Symboliquement inaugurée jeudi 23 septembre, en présence d’Olivia Grégoire, secrétaire d’État, chargée de l’économie sociale et solidaire (ESS), la Maison régionale de l’ESS devrait ouvrir ses portes à Marseille dans le courant de l’année prochaine.
Si l’économie sociale et solidaire n’a d’existence légale que depuis 2014, elle s’est ancrée peu à peu dans le paysage national ces dernières années. La crise sanitaire a d’ailleurs mis en lumière ses nombreux acteurs qui ont décidé d’entreprendre autrement, en conciliant enjeux sociaux et activités économiques. Il y a sept ans, la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress Paca) a décidé de changer de modèle économique.
Elle est la première de France à miser sur des adhésions directes. Aujourd’hui, elle compte près de 13 000 entreprises. Ce qui représente plus de 162 000 salariés (soit 13% de l’emploi privé) et 4 milliards d’euros de salaires distribués (soit 11% du PIB). Mais selon son président Denis Philippe, la Cress « ne peut pas rester au stade où elle est. Elle doit passer un cap, sinon elle va reculer ».
Depuis un an, l’équipe planche sur une politique plus ambitieuse, avec notamment la création à Marseille d’ici à l’année prochaine d’une Maison régionale de l’ESS. Les fondations de cette nouvelle structure ont été posées dans le cadre d’un travail coopératif mené entre trois acteurs historiques : le Mouvement associatif Sud Paca, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) et la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (Cress Paca). « Nous avons réussi à travailler ensemble. C’est loin d’être le cas dans d’autres régions », note Denis Philippe.
« Pour être un interlocuteur plus fort »
La Maison régionale de l’ESS a symboliquement été inaugurée, jeudi 23 septembre, en présence de la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire, ainsi que des partenaires qui occuperont le site, d’élus de la Ville de Marseille et de parlementaires (LREM). L’occasion de rappeler les dispositifs déployés dans le cadre du plan de relance en faveur de l’ESS avec 1,3 milliard d’euros dédiés et pas moins de 16 appels à projets allant de la création d’une recyclerie aux tiers lieux (40 millions d’euros).
« Je crois beaucoup en la création d’un guichet unique », déclare Hugues Vidor, président de l’Udes. Le fait d’avoir cette porte d’entrée nous permettra d’avoir plus de lisibilité ». Pour Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, la création de cette maison commune est la « démonstration concrète de la force de la coopération ».
Pour l’occasion, Denis Philippe revient sur la vocation de ce phare qui marque le développement d’une politique plus ambitieuse en faveur des entreprises de l’ESS sur le territoire, « pour être un interlocuteur plus fort ».
📌En direct de l’inauguration de la Maison régionale de l’économie sociale et solidaire qui devrait voir le jour l’année prochaine à Marseille, en présence d’@oliviagregoire, secrétaire d’état chargée de l’ESS.
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— made in marseille (@MadeMarseille) September 23, 2021
Made in Marseille : L’inauguration de la Maison régionale de l’ESS est avant tout symbolique. Vous souhaitez la voir se matérialiser à Marseille dès l’année prochaine. Où verra-t-elle le jour ? Comment va-t-elle fonctionner ?
Denis Philippe : Avec cette inauguration, nous marquons avant tout une intention, car à partir de 2022, cette Maison aura, en effet, une réalité visible. Aucun site n’est pour l’instant déterminé, mais l’objectif est d’acheter de grands locaux, idéalement 1 500 à 2 000 m², à Marseille. L’idée est d’avoir une ou plusieurs entreprises en activité au rez-de-chaussée et, dans les étages, les autres partenaires, comme le Mouvement associatif Sud Paca, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) avec lesquels la Cress travaille depuis un an. Ils sont d’ailleurs hébergés dans nos locaux. La Mutualité française régionale est intéressée pour intégrer cette maison, les coopératives également, France Active pourrait nous rejoindre.
Elle réunira la réalité des composantes de l’ESS, mais il faut que chaque entité ait son espace. Il n’appartient pas à la Maison de l’ESS de se substituer à ces organisations, mais plutôt mutualiser nos forces, des services. Il nous faut également des salles de grande taille pour organiser des réunions, qu’elles puissent être mises à disposition des acteurs de l’ESS. Le site doit être un lieu de vie et qu’il s’y passe des événements, pour amener les gens à venir le découvrir.
À combien estimez-vous cet investissement et sur quel modèle économique reposera la structure ?
Nous avons déjà réfléchi avec les banques sur le modèle économique, sur la manière de financer cet achat, car il nous faut une surface très importante. Nous avons estimé l’investissement à 2 millions d’euros pour la surface que nous souhaitons. On peut imaginer que la Cress fasse l’achat. Les différentes parties locataires permettront de trouver le modèle économique le plus adapté et je rappelle que les 5 banques coopératives sont adhérentes à la Cress. On peut imaginer que l’on fasse un pôle bancaire pour le financement de cette opération.
