Installé au cours Julien depuis 10 ans, le Videodrome 2 est un des derniers vidéoclubs en France. Ce bar-cinéma diffuse aussi des films d’expérimentation, militants et de patrimoine, ce qui en fait un des derniers bastions du cinéma indépendant à Marseille.
La petite terrasse du Videodrome 2 est installée sur le cours Julien (6e) depuis 2015. Sa devanture noire taguée dissimule un bar underground d’habitués, proche de la salle de concert l’espace Julien. Mais derrière la porte, se cache aussi un espace vidéoclub et une salle de cinéma de 49 places.
Ce projet émane de l’ancienne vidéothèque de la rue Vian (6e) qui réunissait un réseau de cinéphiles, passionnés de cinéma indépendant et militant. « Le vidéoclub avait une énorme clientèle au cours Julien qui était elle-même souvent engagée dans des processus de création de films », raconte le directeur Julien Chonnat-Namy, qui a été l’un d’eux.
Mais ce lieu a fermé en 2012, suivant le déclin général des vidéoclubs en France, fruit des orientations politiques d’après guerre. « Beaucoup de ciné-clubs se reposaient sur les bases de l’éducation populaire de 45. Mais il ne fallait pas donner trop de billes au Parti communiste à l’époque », retrace Julien Chonnat-Namy.
Et de poursuivre, sirotant son verre de vin rouge : « Alors il y a eu des lois, liées au plan Marshall, pour rediriger l’argent des Américains vers les salles d’exploitation car ils avaient des films à nous vendre… Ça permettait aussi de verrouiller les espaces propagandistes, car comme chacun sait, le cinéma est un espace de propagande massif ».
Le Videodrome 2 conserve 6 000 DVD
Alors, le passionné a remonté un lieu similaire, une aventure qu’il décrit comme collective, au 49 cours Julien (6e). L’espace vidéoclub répertorie aujourd’hui 6 000 DVD soigneusement étiquetés et entreposés en enfilades sur de grandes étagères en bois.
Le Videodrome 2 diffuse aussi des films « oubliés voire inconnus des salles » sur grand écran : des morceaux d’histoire du cinéma, cinéma expérimental, films militants, objets non identifiés, documentaires de création. Sans omettre un certain penchant pour la pop culture comme des films de genre et d’animation.
Les projections de 320 films par an, à prix libres, sont éclectiques, originales et en dehors des circuits traditionnels de l’actualité des sorties. Hormis celle des festivals marseillais comme le Festival international de documentaire (FID), Image de ville et La première fois.
Un bar pour tenir le modèle économique
Il ne reste qu’une dizaine de vidéoclubs de la sorte en France selon les Echos. Et cela tient, en grande partie, au modèle économique difficile à tenir face au développement des plateformes comme Netflix et Amazon.
Pour rentrer dans ses coûts, le Videodrome 2 a donc monté une coopérative (SCOP) pour gérer le bar, la principale source de revenus, et porter l’association de programmation des films. Ensuite, le lieu compte sur ses 60 adhésions au vidéoclub (20 euros) et les 2 000 adhésions pour les projections (8 euros).
Quelques années après Marseille capitale européenne de la Culture en 2013, les collectivités ont aussi joué le jeu. La Mairie, le Département et la Région ont progressivement soutenu l’activité du bar-cinéma, notamment tournée vers l’éducation auprès des jeunes publics.
Témoin de la transformation du cours Julien
Si ce lieu d’expérimentation joue parfois avec les règles du code de la cinématographie, les films restent très encadrés par le centre national du cinéma (CNC). Mais l’organisme public de soutien à la création laisse tout de même sa liberté au Videodrome 2 grâce à « une faible concurrence à Marseille ».
Pourtant, en 2018, le ciné-bistrot La Baleine a ouvert à quelques mètres sur le cours Julien. Mais ce cinéma d’art et d’essais est davantage lié aux circuits traditionnels des salles d’exploitation contrairement au Videodrome 2. « C’est nous qui avons lancé la mode de transformer le cours Ju en gigantesque brasserie répugnante à ciel ouvert », se marre Julien.
Il est loin le temps où le quartier était un repère de libraires et une grande halle alimentaire. Mais le cours Julien continue à faire de la résistance aux grandes chaînes conservant ainsi un charme unique qui lui a valu le titre de quartier le plus cool du monde par Time Out en 2024.