En mêlant les outils industriels aux techniques de l’artisanat traditionnel, la marque marseillaise de meubles Rinku veut ancrer un savoir-faire local, durable et sur-mesure.

De prime abord, cela ne ressemble pas à un atelier de fabrication. Mais derrière les immenses verrières, quelques pièces au design atypique interpellent. Une fois la porte franchie, il ne fait plus aucun doute. Les senteurs boisées accompagnent notre entrée, rythmée par la musique perçante de la scie. À deux pas de la tour La Marseillaise, Rinku est une « ébénisterie 2.0 », se plaît à dire l’un des cofondateurs Sébastien Lenzi.

Ici, la vision de l’artisanat se marie au monde industriel en reprenant les codes des anciennes grandes maisons d’ébénistes « qui regroupent au même endroit la production, les bureaux de conception et la boutique en ville. C’était important pour nous que les gens se reconnectent à la production », poursuit Raphaël Cei, l’associé cofondateur.

Designer de profession, passé par la conception de mobilier et la robotique, c’est lui qui pilote cette fabrique de proximité made in France. « On considère qu’on est une entreprise innovante dans le sens où l’on fait de l’ébénisterie qui peut s’apparenter à quelque chose de traditionnel, mais en utilisant des outils numériques comme le design paramétrique et une machine de découpe numérique. L’idée, c’est de pouvoir se remettre à produire en ville en prenant le meilleur des deux mondes : l’artisanat et l’industrie ».

Rinku, La marque marseillaise de meubles Rinku défend un savoir-faire local et sur-mesure, Made in Marseille
De g. à d. Sébastien Lenzi et Raphaël Cei, co-fondateurs de la marque Rinku. © N.K.

L’amour du travail manuel

Ces deux-là se sont rencontrés il y a quelques années à Make It Marseille, la manufacture collaborative et solidaire du centre-ville de la cité phocéenne. FabLab manager, Raphaël commence à développer sa gamme de meubles, tandis que Sébastien, résident, bricole dans son coin, par amour du bois et du travail manuel. Il faut dire qu’avec un grand-père ébéniste et des parents qui ont vendu des cuisines toute leur vie, il est tombé dans la sciure quand il était petit. « Ce n’est pas des cabanes en carton que je fabriquais moi », plaisante le diplômé d’école de commerce.

Cette nostalgie de l’enfance vient nourrir les ambitions de Raphaël qui aspire à faire évoluer son activité, lorsque les créations qu’il commence à partager sur les réseaux sociaux trouvent leur public. « Les premières commandes sont arrivées. Au bout d’un moment, on s’est dit qu’il fallait trouver un lieu ».

Parallèlement à leurs recherches, les makers produisent depuis Ici Marseille, un autre tiers-lieu situé dans les quartiers Nord où les artisans mutualisent leurs machines et leurs compétences. Ils y testent leurs prototypes et affinent l’identité de la marque aux influences japonisantes.

Le sur-mesure comme marque de fabrique

La ligne directrice de Rinku – en japonais assembler/relier – réside dans la simplicité, une certaine sobriété mais avec de jolis détails, l’utilisation de belles matières avec des finitions de qualité. « Nous voulions un rendu authentique », explique Raphaël.

Noyer, chêne, frêne… différentes essences de bois sont travaillées et certaines teintées. « On fait des finitions à l’huile, donc traditionnelles qui permettent de conserver le toucher-bois. Au même titre qu’on veut que les gens se reconnectent à la production, on veut aussi qu’ils se reconnectent à la matière, et on ne va pas mettre une couche de vernis qui donne l’impression qu’on a mis le meuble sous cellophane ou qu’il y ait un rendu plastique ».

Si l’un des axes forts de l’enseigne reste la fabrication de meubles « sur-mesure », elle s’est spécialisée dans la conception de façades de cuisine. Leur particularité : s’adapter à la gamme d’une célèbre marque de meubles en kit. « Énormément de gens font leur cuisine chez Ikea, mais ont quand même le désir du sur-mesure et de belles matières en façade », poursuit le designer.

