Le prochain président de la Métropole Aix-Marseille Provence sera élu par les 240 conseillers municipaux des 92 communes du territoire, ce jeudi 9 juillet au Pharo à Marseille. Qui succèdera à Martine Vassal ? Qui aura en charge de piloter la politique de transports, la gestion des déchets, l’environnement, l’habitat ou l’économie ?
Le paysage politique qui s’est dessiné à l’issue des élections municipales laisse la droite majoritaire au sein de l’hémicycle métropolitain, mais les maires sans étiquette pourraient venir jouer les trouble-fêtes.
Avec 1,85 million d’habitants, Aix-Marseille-Provence est la deuxième métropole française. Elle est aussi la plus vaste, avec 3 150 km², soit six fois le Grand Lyon et quatre fois le Grand Paris. Elle représente aujourd’hui plus de 90% de la population du département et plus de 60% de sa superficie, et dispose d’un budget de 4 milliards d’euros.
À l’occasion des élections municipales, les électeurs ont voté en même temps pour leurs 240 conseillers métropolitains ; dont 108 Marseillais, pour les six ans à venir. En effet, dans les communes de plus de 1 000 habitants (86 pour la Métropole Aix-Marseille-Provence), la désignation des conseillers métropolitains se fait par « fléchage »*. Sur le même bulletin de vote figuraient, de manière distincte, deux listes : celle des candidats au conseil municipal et celle des candidats au conseil de la Métropole.
Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers métropolitains sont désignés par le conseil municipal.
🔎 Les 240 conseillers métropolitains seront répartis de la façon suivante :
– Territoire Marseille Provence : 126 conseillers métropolitains.
– Territoire du Pays d’Aix : 58 conseillers métropolitains.
– Territoire du Pays Salonais : 21 conseillers métropolitains.
– Territoire du Pays d’Aubagne et de l’Étoile : 16 conseillers métropolitains.
– Territoire Istres-Ouest Provence : 12 conseillers métropolitains.
– Territoire du Pays de Martigues : 7 conseillers métropolitains.
Quelles sont les compétences de la Métropole ?
La Métropole Aix-Marseille-Provence est un établissement public de coopération intercommunal, dont la mission est d’agir pour le développement du territoire. Parmi ses principales compétences : le développement économique, les transports, l’environnement, le logement, l’aménagement du territoire, l’eau et l’assainissement.
Le mode de scrutin
Une fois les candidatures déposées, les 240 conseillers métropolitains sont invités à voter à bulletin secret. Puis suivra l’élection des vice-présidents, qui seront élus un par un, sur le même mode.
Un hémicycle qui reste à droite, mais…
Au regard des résultats obtenus sur le territoire, à l’issue du scrutin municipal, et même si Marseille a définitivement basculé à gauche, samedi, entérinant ainsi la victoire du Printemps Marseillais, la Métropole, elle, reste majoritairement à droite, avec la victoire des maires sortants dans la plupart des 92 communes et la prise de nouvelles villes comme Allauch ou encore Gardanne.
Martine Vassal, candidate à sa propre succession, a déjà la confiance de certains maires qui ne lui tiennent pas rigueur de sa défaite aux municipales. Hier soir, les maires des communes adhérentes au Groupe EPIC Métropole lui ont apporté leur soutien : Aubagne, Alleins, Bouc Bel Air, Cadolive, Carnoux en Provence, Cassis, Ceyreste, Châteauneuf les Martigues, Cornillon Confoux, Cuges les Pins, Gémenos, La Barben, La Ciotat, La Destrousse, Lançon Provence, Pélissanne, Peynier, Peypin, Plan de Cuques, Saint Savournin, Simiane Collongue, Trets, Vauvenargues.
Lors de son élection pour la succession à Jean-Claude Gaudin, en septembre 2018, la présidente LR du Département des Bouches-du-Rhône avait été largement plébiscitée. Elle avait été élue au premier tour, par vote électronique, avec 181 voix contre 22 pour le communiste Marc Poggiale, président du groupe Une métropole à gauche.
