Après avoir bouclé une levée de fonds à 1,6 million d’euros, la start-up aixoise NepTech franchit un cap avec la commercialisation de ses premiers navires zéro émission. Quatre bateaux à propulsion hydrogène navigueront dès le printemps prochain.
Un peu plus de deux ans après sa création, la jeune entreprise aixoise NepTech prend un tournant avec la commercialisation de ses premiers catamarans à propulsion électro-hydrogène.
En février dernier, l’entreprise, basée au Technopôle de l’Arbois, clôturait un tour de table financier à 1,6 million d’euros (800 000 en capital) lui permettant de lancer la fabrication de ses embarcations zéro-émission, de 10 à 30 mètres, pouvant embarquer jusqu’à 200 passagers ou une vingtaine de tonnes de marchandises.
Leur démonstrateur d’environ 2,5 mètres, conçu et construit il y a deux ans, a réalisé des essais sur le lac de Peyrolles dans le pays d’Aix et dans le Vieux-Port de Marseille. Ils ont permis à la start-up de parfaire sa technologie brevetée.
Une plateforme de tests pour les différentes briques technologiques que l’entreprise développe. Qu’il s’agisse de la forme des coques, les foils (un profil d’aile asymétrique) qui vont sustenter le navire en dehors de l’eau, ou encore le système breveté d’injection d’air sur lequel NepTech travaille beaucoup sur la partie R&D. « C’est-à-dire qu’on va injecter des bulles d’air sous la coque du navire, ce qui va limiter les forces de friction, donc on consomme moins d’énergie, on a de meilleures performances et une meilleure autonomie », nous explique Tanguy Goetz, co-fondateur, et CEO de NepTech.
Même à échelle réduite, ce démonstrateur est une clé, « car nous pouvons projeter tous les résultats obtenus à l’échelle réelle et cela nous permet ensuite de nous engager auprès de nos clients sur la performance des navires ».
30 à 40% de consommation énergétique en moins
La vocation de Nep Tech est de maximiser l’efficacité énergétique de ses navires. Comparativement à un catamaran classique, avec sa technologie, NepTech obtient 30 à 40% de consommation énergétique en moins. « C’est énorme en termes de gain », souligne Tanguy Goetz.
L’intérêt de travailler sur ce type de technologie est d’obtenir une embarcation la plus sobre possible en énergie tout en compensant le poids supplémentaire lié au système de propulsion décarbonée.
« Il y a des enjeux de densité énergétique », commente le fondateur. « Une batterie pour une pile à combustible hydrogène est moins dense énergétiquement qu’un moteur à combustion diesel. Pour avoir le même rapport au même niveau de puissance, un système à propulsion hydrogène est 3 à 4 fois plus lourd qu’un système de propulsion diesel. Sur les batteries, on est quand même 5-6 fois plus lourd qu’un système de propulsion diesel. Évidemment, quand on ajoute du poids dans un navire, on va dégrader la vitesse et l’autonomie. Et par conséquent, l’activité commerciale de l’exploitant, entre le nombre de rotations et de passagers transportés. Donc si on agit sur la réduction des besoins énergétiques des navires, on vient compenser cet inconvénient en pouvant maintenir le niveau de performance ».
Des bateaux de transport de passagers à la vedette scientifique
Ainsi, grâce à son innovation de rupture, l’entreprise a pu concrétiser quatre commandes de navires (aussi bien en propulsion batterie qu’en propulsion hydrogène), dont le premier commencera à naviguer dès le mois de mars 2024.
Si le secret est bien gardé sur les clients, on compte une collectivité publique sur la façade atlantique. Cette dernière a commandé deux navires à propulsion hydrogène, pour des usages de type bus maritimes, un peu plus longs que le trajet des ferry-boats à Marseille, pour faire le lien entre les différents ports de la ville. Un acteur privé en région Occitanie s’est également positionné pour du transport touristique de passagers. Et « là, on est en 100% batteries sur ce modèle », précise Tanguy Goetz.
La start-up conçoit également une vedette scientifique pour une institution publique. Elle sera destinée à mener des opérations sur le lac Léman. Les navires seront fabriqués dans trois chantiers différents en France, en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Normandie. « Dans l’idéal, on cherche à être le plus proche de la zone d’exploitation, parce que ça a un intérêt en termes de retombées économiques sur le territoire, ensuite en termes de maintenance et de SAV », ajoute le CEO.
Fédérer un écosystème autour de la filière hydrogène
Et dans le Sud alors ? « Malheureusement non. On y travaille pourtant activement depuis quelques années », regrette Tanguy. Pour le fondateur de NepTech, il est essentiel de raisonner en termes d’écosystème pour ce type de mobilité. « Il faut penser comment on va l’avitailler (la borne de recharge électrique ou la station hydrogène), avoir les bons accès aux quais pour que la navire s’inscrive dans le plan de mobilité générale de la ville », poursuit-il.
Les différents succès commerciaux de la start-up ont été rendus possibles grâce à une collectivité publique ou un acteur privé qui réussit à fédérer l’écosystème et à avoir une vision globale. À Marseille, il y a beaucoup d’initiatives et de volonté, qui pour l’instant ne se rejoignent pas. « On espère que ce sera le cas très prochainement ».
NepTech avait remporté l’appel à innovation fin 2021 piloté par France mobilité pour le déploiement de nouvelles mobilités durant les Jeux olympiques Paris 2024. Associé en consortium avec Toyota et Energy Observer développement, l’entreprise avait proposé dans la candidature un modèle fluvial pour la Seine à Paris, et un modèle maritime à Marseille.
Les Jeux prennent le large
Cet appel à innovation n’était pas doté financièrement. Par ailleurs, il fallait garantir qu’après l’acquisition du navire et sa mise à disposition durant les Jeux, l’exploitant pouvait assurer la pérennité de son activité sur les 20-25 ans qui suivent. Malgré des discussions très avancées avec différentes exploitants, y compris sur la partie réglementaire, l’une des vraies barrières sur la filière hydrogène, il y avait un trou dans la raquette et des incertitudes sur la partie avitaillement.
« À Marseille, typiquement, il n’y aura pas de stations en bord de quai en 2024. À Paris, c’est pareil. Il y aura quelques stations éventuellement temporaires qui pourront être mises à disposition, notamment de la flotte de véhicules hydrogène Toyota, mais un exploitant qui investit dans un de nos navires doit pouvoir assurer son exploitation sur 20-30 ans », explique l’entrepreneur qui peine à mobiliser les acteurs.
Même si les délais sont courts, la team Nep Tech ne perd toutefois pas espoir de voir ses bateaux se parer des anneaux des JO. « Nous, on aura des bateaux prêts avant les Jeux, mais pas pour les Jeux, plaisante Tanguy. C’est le plus important. Ça aurait été une excellente vitrine », sourit-il.