Et d’expliquer : « On travaille ce qu’on appelle des panneaux lattés avec un cœur dans un bois léger qu’on peut plier, avec des couches dans différents sens pour que ce soit bien stable, et ensuite il y a une feuille de placage d’un millimètre en moyenne de chêne, frêne ou noyer. Ça permet d’avoir un panneau léger, mais résistant et qui ne va pas se déformer dans le temps tout en restant à des coûts envisageables ».

Pour rester dans la démarche du 100% local, Rinku s’est appuyée sur l’expertise de Eco Impact. La start-up marseillaise a sourcé les provenances des essences de bois de tous ses fournisseurs. « Tout est régional », plaide Raphaël. Comparativement aux façades de la grande enseigne suédoise, l’entreprise marseillaise se félicite d’avoir « 4 fois moins d’impact environnemental ».

Rinku, La marque marseillaise de meubles Rinku défend un savoir-faire local et sur-mesure, Made in Marseille
Les essences de bois sont stockés au sein de la manufacture. © N.K.

Une identité à préserver

Depuis son ouverture, il y a maintenant un an, la manufacture a livré un grand nombre de meubles. Une grande partie dans le cadre de réfection de bureaux et de marques telles que Morning ou Tetris aux Docks.

Avec la période post-covid et l’avènement du télétravail, la manière de concevoir les espaces de travail a évolué. « On se voit moins au bureau, mais on essaye de s’y voir mieux. Il y a un désir de se retrouver autour de grande table de réunion et d’espaces conviviaux où l’on va mettre de beaux meubles de qualité et, qui plus est, fabriqués à 20 kilomètres », constate Raphaël, qui défend un design artisanal de proximité.

Qu’ils soient particuliers ou professionnels, les cofondateurs sont dans un dialogue permanent « pour que le choix des matériaux et des teintes colle avec l’identité de l’entreprise ou de l’intérieur », ajoutent-ils, observant que leurs clients « ont envie de faire de plus en plus eux-mêmes, de s’impliquer dans le projet. On les aide dans la conception, on leur donne des conseils. On prend le temps de les accompagner pour qu’en fonction de leur mode de vie, le produit leur corresponde totalement ».

Mutualisation de la manufacture

L’activité, lancée en janvier 2022, est en constante augmentation. « Un ébéniste aujourd’hui doit avoir 5 à 6 machines différentes qui prennent beaucoup de place. On peut faire énormément d’opérations avec une seule. On gagne sur le foncier, du temps et sur la main-d’œuvre, souligne Raphaël, lucide. C’est vrai que cela pose la question de l’impact social. Il vaut mieux un peu d’emploi que pas du tout », plaide-t-il, sans langue de bois.

Rinku compte aujourd’hui 5 salariés, dont deux compagnons du devoir. Et pour faire face aux moments d’affluence, l’entreprise peut compter sur les ébénistes indépendants, avec lesquels ils partagent l’atelier. « On s’est rencontrés à Ici Marseille. On s’entend bien, on voulait continuer à travailler ensemble pour continuer à s’apporter mutuellement sur des questions techniques et humainement ».

Rinku, La marque marseillaise de meubles Rinku défend un savoir-faire local et sur-mesure, Made in Marseille
Marion, ébéniste indépendante. © N.K.

La création d’autres fabriques en projet

La manufacture a réalisé un chiffre d’affaires de 140 000 euros en 2022. Raphaël estime « le double fin 2023. Je n’ai pas encore fait le bilan », assure le patron. Il envisage de faire grandir sa structure raisonnablement en ouvrant d’autres fabriques.

En projet, une autre unité de production à Marseille dédiée à la fabrication des façades de cuisine « car on commence à avoir des volumes. C’est un marché sur lequel il y a une appétence. On a aussi beaucoup de clients à Paris. On aimerait ouvrir un atelier là-bas, toujours dans l’idée d’être au plus proche des clients. Et embaucher bien sûr si l’activité continue d’augmenter ».

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