Avec l’achat de son premier navire, la coopérative marseillaise Bourlingue & Pacotille passe la vitesse supérieure dans le transport de marchandises à la voile en Méditerranée.

Soudure, découpe de planches, bruit de visseuse… C’est le chantier dans la cabine principale du Barbaranova amarré au quai de la Lave à l’Estaque. « Il y avait deux cabines de couchages ici, décrit Nicolas Rousson. On les a démontées pour créer une grande cale de stockage ».

En effet, ce voilier de 18 mètres en acier, acquis le mois dernier, a été conçu pour emmener des équipages dans des expéditions polaires, et non pour transporter du fret en Méditerranée. « C’est du solide. Il a juste fallu l’adapter pour pouvoir stocker cinq tonnes de marchandises », poursuit le co-directeur de Bourlingue & Pacotille.

Mercredi, « si la météo s’y prête », cinq membres d’équipage navigueront jusqu’en Corse pour ramener « du vin, du miel, des agrumes, peut-être des avocats sur le continent ». Car cette coopérative basée à Marseille s’est lancée dans un pari un peu farfelu : transporter des produits à la voile entre Marseille et le pourtour méditerranéen.

à la voile, Un équipage marseillais se lance le défi de transporter des marchandises à la voile, Made in Marseille
Réaménagement de la cale du Barbaranova pour le transport de marchandises.

90% d’émissions polluantes en moins

Le bénéfice en termes de gaz à effet de serre et autres polluants qu’émettent les cargos propulsés au fioul est évident. « Hormis les entrées et sorties de ports, ou certaines situations à la marge, 90% de notre navigation se fait à la voile. Donc sans aucune émission », résume Nicolas Rousson.

« À la base, on faisait des tournées artistiques itinérantes à la voile avec le collectif Festina Lente, poursuit le co-fondateur de Bourlingue & Pacotille. La démarche était déjà de minimiser l’impact environnemental d’une tournée. On a commencé à en profiter pour transporter des produits agricoles dans la cale ».

Petit à petit, « on a créé un réseau de producteurs méditerranéens. Sur un modèle d’agriculture paysanne, solidaire, résilient et respectueux du vivant ». De la Tunisie à la Sardaigne en passant par la Sicile et la Corse, des apiculteurs, viticulteurs, maraichers ou céréaliers… « Ils sont tous engagés et sont devenus coopérateurs dans l’aventure ».

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Objectif : 30 tonnes de marchandises par an à la voile

L’expérience a débuté avec des voiliers de plaisance empruntés durant leur période d’inactivité. Avant que la coopérative ne se développe, elle commence à fournir des épiceries paysannes marseillaises comme Adèle ou Lodi Local. Des restaurants engagés et pointus, comme la Bouillabaisse du Turfu de Christian Qi sur le Vieux-Port.

Et enfin, 1 200 adhérents, des consommateurs, qui récupèrent leur commande directement au port lorsque le navire rentre de son périple.

« Depuis 2020, on a fait une vingtaine de voyages et transporté environ 30 tonnes de marchandises à la voile », estime Thibault Nacam, également fondateur et co-directeur de la coopérative. Avec l’achat de ce navire, premier de leur flotte, « on vise 30 tonnes par an, avec un voyage par mois ».

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Le Barbaranova en mer. Crédit : Clément Martin (IG : @clementmartingr)

Un modèle économique à consolider

L’activité commence à trouver son modèle économique. « On ne peut pas rivaliser avec les armateurs d’immenses porte-conteneurs et leur fioul lourd polluant mais pas cher, explique Nicolas. Ou avec Corsica Linea qui est subventionnée par l’État pour assurer pour la continuité territoriale avec la Corse ».

Alors, à défaut de proposer des prix attractifs de transport de fret, la coopérative a opté pour une activité de négoce. « On achète la marchandise aux producteurs et on revend aux consommateurs. C’est comme ça qu’on dégage une marge », poursuit le co-directeur.

L’équipe s’est structurée et compte désormais trois salariés, avant d’en embaucher « deux de plus en 2025 », prévoit-il.

Il faudra toutefois convaincre les institutions publiques de favoriser la démarche, financièrement, comme juridiquement, en certifiant le voilier comme navire de commerce. « C’est difficile, mais c’est en bonne voie », estime Nicolas. Le transport à la voile a le vent en poupe ?

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