu comme un chalutier dans l’océan avec son filet.

loi, Interview | « La loi anti-Airbnb a été un coup de tonnerre pour les propriétaires », Made in Marseille

Les copropriétés ont également leur mot à dire dans le cadre de la nouvelle loi. Qu’est-ce que cela signifie ?

Les propriétaires qui décident de transformer leur logement en meublé de tourisme doivent désormais en informer le syndic. Et les règlements de copropriété vont pouvoir être modifiés avec un vote aux deux-tiers pour interdire complètement la location d’appartements en meublé de tourisme.

Cette liberté laissée aux copropriétés, c’est une des contraintes les plus importantes. J’ai le cas d’un client qui a acheté un studio dans le centre d’Aix-en-Provence pour avoir un complément financier. Durant l’année, il louait à des étudiants et l’été il mettait son bien en location Airbnb. La démarche était bonne car elle évitait aux étudiants de louer pendant l’été et ils retrouvaient leur logement à la rentrée.

Mais la copropriété vient d’interdire les locations de moins d’une semaine pour éviter qu’il y ait trop de roulement. Or, quand on a un studio à Aix, c’est très rare de louer plus d’une semaine. Son projet Airbnb tombe à l’eau. C’est préjudiciable à la fois pour les étudiants qui ne vont pas pouvoir conserver leur appartement d’une année sur l’autre et c’est préjudiciable pour lui qui risque de voir son logement rester vide pendant l’été.

Il y a également des copropriétés qui interdisent les boîtes à clés dans les parties communes, ce qui est normal. Mais elles sont également interdites dans l’espace public. Ce qui est normal aussi. Sauf qu’aujourd’hui c’est rare qu’un propriétaire ou un concierge remette les clés. On va peut-être revenir vers plus de conciergerie, ce qui n’est pas plus mal. C’est un retour aux origines d’Airbnb.

Les investisseurs vont-ils au final se tourner à nouveau vers la location longue durée ?

Cette loi va favoriser dans une certaine mesure la location longue durée mais, en réalité, ceux qui se sont mis à faire du Airbnb souhaitent rarement revenir en arrière. Il y a une peur de plus en plus grande des impayés et des squats car les locataires sont très protégés par la loi.

Donc beaucoup de propriétaires revendent et on a une crise immobilière. Trop de biens se retrouvent sur le marché par rapport aux nombre d’acquéreurs. Et les biens qui étaient destinés à du Airbnb sont moins attractifs. Par ailleurs, les taux d’intérêts restent élevés et les prix des biens sont encore hauts. Aujourd’hui, si vous n’êtes pas un couple, c’est compliqué de devenir propriétaire d’une résidence principale.

La loi Le Meur peut-elle encore évoluer ?

Il y a quelques imperfections dans cette loi, notamment concernant les règles de majorité dans les copropriétés. Certains cas pourraient faire jurisprudence. Ça va continuer de façonner la loi Le Meur.

Reste à savoir maintenant si, dans les années à venir, les mairies vont avoir encore davantage de pouvoirs. Pour ce qui est des copropriétés, on est déjà au maximum.

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