La région Provence Alpes Côte d’Azur sera-t-elle la première en France à ouvrir son réseau de TER (trains express régionaux) à la concurrence ? C’est en tout cas la volonté affichée ces dernières semaines par son Président Christian Estrosi (Les Républicains), alors que le Gouvernement a lui déjà tranché en juin pour une ouverture à la concurrence en 2019.
Le débat a commencé le 5 octobre dernier, à l’occasion d’une conférence de presse qui s’était tenue à Marseille pour présenter les conclusions de la réflexion menée sur la reconduction du Contrat d’exploitation de la SNCF, arrivant à échéance à la fin de cette année « Je romps toute négociation avec la SNCF pour la reconduction d’une convention qui avait été signée il y a dix ans et qui voyait son terme arriver en décembre prochain. J’engage l’accélération de l’ouverture à la concurrence dès 2019, et même avant si l’Etat le permet », avait déclaré le Président Estrosi.
Pourquoi PACA se positionne contre le monopole de la SNCF ?
Pour essayer de comprendre la position de Christian Estrosi, il faut comprendre le contexte. En effet, le réseau de TER provençal qui coute cher à la collectivité, souffre depuis de nombreuses années de multiples dysfonctionnements : des grèves à répétition, un réseau ferroviaire saturé et en très mauvais état, ou encore de nombreux retards sur les trajets quotidiens notamment entre Aix et Marseille et Toulon et Marseille. Résultat ? Des usagers pas très satisfaits par la qualité du service, malgré quand même une progression positive ces dernières années.
Le contrat d’exploitation s’élève à 291 millions d’euros pour l’année 2016, pour un service pas assez efficace selon la nouvelle majorité en place à la région. A l’occasion de la conférence de presse du 5 octobre, Christian Estrosi avait déclaré « Après des mois de négociations (Ndlr : avec la SNCF), je vous annonce que le 3 novembre prochain, je soumettrai au vote des élus de la Région un budget unilatéral, drastiquement revu à la baisse, pour le devis 2016. Je n’ai pas l’intention de faire payer aux 5 millions d’habitants de notre région les délires tarifaires de la SNCF ».
Et c’est désormais chose faite, puisque la région a adopté ce 3 novembre 2016, à l’occasion de la dernière Assemblée régionale, qui s’est déroulée à l’Hôtel de Région : un montant diminué de 50 millions d’euros, pour atteindre la somme de 241 millions d’euros TTC. Le tout couplé à une réflexion plus globale sur l’avenir des trains régionaux sur l’ensemble du territoire. En effet, Christian Estrosi ne cache pas son intérêt pour l’efficacité des bus régionaux, comme en témoignent ces déclarations du 5 octobre « Nous sommes en train d’évaluer la pertinence de chaque mode de transport sur d’autres liaisons régionales par la route et notamment les bus. Le train n’est pas toujours le mode de transport le plus adapté aux besoins des usagers (en fonction de la fréquentation, de la fiabilité du service et du temps de parcours…). Une offre alternative est actuellement à l’étude dans nos services pour certaines lignes. Nous devons aboutir ici dès 2017″.
Retrouvez l’intégralité du rapport présenté par la région sur ce sujet ici
Service TER que rend @SNCF aux habitants n’est ni conforme aux exigences de la collectivité régio ni digne d’un gd service public
— Christian Estrosi (@cestrosi) 3 novembre 2016
Je vous indique que nous étudions dès à présent ttes pistes pr contraindre SNCF & ouverture à la concurrence sera testée dès que possible
— Christian Estrosi (@cestrosi) 3 novembre 2016
Que propose Estrosi pour mettre en place cette concurrence ?
A l’occasion de la dernière Assemblée régionale, Christian Estrosi a détaillé plusieurs orientations pour son action à l’encontre des mauvais résultats de la SNCF.
