Et si Aix Marseille Provence Métropole devenait le moteur de l’économie française ? La question peut paraître dingue, mais pas tant que ça si l’on se penche de plus près sur son potentiel. A six mois de la création de la métropole Aix Marseille Provence, les élus, les spécialistes et le monde de l’entreprise se prennent à rêver d’une métropole dont l’influence dépasserait les frontières.
Hier, plus de 500 personnes : élus, investisseurs et acteurs de l’économie, étaient réunies au Palais de la Bourse pour parler du futur du territoire. Il en ressort des pistes d’action à mener pour les 15 prochaines années. Bien sûr, au delà de l’enjeu économique, il y a un enjeu politique très fort. Il faudra un énorme effort collectif de nos élus locaux, même les plus réticents, pour que les projets soient réalisés dans les temps prévus et sans « chamailleries ». Il parait que l’union fait la force…
Faire de la métropole : la capitale économique de l’Europe du Sud
Marseille, Aix-en-Provence, l’Etang de Berre, Aubagne, La Ciotat, autant de territoires… autant d’atouts pour rayonner en Europe ! Nous en avons tous conscience. Mais pour rendre plus concrète cette ambition de réussite, la Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence a mandaté un spécialiste, Christian Saint-Etienne, Docteur en sciences-économiques à l’université Paris II. Il a élaboré pendant 3 mois un rapport de 300 pages qui pose un diagnostic objectif sur le territoire et tente d’apporter des solutions. Selon lui, « Il manque à la France un point de croissance pour créer de l’emploi et je pense que ce sont les métropoles qui créent cette croissance. Pour preuve, ce n’est pas la Chine qui croît, mais bel et bien Shanghai ou Pékin. En France, une grande partie de ce point de croissance se trouve ici ».
Christian Saint-Etienne : « Marseille, c’est comme un enfant que l’on croit malade, mais qui en fait a le potentiel pour devenir un sportif de haut-niveau ».
Avant de continuer, « Ce territoire est l’un des plus forts de la croissance économique nationale et il pourra avoir un impact européen. A l’inverse de ce que pensent la plupart des gens, il a la capacité de devenir la première métropole d’attractivité en France, grâce à des atouts considérables : sa population qui le classe en 2e position derrière Paris, son potentiel de développement énorme, son positionnement géographique, et les difficultés de la métropole parisienne à s’accorder sur son avenir ». Mais, le chercheur insiste bien sur le fait que « la métropole ne doit pas rater cette occasion qui se présente« .
C’est en quelques sortes un rendez-vous avec l’histoire qui est fixé entre le 2e semestre 2015 et la fin 2016… Il ne faudrait pas le rater de nouveau, comme ce fut le cas dans les années 60 – 70, quand les communes alentours avaient refusé de s’allier à Marseille.
Mais alors, quelles sont les actions prioritaires ?
Lla Chambre de commerce et d’industrie Marseille Provence, présidée par Jacques Pfister et la Communauté urbaine MPM, présidée par Guy Teissier, ont organisé successivement deux grands rendez-vous hier et aujourd’hui pour présenter à l’ensemble des acteurs du territoire le plan d’actions 2015 – 2030. Le rapport de Christian Saint-Etienne nommé « Aix Marseille Provence 2030, le grand dessein économique pour réussir la métropole » d’un côté, « la stratégie en actions 2015 – 2030 » de MPM, de l’autre. Outre les problématiques récurrentes de transport et d’urbanisme, le focus a été porté sur l’action économique à engager pour faire rayonner Marseille et sa région.
Guy Teissier a d’ailleurs tenu à s’exprimer une nouvelle fois sur les transports « Nous sommes très largement à la traîne, c’est vrai. Le schéma de déplacement de notre territoire coûterait 7 milliards d’euros, si on voulait immédiatement tout régler ! On avance donc progressivement… Par exemple, avec le métro qui s’allonge jusqu’à capitaine Gèze (Ndlr : Nous avons visité le chantier la semaine dernière, voir notre reportage ici). Le transport ferroviaire a aussi son importance. Nous espérons que la région continuera d’investir pour le développement du réseau. Nous mettons également en place avec la Communauté du Pays d’Aix, des BHNS sur le pourtour de l’étang de Berre. Nous discutons avec l’Etat de la possibilité de mettre en place une voie réservée aux bus sur l’autoroute A7 entre Aix et Marseille ».
