Emmanuel Macron est arrivé mercredi après-midi à Marseille pour un déplacement historique de trois jours dans la cité phocéenne. De l’Hôtel de Ville aux quartiers Nord, des acteurs locaux aux habitants, le chef de l’État a multiplié les rencontres, avant de dévoiler son grand plan d’envergure pour la ville aujourd’hui.
Emmanuel Macron aime aller au contact, les bains de foule, et ne s’en est pas privé. Arrivé hier après-midi à Marseille, où il doit annoncer, ce jeudi 2 septembre, un grand plan en faveur du développement de la deuxième ville de France, le Président de la République a pris le temps pour prendre le pouls, écouter avant de proposer.
Transports, écoles, logements, santé… Face aux nombreux défis de la cité phocéenne qu’il affectionne tant, le chef de l’État entend inventer des « solutions nouvelles ». Plus qu’un plan pour la ville pour répondre aux urgences sociales, éducatives, économiques et sécuritaires, il préfère parler de « vision et de grands projets. Je ne veux pas égrener des milliards, ça a déjà été fait beaucoup de fois ».
Le consensus : le prix du succès
C’est le discours qu’il tient d’abord aux élus locaux à l’occasion d’une réunion de près de deux heures à l’Hôtel de Ville où il a été accueilli par le maire Benoît Payan, avec lequel il échange régulièrement, depuis leur tête-à-tête en mars dernier.
Parlementaires au grand complet, quelques édiles de la Métropole et la présidente (LR) du Département des Bouches-du-Rhône, Martine Vassal, se sont exprimés individuellement sur les problématiques du territoire. « Direct, mais consensuel » glissent quelques-uns à la sortie de cette rencontre. Emmanuel Macron a insisté sur la nécessité des collectivités de travailler main dans la main, car « beaucoup d’échecs de cette ville sont le résultat d’un manque de consensus sur les projets structurants, comme par exemple sur l’Anru où on n’est pas allé jusqu’au bout par manque de consensus. Il a rappelé que l’argent ne faisait pas tout », confie le député LREM, Jean-Marc Zulési.
« Aujourd’hui, il n’y a pas de discussion, on a tous le même intérêt. Nous sommes d’accord au niveau local sur différents thèmes, comme la mobilité, l’aménagement du territoire, bien sûr qu’il faut que nous travaillions ensemble, que nous ayons des projets concrets pour avoir des résultats et être efficace », déclare la présidente (LR) de la Métropole Aix-Marseille Provence, à la fois « satisfaite » et « impatiente » d’entendre les annonces du jour, car hier, rien n’a filtré.
« Des obligations de résultats pas des annonces »
« La seule chose qu’il ait dite c’est : « vous devez travailler ensemble » », confirme la sénatrice socialiste Marie-Arlette Carlotti. « Et effectivement, il a rappelé une période où il y avait un premier comité ministériel lancé par Jean-Marc Ayrault et où les élus locaux n’avaient pas réagi, pas porté les projets. Aujourd’hui, il faut que quelque chose d’autre naisse. C’est un peu l’initiative de Benoît Payan qui veut des obligations de résultats pas forcément des annonces. L’obligation de résultats n’aura lieu que si le Département, la Métropole, les sénateurs… tout le monde se met ensemble pour concrétiser les projets qu’on va nous annoncer sinon cela n’aboutira à rien et les Marseillais seront extrêmement déçus ».
Par ailleurs, s’il y a urgence à « remettre la Métropole à plat », la fusion de l’institution avec le Département, évoquée par le passé par le Président, n’a pas été abordée à ce stade, même s’il a été rappelé qu’il y avait nécessité à ce qu’elle se transforme et améliore son mode de fonctionnement. Un dossier qu’il faudra toutefois traiter en priorité au risque de voir une nouvelle fois les projets rester dans les cartons.