Martine Vassal peut déjà compter sur le soutien de Maryse Joissains, à condition qu’elle construise « une métropole de projets ».
Comme nous l’annoncions vendredi, les deux femmes se sont rencontrées lundi après-midi pour en discuter. En cas de non-accord, la maire d’Aix-en-Provence « n’exclue rien », ouvrant la voix à une candidature aixoise. Sa fille et désormais deuxième adjointe, Sophie Joissains, démissionnaire du Sénat, semble être un profil sur lequel pourrait miser la maire (LR) d’Aix.
Si Martine Vassal doit convaincre du bien-fondé de sa candidature, elle pourrait être gênée dans cette tâche par un homme : Nicolas Isnard. Le maire (LR) de Salon-de-Provence avec lequel Martine Vassal a toujours entretenu de bonnes relations pourrait incarner une alternative séduisante pour des élus qui souhaitent une nouvelle gouvernance. Et ce, même si Maryse Joissains ne croit pas en une candidature contre Martine Vassal, qui de par sa position actuelle à la tête du Département, dispose d’un atout de poids dans sa manche*.
Une présidence extérieure à Marseille
Jusqu’à présent, au sein de la Métropole, la droite détenait 135 sièges, contre 71 pour une gauche divisée et 20 pour le Rassemblement national. S’ajoutent les élus sans étiquette ou ayant changé de parti durant la mandature, à l’image de Jean-Pierre Serrus, maire de la Roque-d’Anthéron, désormais LREM.
L’ex-LR a rallié le parti présidentiel en 2018, ce qui lui a d’ailleurs valu l’éviction de son poste de vice-président en charge de la mobilité, lorsque Martine Vassal a pris les commandes. Ce dernier n’a jamais caché ses velléités vis-à-vis de la Métropole. Il a d’ores et déjà annoncé sa candidature. « J’ai attendu que tous les exécutifs soient élus ».
Sans troupe, de quels soutiens pourrait bénéficier Jean-Pierre Serrus ? Dans cette course à la présidence, le maire de la Roque-d’Anthéron pourrait être appuyé par des maires sans étiquette ou plutôt centristes. Michel Amiel, aux Pennes-Mirabeau, Henri Pons à Eyguières ou encore Christian Amiraty à Gignac-la-Nerthe ont fait campagne sous l’étiquette divers centre.
« L’intercommunalité, c’est du consensus »
Jean-Pierre Serrus compte aussi quelques marcheurs qui font leur entrée dans l’hémicycle, à l’instar de la députée Anne-Laurence Petel. Désormais dans l’opposition aixoise, l’adversaire de Maryse Joissains estime que « les jeux de pouvoirs qui se sont joués jusqu’à présent ne semblent pas terminés pour utiliser la métropole comme outil d’intérêt personnel. C’est un outil qui devrait être au service des citoyens. Il faut très rapidement que cette Métropole devienne efficace, et j’aimerais qu’elle ne soit dirigée ni par un Marseillais, ni un Aixois », confie-t-elle.
C’est le sens de la candidature de Jean-Pierre Serrus qui défend son approche. « J’y vais pour rassembler, et ce que je veux c’est un débat de fond. On ne peut pas se pointer jeudi, dire qui est candidat et c’est plié », plaide-t-il. En campagne, il égrainera donc son projet jusqu’à jeudi.
Quelles priorités ? Quel mode de gouvernance ? C’est ce qui motive l’élu. « L’intercommunalité, c’est du consensus », déclare le candidat. Il souhaite une métropole « plus forte, plus équitable, solidaire et mieux gérée, avec une nouvelle gouvernance », avance-t-il, regrettant également le manque de concertation : « Pendant deux ans, l’exécutif n’a jamais convoqué une conférence des maires ».
Une décentralisation des compétences
Une priorité, pour l’élu, afin de mettre à plat les finances, tracer la feuille de route, et déconcentrer les compétences. En attendant une éventuelle réforme institutionnelle, dans le cadre de ses règles, « rien n’empêche l’exécutif d’être innovant, quitte à créer, puisque les conseils de territoire existent, d’abord une déconcentration vers les communes. Il faut l’expérience des maires, c’est parce que nous avons cette proximité que nous savons mieux que quiconque gérer les compétences du quotidien, pour permettre à la Métropole de se concentrer sur les autres compétences : les transports, l’habitat, la transition écologique… ».