Les quatre grands axes d’action
1/ Mener à bien les grands projets structurants comme le projet Henri Fabre, construire Marseille Immunopôle qui doit devenir une référence mondiale, poursuivre le développement du technopôle de Château-Gombert et du pole Média de la Belle de Mai, et enfin créer un lieu emblématique dit « Totem » qui regroupera toutes les grandes startups numériques de la région dans le quartier de la Joliette idéalement pour rendre visible les entreprises porteuses pour la métropole.
Mais rassurons-nous, la plupart de ces projets sont déjà en cours et donc seront terminés dans quelques mois ou années, notamment celui d’Henri Fabre et la Belle de Mai. Les actions à engager l’année prochaine ou à court terme : un lieu « totem » emblématique pour les startups.
2/ Améliorer la compétitivité du territoire avec deux actions phares : le lancement en 2016 d’un grand concours de startups méditerranéennes pour fédérer les entrepreneurs du Sud de l’Europe et l’aide à la création d’entreprises, car le territoire de la métropole est le 2e territoire de France où l’on crée le plus d’entreprises, il faut donc les aider. Comment ? Pour Jean-Philippe Anff, directeur général adjoint au développement économique de MPM, fraîchement arrivé du Grand Lyon, « il faut mettre en place un réseau de développeurs dans la future métropole. Ça se fait ailleurs. Concrètement, la métropole recrute des chargés d’affaires qui ont pour mission d’accompagner les entreprises à leur création : trouver le foncier ou les locaux, orienter les dirigeants d’entreprises vers les bons services administratifs selon les démarches, etc ».
3/ Renforcer l’attractivité en misant sur nos atouts déjà nombreux. Selon MPM, il faut surtout miser sur le tourisme et les grands événements culturels ou sportifs. Mais pas que… MPM souhaite également séduire les étudiants étrangers en faisant venir des chercheurs reconnus internationalement et en proposant des activités culturels dignes de la 2e ville de France.
4/ Une métropole proche des communes. Enfin et non des moindres, l’objectif est de réussir à mener les 3 premiers axes d’action en gardant l’équilibre du 4e. La métropole devra s’engager à garantir une vie dynamique et animée dans les centres des villes et villages autour de Marseille, notamment grâce à des commerces de proximité.
Avec quel argent ?
Selon le rapport de Christian Saint-Etienne, entre 14 et 20 milliards d’euros sont nécessaires pour faire réussir la métropole. Les 14 milliards seraient le scénario minimum et concerneraient avant tout le développement économique et universitaire du territoire, notamment autour du domaine de l’Arbois et du grand port Marseille-Fos, mais aussi pour proposer du foncier aux entreprises. Avec une enveloppe de 20 milliards (scénario maximum), la métropole pourrait prendre en charge entre autre la construction d’une ligne de fret ferroviaire au grand gabarit européen de Marseille vers Lyon, l’Allemagne et la Suisse, et Paris et le Benelux.
A noter que dans tous les cas, 6 à 7 milliards d’euros sont nécessaires d’ici 2030 pour améliorer les transports en commun dans toute la métropole. Condition sinequanone de la réussite…
Pour se faire, la métropole pourra, selon le chercheur, augmenter sa capacité d’autofinancement qui passera de 150 millions d’euros en 2016 à 700 millions d’euros en 2020. Comment ? Simplement par effet de levier. Rien qu’en regroupant la fiscalité de toutes les communes de la métropole, qui représente à l’heure d’aujourd’hui 55 milliards d’euros de PIB, la métropole pourra engranger 150 millions d’euros de bénéfice en 2016. Cela lui permettrait d’investir et de continuer à se développer comme un cercle vertueux pour atteindre 700 millions d’euros en 2020. Et c’est à ce moment qu’il faudra que l’Etat mette la main à la poche, dans le cadre d’un nouveau contrat de plan qui reste à négocier.
Commencer par rénover tout l’ensemble des réseaux routiers du département ainsi que le développement des transports en communs serait une bonne chose.