Après cinq ans « de combat », SOS Méditerranée fait le bilan de ses opérations. Au total, 31 799 personnes sauvées et 6 naissances au cours de 271 sauvetages. Mais l’association ne s’arrête pas là : malgré des accusations criminelles et l’immobilisation de son navire Ocean Viking dans un port italien depuis juillet dernier, elle appelle à la mobilisation et aux dons pour continuer les sauvetages en Méditerranée centrale.
31 799 personnes sauvées en Méditerranée à l’aide des navires Aquarius et Ocean Viking au cours de 271 opérations de sauvetage. 31 799 exactement ! « Pas une de plus, pas une de moins, car chaque vie compte ». C’est le bilan que fait l’association SOS Méditerranée après 5 ans d’activité, de « combat » même, selon le terme employé pour parler de cet engagement sans faille à l’égard des migrants. Car c’est un parcours semé d’embûches qui jalonne l’existence de cette association depuis sa création.
Créée le 9 mai 2015 en Allemagne et le 20 juin en France, elle avait pour but de répondre à « l’indignation citoyenne face à la mort de milliers de réfugiés chaque année. En 2014, il n’y avait aucun bateau de sauvetage en Méditerranée et les naufrages meurtriers s’enchainaient. Nous nous sommes donc réunis avec le co-fondateur, Klaus Vogel pour réfléchir », confie Sophie Beau, co-fondatrice de SOS Méditerranée.
En février 2016, l’association embarque pour sa première mission de sauvetage à bord de l’Aquarius. Nicholas Romaniuk, coordinateur des sauvetages pour SOS Méditerranée depuis 5 ans, se rappelle : « à l’époque, la réponse à nos actions était collective, il y avait une bonne volonté des pays, de l’Italie, de l’Europe… ».
Mais depuis 2017, la situation s’est détériorée. Les actions de l’association seraient criminalisées, « nous sommes accusés de créer un appel d’air pour encourager les personnes à quitter leur pays mais également de complicité avec les passeurs présents en Mer Méditerranée », déplore Sophie Beau.
Dernier fait en date, le blocage, le 22 juillet 2020, de leur navire Ocean Viking dans un port de Sicile après un contrôle, invoquant des « irrégularités techniques et opérationnelles : ce que nous avons subi, c’est une recherche de la non-conformité, une recherche extrêmement zélée. Nous essayons actuellement de libérer le navire afin de repartir en mer, il est urgent que nous puissions repartir », insiste la co-fondatrice.
Une pétition a d’ailleurs été créée pour demander aux autorités italiennes de libérer le bateau et a déjà recueilli près de 115 000 signatures.
L’Aquarius a vu la naissance de six nouveau-nés
Mais les ennuis ne s’arrêtent pas là pour l’association. Selon Nicholas Romaniuk, les centres de coordination libyens censés prendre en charge les bateaux de rescapés ne leur répondent pas lorsqu’ils essaient d’entrer en contact avec eux « et si on contacte les autorités européennes, ils nous renvoient vers les coordinateurs en disant que ce n’est pas leur responsabilité », ajoute-t-il.
Autre cas de figure : les centres de coordination prennent bel et bien en charge les rescapés mais les ramènent dans les ports desquels ils ont essayé de s’enfuir : « C’est comme si des gens se sauvaient de maisons en feu et qu’on les emmenait dans un hôpital en feu. Les ports ne sont pas des lieux sûrs, il y a des cas d’incarcération abusive, de torture… », continue le responsable des opérations de sauvetage pour SOS Méditerranée.
Et pour ceux arrivant jusqu’au bateau de sauvetage de l’association, le périple n’est pas non plus terminé. Il peut rester bloqué en mer durant plusieurs jours avec, à bord, des personnes blessées physiquement ou en forte détresse émotionnelle : « Lors de notre dernier sauvetage, une dizaine de personnes étaient en souffrance psychique, il y a eu plusieurs tentatives de suicide, deux personnes ont même sauté à l’eau. Dans ces moments-là, on ne peut pas donner d’espoir aux gens parce qu’on n’a pas de solutions », déplore Nicholas Romaniuk.
Des femmes enceintes peuvent également être prises en charge : l’Aquarius a d’ailleurs vu la naissance de six nouveau-nés. C’est pourquoi l’association appuie sur l’importance d’une prise en charge rapide et encourage la création d’un système pérenne et sûr afin de débarquer les rescapés dans un port défini : « Nous attendons des actions concrètes, que les autorités européennes prennent leur responsabilité pour sauver des vies en Méditerranée centrale », continue le coordinateur des sauvetages.
« Il y a une inconditionnalité absolue à sauver l’autre »
Avec cet espoir, l’association continue son combat. A l’occasion de son cinquième anniversaire, elle a organisé le 26 septembre un événement au théâtre de la Criée pour « faire un bilan et tracer des perspectives » : « Il n’y a pas une personne qui ne soutient pas SOS Méditerranée dans ces bureaux. C’est quelque chose de fondamental. Il y a une inconditionnalité absolue à sauver l’autre, on a pas besoin de justifier ça. Je pense que les sauveteurs et les artistes, les théâtres et les bateaux qui vont au devant de ceux qui vont se noyer, nous avons un même destin. L’être humain c’est ce qu’il y a de plus important à préserver », confie la directrice du théâtre, Macha Makeieff.
Au programme de cette journée, une exposition photo nommée « Sauver, protéger, témoigner » ainsi que la projection du documentaire « Numéro 387 – Disparu en Méditerranée » et du film « Méditerranée : le nouveau cimetière des réfugiés », ayant comme objectif de mettre en lumière la condition des réfugiés. L’événement s’est terminé par une soirée de soutien en présence d’artistes « venus apporter une part d’humanité. Cela va servir à relancer la mobilisation, parce qu’on a besoin de soutien, de dons ».
Les dons récoltés à l’occasion de cette soirée seront bientôt communiqués par l’association. Aujourd’hui, le réseau SOS Méditerranée est constitué de 28 antennes en Europe, avec plus de 900 bénévoles dont 600 en France. Plus de 90% de ses ressources proviennent de dons privés, l’argent de la soirée servira donc à financer leur prochaine expédition.