Quelle(s) ambition(s) portez-vous avec l’ouverture de ce nouveau lieu ?
Nous avons réussi à inscrire l’ESS dans le paysage régional, mais nous avons encore un gros travail de lobbying à faire. La Maison de l’ESS telle que nous l’envisageons va contribuer à cette démonstration beaucoup plus forte. Nous devons être plus performants, plus percutants, offensifs et mieux organisés. Nous sommes dans les radars de la Région, en tant qu’institution, mais nous devons travailler avec d’autres acteurs. Avec la Mairie de Marseille, par exemple, nous devons faire un travail beaucoup plus poussé. Ce ne sont pas que des accords de principe qu’il faut prendre, nous pouvons aussi apporter des réponses à leurs problématiques.
« Mieux accompagner ses entreprises et avoir dans chaque département une représentation »
L’ESS peut-elle, par exemple, apporter une réponse différente sur la restauration scolaire à Marseille ?
Bien sûr. Nous avons des exemples concrets. À Avignon, une association devenue une coopérative rachète les produits des paysans que les grandes surfaces ne prennent pas, car ils sont un peu cabossés. La cheffe d’entreprise est en lien avec les exploitations agricoles, et permet à des personnes en situation de handicap de travailler. La production permet d’alimenter l’hôpital d’Avignon, et aujourd’hui les cantines scolaires.
Vous souhaitez mener une politique plus ambitieuse à partir de 2022. Qu’entendez-vous par là ?
Nous ne disons pas que nous sommes la Chambre de l’économie sociale et solidaire, mais la Chambre des entreprises de l’économie sociale et solidaire. On nous prédisait que faire de l’adhésion directe d’entreprise ne marcherait pas, mais ça marche. Seulement, les entreprises attendent que nous leur apportions des services, et cela nous oblige à être plus efficaces. Pour porter une ambition plus forte à partir de 2022, il faut à la Cress des moyens supplémentaires pour mieux accompagner ses entreprises et avoir dans chaque département une représentation.
Où allez-vous chercher les financements ?
Nous avons 400 000 euros à trouver. Nous avons trouvé la moitié. Nous allons chercher les fonds supplémentaires. Il y a de l’argent dans l’ESS avec d’importants acteurs prêts à être partenaires économiques. Je crois d’ailleurs davantage à cette logique-là. Évidemment, si l’État souhaite aider…
Nous allons aussi mieux nous pencher sur les financements européens, la Maison de l’ESS va nous y obliger. Il ne faut pas tout attendre des pouvoirs publics et espérer avoir un modèle économique qui ne reposerait que sur leur soutien. Je veux pouvoir être dans mon rôle de défense des entreprises et avoir une parole libérée parce que je ne suis pas tenu par des engagements économiques ou que l’on m’agite une menace de me retirer une subvention.
« Une entreprise de l’ESS va se créer pour répondre à un besoin social »
Selon vous, peut-on aujourd’hui parler d’une véritable reconnaissance de l’économie sociale et solidaire ?
Il y a une reconnaissance de l’ESS aujourd’hui, sur le sens. Mais ce « sens » est interrogé par d’autres acteurs économiques. Si la vision que porte l’économie sociale et solidaire interpelle, on peut s’en féliciter, mais il y a quand même le risque que l’on se fasse déposséder de ce qu’est notre réalité. Il faut rester vigilant.
Il ne faut pas perdre de vue, que contrairement à une entreprise traditionnelle, une entreprise de l’ESS va se créer pour répondre à un besoin social. Nos entreprises doivent bien entendu être viables, dégager des excédents, mais l’argent n’est pas la finalité. C’est un outil qui sert le projet. L’utilité sociale est la démarche première.
Toutes les entreprises de l’ESS dans leur histoire se sont créées ainsi, c’est le cas de la Scop-Ti (ex-Fralib) à Gémenos que la ministre Olivia Grégoire va visiter vendredi matin [ce matin]. Cette volonté des salariés de reprendre l’entreprise répondait à un besoin social pour sauver des emplois. La réponse a été la reprise sous la forme de coopérative. C’est un mode d’entreprendre différent, c’est pourquoi moi j’ai toujours dit : « n’ayons aucune pudeur à dire que nous sommes des patrons parce que nous entreprenons autrement ».
De nouvelles élections à la Cress auront lieu au printemps. Allez-vous vous représenter pour un troisième mandat ?
Pour la Cress, nous sommes en train de construire un projet. Il y a une équipe et nous verrons ensemble qui sera en mesure de le porter, de s’engager sur les sujets qui concernent la Cress et d’y consacrer du temps. Nous veillons également au renouvellement générationnel, au sujet de la parité. Il faut laisser la place aux jeunes, c’est eux qui vont donner une nouvelle impulsion. Donc la question de la présidence n’est pas d’actualité pour l’instant. Nous verrons le moment venu. Ce sera de toute façon une décision prise de manière collégiale.