Longtemps invisibilisée, la soumission chimique est un fléau encore sous-estimé. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, un réseau régional se met en place pour informer, former et accompagner les victimes.

Le procès des viols de Mazan subis par Gisèle Pélicot a mis en lumière le fléau de la soumission chimique. Une détonation qui a déclenchée une prise de conscience nationale, alors que les alertes se multiplient depuis des années. Notamment dans le milieu de la nuit et de la fête, avec une recrudescence de témoignages concernant le GHB, dite « drogue du violeur ».

Le code pénal définit ainsi la soumission chimique comme « le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle ».

En 2024, la France recensait 327 faits de soumission chimique en vue d’un viol ou d’une agression sexuelle. Mais le rapport de la députée Sandrine Josso, témoignant elle-même avoir été victime du sénateur Joël Guerriau, pointe cependant la sous-estimation statistique de ce mode opératoire qui se déroulerait surtout dans les cercles amicaux ou familiaux.

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Sandrine Josso, députée à l’origine du rapport sur la soumission chimique.

Un manque de chiffres criant

En Provence-Alpes-Côte d’Azur, ces chiffres ne sont pas centralisés par manque de connaissance, de prévention et de coordination entre les acteurs associatifs et hospitaliers. Les hôpitaux de Marseille ont ainsi mis sur pied le programme Soumission Chimique (SC) pour obtenir des données exhaustives locales.

Afin de structurer un réseau régional dédié à la sensibilisation, formation, détection et protection des victimes, la Région Sud a organisé le forum Respect pour les femmes ce 18 novembre autour de cinq conférences dédiées à la soumission chimique.

L’objectif de ces discussions à bâtons rompus était d’abord de rappeler les principaux effets des drogues. Ils se manifestent par des somnolences, des vertiges, des pertes de mémoire, une désinhibition, ou de la confusion.

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Le forum sur la soumission chimique de la Région Sud le 18 novembre.

Quels sont les premiers gestes ?

En cas de suspicion, Anne-Laure Pelissier, professeure en toxicologie à l’hôpital universitaire de la Timone, recommande de « faire les prélèvements le plus rapidement possible (…) car les produits sont éliminés rapidement et qu’il faut recueillir les preuves », poursuit l’experte. Sans trace du produit administré, la victime ne pourra pas, ou difficilement, traduire son agresseur en justice.

Cependant, beaucoup de jeunes femmes ne savent pas spontanément vers qui se tourner. Dans ce cas, le Centre de référence sur les agressions facilitées par les substances (CRAFS) joignable au 01 40 05 42 70, créé en 2024 par la pharmacienne Leïla Chaouachi, a pour but de renseigner les victimes puis de les orienter en téléconseil.

Ensuite, la prise en charge est une priorité. Depuis 2022, 11 maisons régionales des femmes spécialisées dans le traitement des violences conjugales et sexuelles ont été créées. Celle de Marseille, rue Saint-Pierre, dirigée par le Dr Florence Bretelle, également présente, accueille plus de 500 femmes par an.

L’éducation en ligne de mire

« On ressent une évolution car la parole se libère sur la soumission chimique », affirme Dr Bretelle. La gynécologue note aussi une forte demande des sages-femmes, psychologues, médecins, pour se faire former.

L’enjeu de la formation a en effet été relevé régulièrement lors des tables rondes. Mais selon Sophie Pioro, directrice de l’association Solidarité femmes 13, l’enjeu prioritaire reste l’éducation. « Nous devons passer de la culture du viol à la culture du consentement. Pour cela, il faut éduquer les filles, mais surtout les garçons ». Ovation dans la salle.

La Région Sud entend ainsi agir auprès des 11 000 lycéens avec l’appui des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et des plannings familiaux. Mais pour Sophie Mariotti, responsable du Réseau de Périnatalité Méditerranée, l’apprentissage doit commencer dès la petite enfance. « Il faut surtout écouter les enfants et les croire », insiste-t-elle.

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