Dans la balance, ses relations avec le parti présidentiel. « Il faut que la deuxième métropole de France ait une relation constructive, d’échange, moins dans le rapport de force avec l’Etat », avance le maire LREM, tout en précisant qu’il respecterait le choix des urnes. « C’est le sens même de la démocratie ». Lui, qui a amorcé le grand chantier de la mobilité métropolitain sous l’ère Hollande insiste sur le fait que quelque soit le gouvernement « ici, se joue une partie de la réussite du pays ».
Alors qu’il entend convaincre ces prochains jours certains maires d’autres couleurs politiques le jugent désormais « trop marqué La République en marche. C’est un point de crispation pour tout le monde. Il doit être à l’exécutif, mais ne peut pas en assurer la présidence ».
Loïc Gachon : « Je pense sincèrement que l’avenir de la Métropole se joue ailleurs qu’à Marseille »
Malgré un paysage politique plus favorable à la droite, le Printemps Marseillais, fraîchement élu à la ville de Marseille, entend jouer sa carte. Dans sa vision, le mouvement qui parle aussi de « métropole de projets » envisage une candidature proche de sa famille politique, compatible avec son projet, mais extérieur à Marseille. Quelques noms ont été évoqués à l’instar de Frédéric Vigouroux, maire PS de Miramas, ou encore le socialiste Loïc Gachon, réélu à Vitrolles.
Ce dernier n’a pas une âme d’agneau sacrificiel. « Je n’irai pas à un combat pour faire de la figuration, j’ai une commune à défendre et des choses à faire », souligne-t-il, davantage attentif aux équilibres au sein de l’institution. Avec la nouvelle gouvernance, « la Métropole doit sortir de sa phase transitoire qu’elle connaît depuis 2016, pour trouver une réelle dynamique », poursuit-il.
Et d’ajouter « qu’il est essentiel que le Printemps Marseillais soit à l’exécutif métropolitain, c’est nécessaire pour Marseille, et pour tout le monde. Dans la mesure où ils sont élus à la Ville, on ne peut pas imaginer qu’ils soient dans l’opposition à la Métropole, c’est inconcevable ». Et cela passe également, pour lui, par une candidature extérieure à Marseille : « On a besoin que la Métropole se décrispe, on va avoir suffisamment d’enjeux à relever. Je pense sincèrement l’avenir de la Métropole se joue ailleurs qu’à Marseille ».
Le maire PCF de Martigues, Gaby Charroux pourrait être l’homme fort de la gauche. L’élu a décidé de présenter sa candidature à la présidence de la Métropole pour proposer « un projet métropolitain différent avec dix mesures immédiates ». Le candidat est en discussion avec le Printemps Marseillais « et d’autres aussi, car cela ne suffirait pas, mais il y a un tournant et une chance de faire autrement ».
L’opportunité d’une gouvernance partagée
Cette élection apparaît également comme une opportunité de mettre en place une gouvernance partagée : « ce n’est pas insurmontable », poursuit le maire de Vitrolles. « On pourrait aussi tomber d’accord sur un candidat acceptable qui peut susciter une large adhésion de l’ensemble des élus. Dans ce cas-là, il faut qu’il soit consensuel et intègre toutes les composantes de l’hémicycle ».
À droite comme à gauche, le cap est mis sur l’élection de ce jeudi 9 juillet, prévue au Palais du Pharo. Du côté du Printemps Marseillais, en ce moment même, beaucoup d’énergie est consacrée à ce scrutin. Un membre du mouvement promet « quelques surprises. Les maires sans étiquette de bonne volonté, non-dogmatiques, capables de suivre un vrai projet », pourraient se rallier à la gauche, selon lui.
*Nicolas Isnard n’a pas répondu à nos sollicitations.