La première : en approuvant l’organisation par la Région des Assises de la Mobilité, qui avec la participation des citoyens, des usagers et des acteurs du monde socioéconomique et des transports, auront pour objet de construire, l’organisation de la mobilité sur le territoire,
La seconde : la préparation d’un texte de loi permettant aux Régions qui le souhaitent de pouvoir expérimenter de nouveaux modes d’exploitation du transport ferroviaire et la participation de la Région à cette expérimentation, dès que cela sera possible
La troisième : la possibilité de pouvoir confier à la Régie Régionale des Transports l’exploitation d’autres lignes ferroviaires du réseau de transport régional,
La quatrième : autoriser le Président Estrosi à formaliser auprès de l’Etat, la demande de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur de pouvoir engager ces expérimentations et à prendre toutes les mesures et de lancer toutes les études qui permettront de préparer cette expérimentation.
Que permet la loi sur l’ouverture à la concurrence ?
Si Christian Estrosi, mais il n’est plus le seul (les régions Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Pays de la Loire lui ont emboité le pas), veut mettre en concurrence dès l’année prochaine le contrat avec la SNCF, les récentes dispositions prises par le Premier Ministre (PS) Manuel Valls, ne vont pas dans son sens.
En juin 2016, le gouvernement et Régions de France (l’ex-ARF) se sont accordés pour mener une phase test sur des petites lignes dans chaque région française afin d’avoir un aperçu de ce que serait le recours à des opérateurs alternatifs à la SNCF, tels que Thello.
Pas question aujourd’hui donc d’une mise en concurrence massive à l’horizon 2019 pour le gouvernement. Elle n’est d’ailleurs pas envisageable tant qu’un accord social n’est pas conclu pour encadrer l’éventuel transfert des agents cheminots vers les nouveaux opérateurs en cas de perte de contrat par la SNCF. Il faut que le gouvernement puisse répondre à ces questions avant de trancher : En cas de changement d’opérateur, ce dernier devra-t-il reprendre tous les salariés de la SNCF ? À quelles conditions ? En adoptant un cadre social commun en juin, le gouvernement a fait un premier pas pour faciliter le transfert d’un opérateur ferroviaire à un autre, mais il faudra encore beaucoup de discussions, notamment avec les syndicats, aujourd’hui toujours contre toute concurrence ferroviaire.
Un avis que partage Jean-Yves Petit, ex vice-président (EELV) à la Région PACA, délégué aux transports. « Le fait de dire : je vais faire un projet de loi pour ouvrir à la concurrence, je pense que c’est beaucoup de posture. Car au bout du compte, on sait très bien que c’est déjà prévu, que les textes européens le prévoient. Qu’au plus tard, cela sera mis en place en 2023, avec une phase test dès 2019 proposée par le gouvernement. Donc vouloir aller plus vite, me semble ne pas être une position réaliste, vis à vis du contexte. En effet, il ne s’agit de dire que l’on veut ouvrir à la concurrence pour le faire. Ca demande un certain temps. Quelles lignes seraient concernées ? De quelles façons ? Avec quel nouvel opérateur ? Qu’est ce qu’on fait des personnels ? C’est un sujet très complexe sur lequel il faut être prudent« , nous confie l’ancien élu des verts, qui reconnait lui aussi le manque d’efficacité de la SNCF en PACA, comparé à d’autres régions. Avant de poursuivre « Ce n’est pas tant la faute de la compagnie, mais un problème structurel lié au mauvais état des infrastructures. Mettre une compagnie italienne ou une autre compagnie française, ou n’importe qui d’autre aux commandes ne résoudra pas les problèmes actuels. Tout cela n’est pas aussi simple« .
De son côté, le nouveau responsable national des TER à la SNCF, Franck Lacroix se dit prêt à poursuivre les discussions et à faire un geste. « Je suis prêt à poursuivre ces discussions qui sont déjà allées assez loin« , a déclaré Franck Lacroix, qui a « proposé à Christian Estrosi d’aller au-delà du cadre contractuel » pour réduire sa facture en 2016.