Un air de campagne
« Il y a beaucoup de bonnes volontés pour essayer de redresser la ville sur beaucoup de plans », confie le sénateur (PCF) Jérémy Bacchi, qui « attend beaucoup du Président de la République et de l’État ».
Dans le cadre de la campagne municipale, le Printemps marseillais proposait « s’il le fallait, faire le siège de l’Élysée pour être entendu par l’État. Je pense qu’aujourd’hui nous le sommes en partie », confie-t-il. Lui a insisté sur l’urgence à investir « massivement dans la ville notamment sur les transports et les écoles, sur une police de proximité, mais aussi d’investigation pour le démantèlement des filières, et tarir le terreau qui favorise ces trafics : la misère, la question de l’emploi… »
Pour d’autres, cette visite présidentielle résonne comme une entrée en campagne. « Tout le monde comprend qu’il est en campagne électorale, tacle Jean-Luc Mélenchon (LFI). Il vient huit mois avant la présidentielle annoncer des milliards dont on sait que le premier sou ne sera pas dépensé avant deux ou trois ans, lâche à la presse le candidat déclaré et député des Bouches-du-Rhône. À Marseille, c’est le pèlerinage des promesses : on a eu d’abord Sarkozy, puis Ayrault, puis Valls… Ils avaient promis de réhabiliter, mais tant d’années après, il n’y a rien de fait, donc les gens sont exaspérés ».
« Rétablir la confiance »
C’est à la cité Bassens, dans les quartiers Nord, touchés par la violence et les trafics de stupéfiants, que les habitants ont fait part de leur détresse. Sur place, l’accueil est chaleureux, les « youyous » fusent même, mais les Marseillais délivrent leur message, comme cet éducateur : « L’éducation, c’est primordial, il faut miser dessus pour pas que les jeunes dérivent », quand d’autres confient souffrance et sentiment d’abandon.
Entre thé et pâtisseries orientales, dans un local associatif, là encore, Emmanuel Macron écoute. Notamment le jeune Amine, 17 ans, fondateur de l’association Conscience, et dont le frère a été victime d’un règlement de compte en janvier dernier. Touché, à l’issu de ce moment, le chef de l’État assure aux journalistes, vouloir rétablir la « confiance avec l’efficacité et les résultats, pas avec un discours ». Il entend « faire le maximum pour Marseille », et « avec les gens qui savent le faire sur le terrain », sans faire de « fausses promesses ».
Rentrée scolaire et annonces
S’il a égrené quelques annonces hier, notamment sur le plan de la sécurité [lire ici], ce jeudi matin, il doit assister à la rentrée scolaire dans une école (13e) des quartiers Nord. 1,2 milliard d’euros sont attendus pour un vaste plan de rénovation de plus de 200 écoles sur les 472 que compte la ville. Le locataire de Matignon dévoilera la somme qui sera prise en charge par l’État.
Parmi « les nouvelles solutions » que souhaite mettre en place le Président, un établissement public afin de piloter le projet, sans pour autant s’ingérer dans les affaires marseillaises, prévient son entourage. « Paris ne vient pas gérer Marseille ». Un nouvel outil sur lequel compte Benoît Payan pour réussir le pari de redresser la situation des écoles devenues « grande cause municipale ».
Le chef de l’Etat se rendra également à l’hôpital de la Timone dans la journée, accompagné du ministre de la Santé Olivier Véran. Il échangera avec les personnels soignants sur l’enjeu global de reconstruction de l’hôpital, et notamment de la maternité et du service pédiatrique, dans le cadre du projet du pôle « Mère-Enfant ».
D’autres annonces sont attendues dans l’après-midi au Pharo, pour réhabiliter les logements insalubres, sur les hôpitaux, le port ou encore sur le volet de la mobilité : une société métropolitaine des transports ou un groupement d’intérêt public pour accélérer sur le sujet des transports ? La question doit être tranchée à l’occasion d’un déjeuner avec la présidente de la Métropole aujourd’hui et les acteurs économiques.
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